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quer, dans cette troisième partie, ce que les chefsd'œuvre des écrivains du premier ordre offrent de plus beau et de plus parfait, c'est-à-dire, ces morceaux d'inspiration, ces passages sublimes qui jettent un grand éclat au milieu de leurs compositions, et que l'on peut regarder comme la quintessence de toute la littérature. Il est certain qu'on ne peut trop se familiariser avec ces morceaux précieux, car dans tous les temps ils ont servi de base aux règles du goût; et les désigner aux amateurs, c'est leur faire sentir encore plus la nécessité de donner, dans leur collection, la préférence aux ouvrages dont ces morceaux font l'ornement, et qui sont les premiers titres de gloire de leurs auteurs. Telle est la raison qui nous a fait consacrer la troisième partie de notre travail à l'indication succincte de ces chefs-d'œuvre de chefs-d'œuvre, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Nous ne croyons pas qu'il existe de liste spéciale de çe genre; elle pourra servir de guide à ceux qui, ne voulant ou ne pouvant parcourir tous les domaines de la littérature classique, désireroient au moins en visiter les sites les plus enchanteurs. Cette liste auroit pu être beaucoup plus étendue combien de morceaux de choix, de discours, d'épisodes, de petits poëmes, de fragmens, réunissant les suffrages universels, nous aurions pu encore mentionner ; mais les bornes que nous nous sommes prescrites nous ont forcé d'en retrancher un grand nombre et de nous restreindre à ce qui nous a paru le plus essentiel. Un volume eût à peine suffi à ces détails.

On objectera peut-être que nous aurions pu fondre cette troisième partie dans la seconde, pour éviter deux nomenclatures où il est souvent question des mêmes auteurs. Nous répondrons que ces deux parties renferment deux objets très distincts; la seconde traitant de la prédilection d'hommes célèbres pour quelques ouvrages, ne comprend pas seulement des auteurs dans sa nomenclature; d'ailleurs elle est assez étendue à raison des jugemens portés sur les ouvrages qui y sont mentionnés. La troisième partie ne s'occupant que du choix des plus beaux morceaux de différens auteurs, en renferme plusieurs qui n'auroient pu paroître dans la seconde, parce que nous y avons admis quelques écrivains du second ordre dont plusieurs fragmens sont dignes de rivaliser avec des morceaux du premier. C'est donc pour éviter la confusion et pour mettre chaque chose à sa place, que nous avons séparé ces deux objets, quoiqu'au fond ils paroissent avoir quelqu'analogie. Nous ajouterons encore que nous méfiant de nos propres lumières, nous ne nous en sommes point rapporté à l'impression qu'avoient faite sur nous les morceaux que nous indiquons; mais nous avons consulté les meilleurs critiques et les meilleurs commentateurs, nous estimant heureux de nous être presque toujours rencontré avec eux dans le choix de ces morceaux dont voici la nomenclature raisonnée par or

dre alphabétique.

ANACREON (n. 532 av. J. C.-m. 447). Tout

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ce qui nous reste de cet aimable poëte, respire la délicatesse, la grâce, l'enjouement et le plaisir; ses odes, qui sans doute chez les Grecs n'étoient guère que des chansons de table (1), sont comme des roses de la plus grande fraîcheur, parmi lesquelles il est assez difficile d'établir un ordre de supériorité. Cependant la seconde ode, Sur les femmes, se fait remarquer par son élégance et par la précision du texte. La troisième, L'Amour mouillé, est l'une des plus célèbres; notre inimitable La Fontaine l'a parfaitement imitée. La neuvième, La Colombe et le Passant, est d'un charme qui a provoqué un grand nombre de traducteurs.La vingtième, à sa Maîtresse, est remplie d'images gracieuses.-La quarantième, L'Amour piqué par une abeille, est reconnue par les anciens et par les modernes, pour l'une des plus délicates et des plus ingénieuses qui existent.-La quarante-cinquième, Les flèches de l'Amour, n'est pas moins célèbre que la précédente. Parmi les poésies d'Anacréon, il y en a plusieurs dont on conteste l'authenticité ; en effet, quelques-unes de celles-ci paroissent moins dignes de lui.

(1) Elles se chantcient encore dans les repas chez les Romains du temps d'Aulu-Gelle, vers le milieu du 11.e siècle de l'ère vulgaire. Cet auteur latin rapporte en entier l'ode xv11, sur une coupe, et dit que tous les convives furent émerveillés de ce superbe morceau du vieillard de Téos, chanté et accompagné d'instrumens par une troupe de jeunes esclaves des deux sexes. V. Les Nuits Attiques, trad. par M. Verger. Paris 1820, tom. 3, p. 425.

APOLLONIUS DE RHODES (n. vers 222 avant ·J.-C.—m. vers 160), bibliothécaire à Alexandrie, ́est auteur du poëme des Argonautes, en iv chants, dans lequel on remarque le passage de l'amour de Médée pour Jason, qui est peint avec une grande vérité, où cependant on désireroit plus de force. Ce passage ne paroît pas avoir été inutile à Virgile, dans son quatrième livre de l'Énéide; et c'est déjà une certaine gloire pour Apollonius; mais en outre son poëme se fait remarquer par la pureté de la diction et par la beauté des vers : c'est dommage qu'il soit un peu foible du côté de l'invention et des caractères.

ARISTOTE (n. 384 avant J.-C. m. 322), est l'auteur le plus universel et le plus inconcevable qui ait existé, si tous les ouvrages qui portent son nom sont véritablement de lui, non-seulement à cause de leur nombre, mais à cause de la variété de connoissances qu'ils ont exigée. Logique, métaphysique, psychologie, physiognomonique, rhétorique, poétique, morale, politique, mathématiques, physique, histoire naturelle, économie, histoire, tout lui auroit été familier, et il eût, pour ainsi dire, excellé en tout; ce qui seroit un phénomène inoui, car l'esprit humain a ses bornes. Malgré cela, voyons parmi tant de productions diverses qui portent son nom, celles qui ont joui d'une plus grande célébrité. Sa Logique est si parfaite, que l'on a eu peu de chose à y ajouter dans les siècles, modernes. Sa

Rhétorique, en deux livres, est un des ouvrages les plus estimés qui nous soient parvenus de l'antiquité; son auteur est et sera toujours regardé comme un des législateurs de l'art oratoire. On en peut dire de même de sa Poétique. Son Traité de morale, adressé à Nicomachus son fils, en dix livres, est le premier ouvrage scientifique sur cette matière, et l'un des plus beaux que l'on connoisse. Sa Politique, ou Traité de la chose publique, en huit livres, ne le cède en rien au précédent, pour la réputation qu'il a acquise à son auteur. Son Histoire des animaux étoit en plus de cinquante livres ; il ne nous en reste que dix qui sont considérés comme un chef-d'œuvre. Malgré les progrès et les découvertes en histoire naturelle, l'ouvrage d'Aristote dont nous parlons est et sera toujours de la plus haute importance, soit par son exactitude, soit par les excellentes observations qu'il contient. M. de Buffon en a fait le plus grand éloge, et M. Camus l'a traduit en français, Paris, 1783, 2 vol. in-4.o auxquels on trouve quelquefois jointe une critique intitulée : Lettres d'un Solitaire, etc. (par M. Debure de SaintFauxbin), Amst., 1784, in-4.o de 101 pages. Nous pouvons encore citer d'Aristote une pièce de vers intitulée: Scolie, ou espèce d'hymne en l'honneur de la vertu, ou en commémoration de son bienfaiteur Hermias : c'est un très beau morceau de poésie. Nous ne dirons rien de sa Physique, de sa Métaphysique, de ses connoissances astronomiques, ni d'autres ouvrages qu'il seroit trop long de rappor,

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