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morts ni des vivans. » L'ode de L. Racine, toute belle qu'elle est, n'a ni la verve, ni la chaleur de celle de M. de Pompignan.

Malgré les épigrammes de Voltaire, les poésies sacrées de M. de Pompignan sont la partie la plus brillante de ses ouvrages, et Voltaire lui-même les admiroit en secret. Elles parurent par intervalle, de 1751 à 1755, et furent recueillies dans une édition magnifique en 1762. L'auteur a mieux réussi dans les cantiques et dans les prophéties, que dans les psaumes qui demandent plus de sensibilité et d'onction. Cependant on trouve une très belle strophe dans la traduction du psaume Qui regis Israel, intende, etc. Quant aux prophéties, la traduction du cantique d'Ézéchiel : 0 Tyre, tu dixisti, etc., présente de superbes strophes.

LOUIS POULLE (n. 1702-m. 1781), prédica teur ordinaire du Roi. Ses sermons composés et prononcés vers 1738 sans avoir jamais été écrits, n'ont été dictés par lui que quarante ans après, c'est-à

soin seulement de ne pas nommer l'auteur. Je me défiois un peu de l'homme, et je voulois l'avis du poëte. Il jeta des cris d'admiration; c'étoit sa manière quand il entendoit de beaux vers: jamais il ne les a écoutés froidement. Ah mon Dieu ! que cela est beau! Eh! qui est-cé qui a fait cela? Je m'amusai quelque temps à le faire deviner; enfin je nommai Pompignan. Ce fut comme un' coup de théâtre; les bras lui tombèrent. Tout le monde fit silence et fixa les yeux sur lui. Redites-moi la strophe. Je la répétai; et l'on peut s'imaginer avec quelle sévère attention elle fut écoutée. Il n'y a rien à dire; la strophe est belle, »

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dire, en 1778, et ils ont été publiés par son neveu la même année, 2 vol in-12 : c'est un effort de mémoire prodigieux (1). Les deux meilleurs discours de l'abbé Poulle sont l'exhortation sur l'aumône, prononcée dans la salle d'audience du grand Châtelet, et l'exhortation faite à l'occasion d'une assemblée de charité en faveur des enfans trouvés. Le succès de ces deux discours fut inoui. Ils firent le plus grand bruit tant à Paris qu'à Versailles; le triomphe de l'orateur ne se borna pas à de stériles applaudissemens de la part de ceux qui l'entendirent; il excita dans le moment une telle émulation de charité, que ses auditeurs versèrent l'or et l'argent avec abondance; beaucoup de personnes donnèrent tout ce qu'elles avoient sur elles, et c'étoient des sommes. On ne se rappeloit pas avoir jamais rien vu de semblable. La réputation de l'abbé Poulle fut telle qu'on ne craignit pas de le mettre sur la même ligne que Bourdaloue et Massillon; mais il s'en faut qu'il mérite un jugement aussi favorable. Il s'est fait remarquer, il est vrai, par une imagination vive et brillante, par de très beaux mouvemens oratoires, par des tours et des figures qui entraînent dans certains momens; mais l'art chez lui se laisse aperce→

(1) Surtout pour un ouvrage en prose; car pour des vers on les retient beaucoup plus facilement. On sait que Crébillon récitoit son Catilina d'un bout à l'autre saus en avoir écrit un mot; il eu étoit de même de J.-B. Rousseau et de l'abbé Delille, pour quelques-uns de leurs poëmes. La Harpe en a fait de même pour şə Mélanie. On pourroit encore citer d'autres exemples.

voir; il éblouit beaucoup plus qu'il ne persuade; ce n'est pas avec l'esprit seul que Bourdaloue s'est soutenu constamment dans le grand art de la conviction, et Massillon dans celui de la persuasion. Si cependant l'abbé Poulle ne marche pas de front avec ces deux grands orateurs, on ne peut lui refuser une place distinguée parmi les prédicateurs du second ordre. Nous citerons encore de lui ses sermons sur le Ciel et sur l'Enfer, où il Ꭹ a certainement plus de beautés que de défauts.

S.A. PROPERCE (n. vers 702 de R., 52 av. J.-C. -m. 742 de R., 12 av. J.-C.) a laissé quatre livres d'Élégies, où il célèbre constamment sa chère Cynthie, dont Apulée croit que le vrai nom étoit Hostia ou Hostilia, femme sur laquelle on n'a aucun renseignement. Properce surpasse Tibulle par la vivacité des couleurs et la force des expressions; mais il lui est inférieur sous le rapport de la sensibilité et de la délicatesse. Souvent aussi il renonce entièrement au ton élégiaque pour prendre celui du genre didactique et du genre historique ou mythologique. Alors il s'élève quelquefois au sublime de l'épopée. On regarde comme ses deux chefs-d'œuvre la 3. et la 11.o élégies du livre iv; la première est intitulée 2 Aréthuse à Lycotas; et la seconde a pour titre Cornélie à Paulus. Ce sont plutôt des héroïdes que des élégies. «Tout ce que la poésie a de grâces, d'élévation et de vraie flamme, dit M. de Longchamps, se trouve réuni dans ces deux pièces au mérite d'une

composition sage, méthodique et bien ordonnée ; et c'est au profit de la morale et des mœurs que tant de richesses sont prodiguées. » Parmi les autres élégies proprement dites de Properce, on distingue la 18. du livre 1, qui est un chef-d'œuvre de sentiment mis en image; la 12.o du livre 11, qui est celle de toutes où il a mis le plus d'esprit, sans qu'on ait à lui en reprocher l'abus. L'une et l'autre sont adressées à Cynthie. La 30.e du même livre, adressée à Jupiter sur la maladie de Cynthie, est encore une des plus belles, etc.

PHILIPPE QUINAULT (n. 1635-m. 1688). Atys est un des meilleurs opéra de cet auteur qu'il ne faut pas juger d'après ce qu'en a dit Boileau. Dans Proserpine, également estimé, la versification est plus élevée, surtout dans ce beau morceau, Ces superbes Géans armés, etc., qui sert d'ouverture, et que Voltaire admiroit; c'est en effet, avec le fameux morceau de Persée, j'ai perdu la beauté, etc., ce qu'il y a de plus fortement écrit dans Quinault. Amadis et Roland sont encore deux opéra qui font honneur à sa Muse, surtout le prologue d'Amadis qui est l'un des plus ingénieux selon Voltaire. Mais le plus beau de tous est Armide; c'est là que l'élégance du style est le plus continue, que les situations ont le plus d'intérêt, qu'il y a le plus d'invention allégorique, le plus de charme dans les détails, etc. Voici comment autrefois on caractérisoit les quatre plus beaux opéra de Quinault : Atys, disoit-on, est

l'opéra du roi ; Armide, l'opéra des dames; Phaëton, l'opéra du peuple; et Isis, l'opéra des musiciens.

QUINTE-CURCE (n. 750 de R., 4 av. J.-C.-m. 803 de R., 5o de J.-C.), a laissé une Histoire d'Alexandre, en dix livres, dont Freinshemius a suppléé les deux premiers et une partie du dernier. Le style de cet historien est orné et fleuri. Le plus beau morceau de son histoire est sans contredit la fameuse harangue des députés Scythes à Alexandre, liv. vII. Viennent ensuite la bataille d'Issus, liv. III; celle d'Arbèle, liv. Iv; la situation de l'armée d'Alexandre dans les déserts de la Sogdiane, liv. vII; le fameux ouragan dont son armée fut assaillie dans une forêt, liv. vi; l'élévation d'Abdolonyme, liv. Iv; la confiance d'Alexandre en sort médecin, liv. ; le meurtre de Clytus, liv. VIII; enfin, la mort d'Alexandre et son caractère, liv. x.

JEAN RACINE (V. tom. 1, pag. 165). Nous avons parlé de ce grand homme dans notre premier volume, avec assez de détail pour que nous nous contentions ici de dire que, suivant Boileau et tous les hommes de goût, Athalie est son chef-d'œuvre ; ou pour mieux dire, c'est le chef-d'œuvre parmi d'autres chefs-d'œuvre, tels que Phèdre d'abord, puis Britannicus qui renferme des morceaux sublimes entre autres le discours de Burrhus à Néron; aussi Voltaire l'appeloit la pièce des connoisseurs ; puis

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