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Galba dimissae, delectae ne s'entend que des cohortes, il doit en être de même de dimissae.

Il est inutile de s'étendre plus longuement sur les lacunes de ce livre. Ajoutons qu'il est d'une lecture difficile; les matières y sont groupées sous trois rubriques : les légions sous chaque empereur, la répartition des légions par provinces, l'histoire de chacune d'elles. Cette dernière partie suffisait, puisqu'elle seule répond au titre de l'ouvrage, et que les deux premiers chapitres ne concernent que l'histoire des empereurs en des provinces. Cette disposition nuit beaucoup à l'ouvrage. Telle particularité de l'histoire d'une légion, par exemple de la IIa Adjutrix envoyée en Bretagne par Titus, ne doit être cherchée ni à son article (p. 225), ni à celui de la Bretagne (p. 210), mais dans le chapitre de Titus (p. 73). De là, et beaucoup d'omissions et beaucoup de répétitions. Ce qui fait que le livre, bien que renfermant un grand nombre de renseignements fort utiles, est à la fois trop long pour un simple tableau, et trop court pour une véritable histoire des légions romaines.

Camille JULLIAN.

Ces lignes étaient écrites lorsqu'ont paru, coup sur coup, les deux travaux les plus importants qui aient encore été faits sur les légions romaines, travaux d'ailleurs intimement liés l'un à l'autre. L'un a paru dans le premier fascicule de l'Hermes de 1884 et traite du recrutement des armées de l'empire; l'autre, dans l'Ephemeris epigraphica (1884, 1er fasc.), est le tableau de tous les soldats légionnaires ou auxiliaires dont l'épigraphie nous a conservé le lieu d'origine. Il importe de signaler ces deux études, toutes deux de M. Mommsen. — C. J.

P.-E. FAHLBECK. La royauté et le droit royal francs durant la première période de l'existence du royaume (486-614). Librairie Glecrup, Lund, 1883, 4 vol. in-8° de xv-346 p.

Livre remarquable et qui fera sensation. Œuvre d'un esprit vigoureux et original.

Je résume l'ouvrage dans ses lignes principales: La royauté héréditaire, c'est là la grande forme des Germains : c'est la royauté qui a eu raison du vieux monde romain; c'est elle qui a créé et organisé les États germaniques. Le droit du roi est en effet la seule force constituante et conservatrice du royaume franc. Le roi héréditaire possède le royaume comme un domaine privé ses droits ne sont pas constitutionnellement balancés par ceux d'une assemblée populaire. Le peuple franc ne possède pas d'assemblée générale (p. 19).

« Les éléments qui ont servi à la fondation du royaume franc sont les uns germaniques, les autres romains; mais l'édifice lui-même est entièrement neuf. »

Il y a en tout ceci une part de vérité et la thèse est présentée avec une conviction, un entrain, une force remarquables. Je ne crois pas néanmoins que les aperçus généraux les plus personnels et les plus neufs soient parfaitement conformes à la vérité historique. L'esprit vigoureux de M. F. ne paraît pas s'être exercé sur des périodes assez prolongées, avoir embrassé toute l'histoire des Francs par exemple; s'il eût pris la peine de le faire, non pas d'une façon pour ainsi dire matérielle, mais en y appliquant tout l'effort de son esprit, n'eut-il pas été conduit, rencontrant sous les Carolingiens et longtemps après les Carolingiens l'expression répétée de notions de droit public déjà relevées par Tacite, n'eût-il pas été invité à ne pas isoler historiquement la période qu'il étudie, à ne pas en faire une façon de monstre historique sans aïeux et sans postérité ?

Je songe surtout, en écrivant ces lignes, au rôle des assemblées populaires dont M. F. paraît faire si peu de cas. Ont-elles cessé, ces assemblées, ont-elles cessé, avant 614, de jouer leur rôle nécessaire dans l'adfathomia, ce grand acte juridique tout primitif qui contient le germe et comme la racine d'institutions diverses: le testament ou adoption pardevant le peuple, la vente sanctionnée par le peuple analogue à l'acte romain dont la mancipatio est la réduction juridique ? Et comment peuton n'apercevoir absolument aucune trace du rôle politique de ces assemblées dans la création de la royauté, alors que Grégoire de Tours écrit textuellement : « Ibique juxta pagos et civitates reges crinitos super se creavisse de prima et, ut ita dicam, nobiliori suorum familia2? » Comment peut-on ne pas apercevoir l'assemblée populaire, l'assemblée politique jouant quelque rôle dans la confection de la loi, alors que le grand prologue de la Loi salique porte Gens Francorum inclita..... dictaverunt Salica lege, » et qu'en l'an 574 nous voyons encore le roi Chilpéric mettre ce préambule en tête d'un édit : « Pertractantis in Dei nomen cum viris magnificentissimis, obtinentibus vel antrustionibus et omni populo nostro convenit 3?» Sans nul doute, la nation dispersée se trouvant dans l'impossibilité matérielle de se réunir tout entière, les grandes assemblées prirent peu à peu un caractère de plus en plus aristocratique. Sans nul doute, la royauté mérovingienne emprunte le plus d'autorité possible aux traditions romaines et s'empara de toute la force que lui donnaient naturellement les circonstances. Enfin elle affecta un caractère bien plutôt héréditaire qu'électif.

Mais tout n'est pas dit quand on a constaté ces grands faits. Les rois héréditaires ne sauraient faire oublier le point de départ de la royauté, ou, tout au moins, ce témoignage relevé plus haut de l'opinion publique touchant les origines de la royauté. Les lois émanées de la seule royaute

1. In mallo ante regem vel legitimo mallo publico. publici coram populo... (Behrend, Lex salica, p. 62). 2. Hist. France, II, 9.

3. Lex salica, édit. Hessels et Kern, p. 409, 1re col.

Quod heredis appellarit

ne sauraient faire oublier les lois dictées par le peuple ou les témoignages relatant le rôle du peuple dans la confection de la loi. La conscience populaire est éminemment conservatrice; c'est un trésor de traditions. Elle forme un puissant véhicule c'est ce véhicule qui charria l'idée de l'élection du roi depuis Grégoire de Tours jusqu'en plein moyen âge à travers la période carolingienne. C'est encore la conscience populaire qui conserva pendant douze siècles la notion des pouvoirs législatifs du peuple, notion souvent infirme, mais vivante toujours et apparaissant çà et là jusqu'aux derniers jours.

L'histoire ne ressemble pas à une boîte à surprise et le critique doit se défier de lui-même le jour où il croit apercevoir tout à coup des phénomènes nouveaux sans lien et sans attache avec le passé. Je crains que M. Fahlbeck n'ait été quelquefois le jouet de ces trompeuses apparences, mais je ne saurais proclamer assez haut la valeur et l'originalité singulière de son livre.

M. F. termine ce remarquable ouvrage par une série d'excursus très importants les principaux sont intitulés : l'Age de la loi salique (suivant M. F., la Loi salique est antérieure à Clovis et remonte à Clodion); Sur l'histoire des Goths par rapport à l'hérédité de la royauté chez ce peuple (M. F. combat la thèse de l'électivité des rois goths; il insiste sur le peu de crédit dû à Jordanis qui a copié hâtivement Cassiodore); le Domesticus et l'administration des domaines dans le royaume franc; la Constitution de Chlotachaire (discussion excellente).

La thèse suédoise, d'où est sorti ce bon livre français écrit et imprimé à Lund, contenait quelques autres excursus qui n'ont pas été reproduits. Paul VIOLLET.

Coutumes et institutions de l'Anjou et du Maine antérieures au XVIe siècle, textes et documents, avec notes et dissertations par A.-C.-J. BEAUTEMPS-BEAUPRÉ. Première partie, coutumes et styles; tome IV. Préface (du t. III). Paris, Pédone-Lauriel, 4 vol. in-8° de 561-113 pages et 1 fascicule de cxxvII pages.

M. Beautemps-Beaupré a terminé la tâche considérable qu'il s'était imposée le dernier volume des Coutumes et institutions de l'Anjou et du Maine vient de paraitre (t. IV); l'auteur a publié en même temps une préface destinée au t. III. Une bonne table termine le t. IV et rendra les recherches faciles.

Voici l'indication des textes publiés dans le tome IV :

1° Coutume rédigée vers 1440, éditée d'après un manuscrit de Rome; cette coutume dérive, en quelques parties, du Grand Coutumier; 2° coutume de la seconde moitié du xve siècle; 3° style de la fin du xve s., dont il existe plusieurs éditions gothiques; 4° quelques fragments additionnels.

Ce volume se recommande par les mêmes qualités que les précédents et termine dignement cette grande publication.

:

Nous eussions souhaité une introduction plus longue l'auteur y accorde une bien faible place aux influences germaniques.

Paul VIOLLET.

Th. SICKEL. Das Privilegium Otto I für die rœmische kirche vom Jahre 962. Innsbruck, Wagner; 182 p. et 1 fac-similé.

La publication de M. S. doit fixer l'attention de tous ceux qui s'occupent des rapports de la Papauté et de l'empire au moyen âge elle répand en effet une lumière nouvelle sur quelques-unes des parties les plus obscures de cette histoire et peut servir à modifier des opinions que beaucoup considéraient trop facilement comme acquises. En même temps la sûreté de méthode et la finesse de critique que montre l'auteur font de ce mémoire un véritable modèle. Un enseignement général qui tout d'abord s'en dégage c'est qu'il faut savoir, en matière de diplômes, se garder même des excès de défiance. Depuis longtemps on s'était habitué à prodiguer un peu vite les termes « faux, supposé, interpolé, » et, sous couleur d'hypercriticisme, on a condamné des documents qui ne méritaient point toujours ce sort. Aujourd'hui cependant on parait enclin à plus de modération s'il en est qui s'acharnent encore sans pitié contre quelques-uns des survivants des exécutions antérieures, d'autres, au contraire, s'emploient à remettre sur pied les plus intéressants parmi les estropiés. C'est ce que fait M. S. pour le privilège d'Otto Ier et par contre-coup pour celui de Louis le Débonnaire; il y a d'autant plus de mérite qu'il plaide sur certains points contre des conclusions dont il s'était fait autrefois le défenseur.

On sait que les deux documents en question sont parmi les plus importants qu'on possède, pour le 1xe et le xe siècle, sur l'étendue territoriale, la constitution, l'administration de l'État de saint Pierre, en même temps que sur les conventions qui réglaient les rapports de la papauté et de l'empire. Malheureusement la forme sous laquelle on les connaissait était faite pour éveiller la défiance; aussi leur authenticité n'était-elle plus guère défendue que par des écrivains intéressés à l'admettre. Récemment, cependant, M. Ficker les avait soumis à un examen nouveau dont les conclusions étaient plus favorables. Grâce à l'accès que Léon XIII a ménagé aux savants dans les archives du Vatican, M. S. a pu étudier et faire reproduire l'exemplaire le plus ancien du privilège d'Otto, soustrait jusqu'ici aux regards profanes. Il en a joint un facsimilé à son mémoire. Est-ce l'original? Est-ce une pièce authentique? M. S. détermine d'abord, par un examen paléographique fort minutieux, que l'exemplaire du Vatican date du milieu du xe siècle, et il y voit une copie faite par un Italien d'après l'acte original. Il suppose qu'elle aurait pu être destinée à être déposée, selon un usage consacré, sur la REV. HISTOR. XXV. 1er FASC. 11

confession de saint Pierre et que, par conséquent, elle aurait été exécutée au su de l'empereur et avec son assentiment.

Mais le privilège d'Otto se rattache étroitement à celui de Louis le Débonnaire en 817, et on ne peut examiner l'un sans s'occuper de l'autre. Celui-ci nous ne le connaissons que par les reproductions d'une copie du XIe siècle et nous savons que l'original même n'existait plus au XIe siècle. M. S. cherche à déterminer la valeur des manuscrits où il se trouve, bien que quelques-uns, comme il le reconnaît, n'aient pas encore été étudiés d'assez près. Ce qu'il dit des manuscrits de Cencius doit être complété et rectifié : le troisième manuscrit, qu'il n'a pu consulter, a été étudié récemment par un membre de notre école de Rome, M. P. Fabre, qui y reconnaît tout au moins le plus ancien manuscrit et qui compte nous donner bientôt une bonne édition de Cencius : Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'école française de Rome, 1883. M. S. croit que toutes les répliques que nous avons du privilège de 817 proviennent de l'œuvre de quelque canoniste, peut-être du cardinal Deusdedit, qui, dans les dernières années du pontificat de Grégoire VII, aurait composé un recueil des privilèges de l'église romaine.

Le privilège de 817 devait être au xe siècle le plus ancien de ce genre qu'on connût à Rome, et, d'après la reproduction à peu près exacte et complète du protocole, M. S. suppose qu'il était placé dans le recueil en tête de la série.

Mais l'auteur du recueil n'était-il point capable de modifier ce document au gré des intérêts de la papauté? Depuis 817, tout en gardant les formes extérieures d'un diplôme impérial, n'avait-il pas subi quelque atteinte? Pour répondre à ces questions, M. S. examine la langue, le style, les formules et le contenu du privilège. Les remarques générales qu'il présente ici sur la méthode à suivre sont fort justes comme il le dit, il ne suffit pas de juger de l'authenticité d'un document d'après des règles de diplomatique soi-disant fixes et invariables, il faut rechercher si les circonstances historiques qui ont entouré la rédaction de ce document n'expliquent point les particularités qu'il présente et qui le distinguent des autres pièces du même temps. Les pactes du même genre qui avaient été conclus au siècle précédent, et que nous n'avons plus, devaient présenter un fond romain sous des formules franques. De même le privilège de Louis le Débonnaire s'accorde d'une part avec les usages de la chancellerie franque au commencement du xe siècle, tandis que de l'autre il correspond à ce qui s'était fait à Rome au viie siècle. Je crois que ce fut là le but que poursuivit la diplomatie pontificale en 817, elle s'attacha à ce que le privilège de 817 ne fût sur certains points essentiels que la reproduction des conventions antérieures à 800, qu'on n'y tint point compte des droits nouveaux et plus étendus que les Carolingiens auraient pu revendiquer en raison de leur autorité impériale. Le projet du privilège de 817 aurait donc été préparé par la cour pontificale.

En résumé, M. S. admet que le style et les formules de ce document

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