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Je ne ferai plus qu'une seule observation critique. Il y a dans l'histoire des rois de Kenda, un passage dont la traduction, trop peu exacte, ne fait pas suffisamment comprendre sous quel point de vue Hamza envisage ces rois de Kenda. «Alors, dit Hamza, Ziad (je pense qu'il » falloit écrire ;, et non ), fils de Haboula Salihi, régna en Syrie: >> cependant l'autorité principale étoit dans la famille de Djofna, et Ziad » n'étoit guère considéré que comme un usurpateur qui s'étoit emparé par » force de quelques contrées.» M. Rasmussen ne paroît pas avoir bien

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. كالمتغلب senti la force du mot

Les notes que le traducteur a jointes à sa traduction, lui mériteront la reconnoissance de tous les lecteurs. On lui saura gré sur-tout d'y avoir inséré presque en entier le chapitre de Nowaïri qui a pour objet toutes les journées fameuses parmi les Arabes. Ce n'est pas que ces événemens soient réellement de quelque importance pour la connoissance générale de l'histoire; mais ce qui leur donne un intérêt très-réel, c'est qu'on ne sauroit entendre beaucoup de passages des poètes anciens, sans la connoissance de ces faits et de l'enchaînement qu'ils ont entre eux. On y trouve aussi l'origine d'un grand nombre de proverbes dont on ne peut bien pénétrer le sens, si l'on ignore les circonstances qui leur ont donné la naissance. On regrette que M. Rasmussen n'ait pas donné le texte de ce chapitre de Nowaïri; mais des raisons d'économie paroissent avoir exigé de lui ce sacrifice, et personne n'a le droit de lui en savoir mauvais gré.

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J'aurois pu donner beaucoup plus d'étendue à cet article, si je n'avois craint de fatiguer les lecteurs de ce journal par des observations et des critiques de détail. Çe que j'ai dit de l'ouvrage de M. Rasmussen doit suffire pour engager tous les orientalistes à se le procurer, et pour exciter les jeunes professeurs à continuer d'enrichir la littérature de travaux utiles à ses progrès et honorables pour leurs auteurs: c'est tout le but je me suis proposé. Je n'ajoute plus qu'un mot, et c'est pour engager M. Rasmussen à donner un peu plus d'attention à son style latin, et à éviter des incorrections qu'on ne peut attribuer qu'à une sorte de négligence trop commune aujourd'hui, mais qui n'en est pas moins inexcusable. SILVESTRE DE SACY.

Laou-seng-urh, or, «an heir in his old age» (1), a chinese drama. London, 1817, in-16 de xlix et 115 pages.

UN écrivain célèbre du siècle dernier, admirateur passionné d'un art auquel il devoit ses plus grands succès et la plus belle partie de sa gloire, cherchoit à rehausser celle de la nation chinoise, en faisant remarquer qu'elle cultivoit depuis plus de trois mille ans, cet art, inventé un peu plus tard par les Grecs, de faire des portraits vivans des actions des hommes, et d'établir des écoles de morale où l'on enseigne la vertu en actions et en dialogues. Quand l'invention du poème dramatique à la Chine remonteroit à une époque aussi reculée (ce qu'il seroit difficile de démontrer), il ne faudroit pas se hâter d'en tirer un argument philosophique en faveur des Chinois. On a trouvé des spectacles à Java, à Sumatra, et dans toutes les îles du grand Océan, où la philosophie et même la civilisation n'ont pas fait de grands progrès. Si le théâtre a depuis long-temps été institué à la Chine, il n'y a jamais été en honneur; et, loin qu'on le considère comme une école de morale et de vertu, on n'y voit qu'un amusement frivole et dangereux, contraire à la gravité et à la décence, et pernicieux aux bonnes mœurs. Les lettrés n'ont jamais cessé de déclamer contre les jeux des bateleurs et des comédiens; car la même expression les désigne indifféremment. Mais ces déclamations n'empêchent pas qu'il n'y ait par-tout des comédiens ambulans, qui vont, chez ceux qui les appellent, jouer des farces ou représenter des tragédies; il est même du bel usage de les faire venir dans les repas de cérémonie pour divertir les convives, et ils sont admis jusque dans le palais de l'empereur, où ils servent, concurremment avec les marionnettes, les ombres mécaniques et les danseurs de corde, à l'amusement de la cour et des ambassadeurs étrangers. C'est qu'à la Chine on ne fait nulle difficulté de se montrer peu conséquent à ses principes, et qu'on y est, comme ailleurs, beaucoup plus sévère en théorie qu'en pratique.

Néanmoins, comme il n'y a jamais eu de théâtre public dans l'em

(1) Suivant l'orthographe dont les missionnaires de toutes les nations nous ont fourni les bases, et dont les transcriptions faites à la Chine par les Mandchous constatent l'exactitude, il faut lire Lao seng eul. La nouvelle orthographe adoptée par les auteurs anglais ne peut convenir qu'aux lecteurs de cette nation, et rend pour tout autre les mots chinois entièrement méconnoissables. Ces trois mots signifient, le vieillard qui obtient un fils; sens que la phrase du titre anglais n'exprime pas avec assez de clarté.

pire, et comme une telle institution est trop en opposition avec les lois, les usages et les préjugés nationaux, pour pouvoir jamais s'y introduire, on conçoit que l'art dramatique a dû souffrir du peu d'importance qu'on met à ses productions. Ce n'est pas une simple tolérance, ou l'accueil secret de quelques particuliers, qui peut faire naître des chefs-d'œuvre en ce genre; il faut aux auteurs et aux comédiens, des fêtes solennelles, le concours d'un grand nombre de spectateurs, des éloges publics, des applaudissemens universels. La police chinoise seroit renversée de fond en comble, si des histrions obtenoient ces encouragemens. Les auteurs comiques se ressentent de la même influence; et si ceux qui jouent les pièces de théâtre sont assimilés aux bateleurs, ceux qui les composent sont relégués, avec les romanciers et les auteurs de poésies légères, dans la dernière classe de la littérature. Quoi qu'en puisse dire l'auteur anglais dont nous allons faire connoître le travail, les ouvrages de pur agrément sont comptés pour peu de chose par les Chinois, dont l'estime avouée n'a d'autre règle qu'une utilité directe et immédiate. Le P. Cibot a bien peint leurs préjugés à cet égard, quand il a dit : « Les idées politiques de la Chine sur la poésie ne sont pas les » mêmes que celles de l'Europe... Le mérite de faire de beaux vers >> attire peu l'attention du Gouvernement. On dit ici qu'un homme de » lettres fait bien des vers, comme on dit en France qu'un capitaine d'in» fanterie joue bien du violon. »

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Au milieu de tant de causes qui devoient en arrêter les progrès, ou plutôt le retenir dans un éternel état d'enfance, c'est comme un prodige que l'art dramatique ait pourtant fait quelques pas vers la perfection, et puisse même soutenir un instant de comparaison avec les idées que nous nous en formons. Jusqu'à présent on n'avoit eu, pour en juger, que l'Orphelin de la Maison de Tchao, tragédie que le P. Prémare a extraite d'un recueil de cent pièces de théâtre, et mise en français. M. Davis vient de tirer du même recueil une comédie, qu'il a traduite en anglais : ainsi l'on peut, par ces deux échantillons, prendre une idée du goût chinois dans les deux genres. Sur la première de ces deux pièces, des juges éclairés dans ces matières avoient pensé que le théâtre chinois pouvoit être intéressant à étudier. Voltaire alla plus loin, et voulut prouver qu'il pouvoit être bon à imiter dans ce dessein, il choisit pour sujet d'une de ses tragédies la fable même de la pièce traduite par le P. Prémare. A la vérité, il eut soin de préparer et d'embellir toutes les situations qu'il y avoit prises, d'en faire disparoître toutes les irrégularités, d'en former enfin une pièce nouvelle, pour ainsi dire, qui n'a de commun que le titre avec son prétendu original. II eût été diffi

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cile d'agir autrement; mais aussi il s'en faut bien que l'Orphelin de Tchao soit la meilleure et la plus régulière du recueil où elle a été prise. Le drame que nous annonçons, nous paroît bien supérieur dans son genre, et bien moins éloigné de l'idée que nous nous formons d'une bonne comédie, sous le rapport de la fable, de la conduite et du style, que ne l'est à tous ces égards, du modèle d'une bonne tragédie, la pièce traduite par le P. Prémare.

Le traducteur, M. J. F. Davis, fils du directeur de la compagnie des Indes à Canton, est un jeune littérateur déjà connu par la traduction d'un petit roman, intitulé San-iu-lo, roman dont les journaux anglais ont parlé avec beaucoup d'éloges. Sa nouvelle traduction justifie ces éloges, et donne lieu d'espérer qu'elle sera suivie de quelques autres ouvrages du même genre. L'auteur paroît vouloir profiter des progrès qu'il a faits dans l'étude du chinois, pour transmettre à ses compatriotes quelques-unes de ces productions légères des Chinois, que les missionnaires et les autres savans ont peut-être trop négligées. C'est-là, sinon une des plus utiles, au moins une des plus agréables applications de la connoissance des langues. On voit avec plaisir les personnes qui se trouvent au milieu des naturels, entreprendre ces sortes de travaux ; ils n'exigent pas ce genre de recherches auxquelles il seroit impossible de se livrer dans les contrées lointaines, où l'on est privé du secours de nos bibliothèques; et ils demandent au contraire, par rapport aux expressions populaires, aux proverbes, aux allusions, ces notions locales, auxquelles les connoissances les plus profondes, acquises dans les livres, ne peuvent souvent suppléer qu'imparfaitement.

La traduction de M. Davis est précédée d'un Coup-d'œil sur le drame chinois et sur les représentations théâtrales. On y a réuni, sur l'état actuel de l'art théâtral à la Chine, quelques renseignemens dont les relations des voyageurs ont le plus souvent fourni la matière ; j'en extrairai quelques faits qui m'ont paru moins connus. La construction des théâtres n'entraîne pas à de grands frais ; c'est ordinairement la troupe elle-même qui en construit un en moins de deux heures, on a planté des piliers de bambous, qui soutiennent, à six ou sept pieds de terre, un toit fait avec des nattes; des pièces de toile peinte ferment la scène de trois côtés, et les spectateurs se placent en face du quatrième, qui reste ouvert. Rien n'indique le changement de scène : un général reçoit l'ordre de se rendre dans une province éloignée; il monte sur un bâton, fait claquer un fouet, ou prend à la main une bride et saute en faisant trois ou quatre fois le tour du théâtre, au bruit des tambours et des trompettes; puis il s'arrête tout court, et apprend aux spectateurs le

nom du lieu où il est arrivé. Pour représenter une ville prise d'assaut, trois ou quatre soldats se couchent l'un sur l'autre, ét figurent la muraille. Ces puérilités ne préviendront pas les bons esprits contre le théâtre même. La pompe du spectacle n'a rien de commun avec les véritables secrets de l'art, et les bons ouvrages sont ceux qui peuvent le plus aisément s'en passer. L'auteur anglais avoue que la scénique n'étoit pas beaucoup plus perfectionnée en Angleterre il y a deux siècles, et il remarque que la première invention des toiles peintes pour le changement de scène est attribuée à Inigo Jones, qui les imagina à Oxford én 1605.

On dit que quand la cour réside à Péking, on compte dans cette capitale plusieurs centaines de troupes, qui vont, dans d'autres temps, parcourir les provinces. Chaque troupe est composée de huit ou dix personnes, qui sont, à proprement parler, les domestiques ou les esclaves du maître. Ils voyagent dans des barques couvertes, le long des canaux et des rivières, sur le bord desquels sont situées la plupart des grandes villes. Ces barques sont leur habitation, et c'est là que le maître les exerce à la déclamation et leur apprend leurs rôles. Les personnages de femmes sont représentés par des hommes, depuis l'époque où le feu empereur Khian-Loung prit pour seconde femme une actrice, en dépit du réglement qui défend aux hommes en place de fréquenter les actrices et les femmes de mauvaise vie. Il est interdit aux auteurs de mettre sur la scène les empereurs, impératrices, princes, ministres et généraux des temps anciens. Ainsi le drame historique seroit proscrit précisément chez la nation qui devroit l'avoir le plus en honneur, et par un gouverne ment dont toutes les démarches sont, si j'ose ainsi parler, une perpétuelle représentation des actions et des maximes anciennes. Mais, suivant l'auteur anglais, cette défense est perpétuellement enfreinte, ces sortes de représentations étant en réalité l'objet favori et habituel de l'art dramatique. Voilà ce que j'ai remarqué de plus digne d'attention dans les détails relatifs au régime théâtral des Chinois. Ce qu'on lit ensuite sur les représentations, le jeu des acteurs, le sujet ordinaire des pièces, est extrait en grande partie des relations publiées par les différens voyageurs qui ont visité l'empire chinois, et se trouve déjà dans plusieurs ouvrages répandus. Je finirai donc l'extrait de ce discours en remarquant, d'après l'auteur, que les représentations théâtrales sont, à la Chine, plus puériles et plus insignifiantes, à proportion du rang élevé des spectateurs. A la cour et devant les ambassadeurs, on donne la préférence aux jongleurs, aux danseurs de corde, et même aux marionnettes, sur les meilleurs. acteurs. C'est ainsi que, sous la reine Anne, la bonne compagnie de

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