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extraits que comme des matériaux, et que d'ailleurs j'ai déjà traité ce sujet avec beaucoup d'étendue.

Le chapitre VI, qui occupe la première place, traite des rois arabes. de la famille de Malec, fils de Fahm, qui s'établit dans l'Irak; ces rois sont connus sous le nom de descendans de Lakhm,, ou de rois de Hira. Hamza donne 597 ans de durée au royaume de Hira, sous vingt-cinq rois; mais il y a tel de ces rois à qui il attribue plus de cent années de règne.

Le VII. chapitre offre la suite des rois arabes de Syrie, de la famille de Gassan. Suivant notre auteur, trente-deux princes se succédèrent dans ce royaume, dont la durée totale fut de 601 ans. Hamza dit que le premier de ces princes arabes reçut la souveraineté d'un roi des Grecs, nommé, Festouris : au lieu de ce nom, certainement corrompu, Alb. Schultens a pensé qu'il falloit lire, Festus: Reiske préfere lire, Nestorius. On peut supposer que celui que Hamza appelle roi des Grecs, n'étoit qu'un officier civil ou militaire, chargé d'un commandement pour l'empereur dans cette partie de la Syrie.

Les rois arabes de la famille de Kenda u sont le sujet du chapitre IX (le VIII. chapitre ayant été publié par Schultens, Reiske l'avoit omis). Ces rois, qui semblent plutôt avoir été des lieutenans des rois du Yémen que des souverains indépendans, sont au nombre de trois, et paroissent avoir été contemporains des rois Sassanides Firouz, Kobad et Khosrou Anouschiréwan.

A ces trois chapitres succède la première section du chapitre X, dans laquelle Hamza se propose de faire connoître les diverses ères dont les Arabes ont fait usage avant et après l'islamisme. On seroit tenté de supposer que la connoissance des diverses ères usitées chez les Arabes, dans les siècles antérieurs à Mahomet, devroit répandre beaucoup de jour sur l'histoire ancienne de cette nation. Il en est tout autrement cependant, parce que les historiens ne nous ont point appris les rapports chronologiques qui unissent ces différentes ères, et que le peu d'événemens anciens qu'ils nous ont transmis est rarement lié à quelqu'une de ces époques. Par événemens anciens, j'entends ici tout ce qui est antérieur à l'ère de l'éléphant, c'est-à-dire, à la guerre des Ethiopiens contre la Mecque. Notre auteur, il est vrai, nous dit qu'entre la mort de Caab, fils de Lowaï, qui formoit le commencement d'une ère, et l'année de l'éléphant, il y a un intervalle de 520 ans. S'il y a quelque chose de certain dans toute l'histoire ancienne des Arabes, c'est assurément la généalogie de Mahomet. Or, quelque calcul qu'on veuille adopter en fait de générations, il est impossible de supposer entre la mort de Caab, fils

de Lowaï, et l'invasion d'Abraha ou l'année de l'éléphant, un espace de plus de 250 ans.

Il n'est peut-être pas inutile toutefois de dire ici un mot des ères les plus anciennes indiquées par notre auteur; savoir, l'arrivée d'Ismaël et son établissement à la Mecque; la séparation des descendans de Moad et leur dispersion; enfin l'avènement d'Amrou, fils de Lohaï, au gouvernement de la Mecque.

La première de ces époques (en supposant la vérité du fait) seroit très-facile à déterminer; mais elle n'est d'aucune utilité pour l'histoire de l'Arabie, dont les faits connus s'élèvent à peine à quelques siècles avant J. C.

La troisième époque se lie immédiatement avec l'inondation occasionnée par la rupture des digues de Mareb, et je ne puis que rappeler ici le résultat des recherches qui m'ont déterminé à fixer cette époque aux premières années du 111. siècle.

Quant à la seconde époque, j'avoue que je ne sais pas bien précisément ce que Hamza entend par la séparation et la dispersion des enfans de Moad. Je regrette que l'éditeur, qui nous apprend que Reiske a traité ce sujet dans sa dissertation inédite, ne nous ait pas communiqué les observations de ce savant, relativement à cet objet. Les descendans de Nézar, fils de Moad, forment quatre branches, dont les unes s'établirent dans l'Yémen et les autres dans la Mésopotamie. C'est sans doute cette division d'une même famille que Hamza a eue en vue.

Quoi qu'il en soit, nous savons, à peu de chose près, l'époque à laquelle a dû vivre Moad, par le calcul des généalogies; et l'on peut affirmer que l'ère dont il s'agit ici ne remontoit pas plus haut que le commencement de l'ère vulgaire.

J'observerai au surplus que ce passage de Hamza n'a pas été bien entendu par le traducteur. On lit dans sa traduction : Quantum ad annum discessionis filiorum Moadi attinet, eo anno inceperunt Moadita se dissipare, et inde annos numerare. Eâdem ærâ utebantur quotquot gentes è Tehamah migrabant. Le sens de l'auteur seroit mieux rendu ainsi; « Quant à l'année de la dispersion des enfans de Moad, on entend par» là l'année où ils commencèrent à se séparer: ils en firent une ère. » Ensuite, toutes les fois qu'une famille quittoit le Téhama, ils con» tractèrent l'usage d'en faire une nouvelle ère, » Ceci donne lieu de croire que chaque famille ou colonie des enfans de Moad qui quittoit Je Téhama, adoptoit une ère particulière qui commençoit à l'époque de leur nouvel établissement; et c'est en effet la supposition la plus naturelle.

Une autre observation plus générale à faire ici, c'est que les ères

indiquées par Hamza appartiennent toutes aux Arabes du Hedjaz ou de la Mecque. Aussi est-ce avec raison que Djahedh, cité par Hamza, dit: « Les ères les plus célèbres parmi les Arabes, avant l'islamisme, sont >> au nombre de trois; l'année de l'éléphant, la mort de Héscham, et la >> reconstruction de la Caaba, Aussi les Coreïschites disoient: Une telle » chose s'est passée l'année de l'arrivée de l'éléphant, ou de la mort de » Héscham, ou de la reconstruction de la Caaba; de même que les >> autres Arabes disoient: Une telle chose est arrivée l'année

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» l'année du festin de la circoncision, l'année du débordement du torrent (ou de l'inondation de Mareb). Quand ils vouloient parler d'événe→ » mens plus anciens, ils disoient : Cela est arrivé quand les pierres étoient » molles, quand les pierres étoient maniables comme de l'argile, quand » les roches étoient détrempées comme de la boue.» Les mots que j'ai laissés en blanc, et que M. Rasmussen n'a pu traduire, sont je conjecture qu'il faut lire, l'année de la disette.

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A cette première section du chapitre x de Hamza, sur laquelle je me suis un peu arrêté, succède la deuxième section du même chapitre, qui contient un abrégé très-succinct des principaux événemens de la vie de Mahomet. Toute cette section n'est, comme le dit Hamza lui-même, qu'un extrait des Annales de Tabari.

La traduction de M. Rasmussen est en général assez exacte: elle n'est cependant point exempte de fautes, et il y a parfois dans le texte des phrases entières qui sont omises dans la traduction. Je me bornerai à un très-petit nombre d'exemples.

Le premier que je choisirai, sera pris de deux vers cités par Hamza, dans le chapitre VI de son ouvrage. Malec, premier roi arabe de l'Irak, fut blessé à mort par son fils Soleïma. Soleïma commit ce parricide durant la nuit, sans savoir que celui qu'il avoit percé de flèches étoit son père. · Lorsque Malec connut son meurtrier, il dit:

سليمة أنه شرا جزاني جزائي جزاه الله خيرا فلما اشتد ساعده رماني أعلمه الرماية كل يوم

« Soleïma m'a récompensé (que Dieu ne lui accorde jamais aucun » bien pour récompense); il m'a récompensé en me faisant du mal; >> chaque jour, je lui montrois à tirer de l'arc; et lorsque son bras est » devenu plus fort, il a tiré son arc contre moi. »

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J'ai traduit ce vers à la lettre, pour qu'on sente mieux en quoi con-siste l'erreur du traducteur, qui paroît n'avoir point aperçu que, dans les mots Y, le verbe a le sens de l'optatif. C'est ce qui l'a induit

à traduire ainsi ces vers:

Ita mihi rependit Soltimah, ut Deus ipsi nil boni unquam rependat; malis enim beneficia mea compensavit. Ego &c.

J'ai dit que Soleima avoit tué son père sans le savoir; M. Rasmussen a traduit, donec filius Soleimah eum inscium sagitta feriret. Je dois convenir que dans les mots du texte, Y,, et il ne le connoissoit pas, on peut douter si c'est Malec ou Soleima qui est le sujet du verbe. Le sens que j'ai adopté me paroît cependant suffisamment justifié par deux motifs: d'abord, parce que Soleïma est le sujet du verbe a,, il a tiré son arc contre moi ; et en second lieu, parce que la phrase suivantel ple Lobs and alw, et lorsqu'il sut que c'étoit Soleima qui l'avoit blessé,'est liée avec ce qui précède par la conjonction, qui indique d'ordinaire un changement de sujet; circonstance à laquelle on ne sauroit trop faire

attention.

J'ai cité ce vers à dessein, parce qu'il me donne lieu de faire une observation qui me paroît importante. On sait que la langue arabe est assu· jettie à un système artificiel de grammaire, fort compliqué. L'époque à laquelle ce système a été introduit, est nécessairement antérieure d'un siècle au moins à Mahomet, puisque la mesure des poèmes anciens nommés Moallakat suppose l'emploi rigoureux de ce système grammatical. Aujourd'hui un grand nombre de règles grammaticales, qui forment ce que les Arabes appellent el, et que nous pouvons, jusqu'à un certain point, nommer la syntaxe, est négligé, ou même ouvertement blessé, dans le langage commun et dans les poésies vulgaires. La même licence n'auroitelle point eu lieu dans les siècles antérieurs à Mahomet, non par négligence des règles, mais parce qu'elles n'étoient point encore fixées! S'il en étoit ainsi, on devroit peut-être conjecturer que la plupart des vers attribués par les historiens à des personnages antérieurs de plusieurs siècles à Mahomet ont été faits plus tard, lorsque les règles de la grammaire et de la prosodie avoient reçu toute leur perfection. Les vers que je viens de citer pourroient être de ce nombre, puisqu'en y observant exactement ce que prescrit le système grammatical des Arabes, on

بحر الوافر y reconnoit la mesure nommée

Il me semble, au contraire, que s'il étoit des vers dans lesquels on remarquât l'omission des règles qui forment le !, ils pourroient prétendre à une plus haute antiquité. En est-il de tels! c'est ce que je soupçonne, mais que je n'oserois affirmer; et je ne hasarde cette observation que pour exciter l'attention des orientalistes, et les engager à examiner si quelques exemples confirmeront ma conjecture.

Des vers que Hamza attribue à Adi ben-Zeïd, qui vivoit sous le règne de Noman le borgne, roi de Hira, et par conséquent près de

deux siècles avant l'hégire, me paroissent avoir été mal entendus, du moins quant à certains mots, par M. Rasmussen. Ces mêmes vers sont rapportés par Abou'lfeda, et se trouvent parmi les fragmens de cet historien que j'ai fait imprimer à la suite de la seconde édition du Specimen historia Arabum d'Ed. Pococke. La traduction que j'en ai donnée, me paroît aussi manquer d'exactitude. Cela me détermine à transcrire ici ces vers, en y joignant ma traduction et quelques courtes observations. Voici les vers, qui sont de la mesure nommée:

وَتَدَبَّرْ رَبَّ الْخَوَرْنَقِ إِذْ أَسْرَفَ يَوْمًا وَلَلْهُدَى تَفْكِيرُ ) يلك والْبَحْرُ مُعْرِمًا وَالسَّديرُ * سرة حَالُهُ وَكَثرَةُ ما تمهلك فَارْعَوَى قَلْبُهُ وَقَالَ وَمَا غِبْطَهُ حَيَّ إِلَى الْمَمَاتِ يَصِيرُ .

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Au lieu de, quelques manuscrits portent X; ce que je préférerois volontiers, à cause du mot qui vient ensuite. Dans le manuscrit autographe d'Abou'lféda, on lit. Dans le second vers, le manuscrit porte J. au lieu de J. Enfin on y lit, ce qui donne un sens un peu différent. Je traduis ainsi ces vers:

Recogita dominum arcis Khawarnaki, quando è sublimi loco respexit quâdam die; et utique in seria cogitatione est directio (id est, nemo sese benè dirigit, nisi seriò cogitando). Illum gaudio affecit sua conditio (ou opum suarum aspectus), et multitudo regionum quibus dominabatur, et mare latissimè patens, et arx Sediri. Mox verò ad se reversus, dixit: Et quænam est exultatio viri viventis, qui ad mortem properare se novit! Je ne sais pas ce qui a pu engager M. Rasmussen à traduire ainsi les mots sal, qui enim salutem suam cupit, huic casus humanos considerare incumbit je conjecture qu'il a cru devoir prononcer ainsi sol; mais je pense que c'est à tort, et que le J est ici l'adverbe d'affirmation J, et non la préposition J.

Le mot qui termine le second vers ne doit point être prononcé Sideir, comme le fait M. Rasinussen: la rime seule prouve qu'il faut prononcer Sédir.

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...

Enfin le troisième vers est traduit ainsi par M. Rasmussen: bono et invidendo statu gaudens haud censendus est vivus qui ad mortem vergit. Il a pris pour un adverbe négatif; je le regarde ici comme le nom conjonctif et interrogatif quid, quidnam. Je crois que, s'il étoit négatif, il auroit fallu dire Log.

D

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