Page images
PDF
EPUB

tion doit être amenée plutôt que subie; que d'estimer enfin tout ce qui s'enseigne, et tout ce qui s'acquiert, et tout ce qui se transmet, au-dessus du don, ainsi nommé parce que c'est la seule chose qui ne se donne ni qui ne se reçoive... Flaubert savait son métier, et il le savait admirablement. Il ne s'est pas contenté de le savoir, il l'a étendu. Il possédait en artiste, en maître tous les procédés de la rhétorique naturaliste... C'est une date que Madame Bovary dans l'histoire du roman français. Elle a marqué la fin de quelque chose et le commencement d'autre chose. Ce roman parut en son temps, vint à son heure. On avait assez du romantisme, on attendait donc quelque chose; ce fut Madame Bovary qui parut. Elle contenait, dans une mesure savante, ce qu'il eût été dommage de laisser perdre du romantisme, et ce qu'il eût été dommage aussi de ne pas donner de satisfaction aux exigences du réalisme. L'œuvre est brutale, pénible à lire, mais non immorale. L'idéal, dans ce réalisme impitoyable, assurément n'est ni très noble ni très élevé. Ce ne sont pas au surplus des satisfactions de ce genre qu'il faut demander à Flaubert et ce n'est pas, aussi bien, ce qu'il veut donner. Il y a quelque chose qui relève singulièrement la vulgarité des personnes et du milieu c'est cette verve satirique, cette puissance d'ironie, ce redoublement de sarcasmes que Flaubert dirige contre le bourgeois, avec une violence qui ressemble à de la haine. Flaubert ressemble parfois à son curé Bournisien: il avait comme lui la stature athlétique, il a souvent comme lui le rire cynique. Il y a eu plusieurs Flaubert; celui de Salammbô, celui de l'Éducation sentimentale, celui de... mais au fait, il n'y en a qu'un, le seul et le vrai Flaubert: c'est l'auteur de Madame Bovary, et qui restera l'auteur de Madame Bovary. >>

Les 365, annuaire de la littérature, p. 192: Je suis encore haletant de la lecture de ce livre obscène. Certes, Gust. Flaubert a du talent, mais il se tromperait étrangement s'il croyait en avoir fait preuve dans les passages infiniment trop nombreux de son roman, où sous prétexte de réalisme, il nous entretient de détails d'une vulgarité bête, quand ils ne blessent pas le goût et les simples convenances. En matière de littérature et de peinture de mœurs, j'ai la manche très large. Je ne trouve pas mauvais, tant s'en faut, que l'adultère joue son rôle dans les fabulations des romanciers, mais ce que je déplore, c'est le cynisme, la crudité avec lesquels Flaubert nous représente des scènes de libertinage, qui font de son œuvre une chose immonde et que l'on rougirait de conserver dans sa bibliothèque. La mort de la coupable ne lave pas les taches de sa vie; elle n'arrive pas comme une expiation nécessaire. Quelques billets de mille francs de plus, et

Madame Bovary continuait ses débordements. Quant au style, l'auteur a énormément à faire pour constater sa valeur qu'on entrevoit, mais qu'on ne saisit pas encore. Ses phrases écourtées, ses expressions d'une trivialité affectée, occasionnent une fatigue. Mais à côté de cela, on trouve des pages charmantes qui n'appartiennent pas à l'école réaliste. M. Flaubert est perdu s'il ne fait pas son meâ culpâ de cette production et s'il prend au sérieux le succès de scandale qui l'a suivie! »

Je pourrais continuer longtemps les citations, car que n'a-t-on pas écrit pour et contre l'auteur et ses œuvres ? Mais la cause est suffisamment exposée et entendue, il ne nous reste plus qu'à reproduire le jugement du Tribunal, au sujet de Madame Bovary, c'est son absolution, ce sera notre conclusion.

Attendu qu'il n'est pas permis, sous prétexte de peinture de caractères et de couleur locale, de reproduire dans leurs écarts les faits, dits et gestes, des personnages qu'un écrivain s'est donné mission de peindre; qu'un pareil système, appliqué aux œuvres de l'esprit aussi bien qu'aux productions des beaux-arts, conduirait à un réalisme qui serait la négation du beau et du bon, et qui, enfantant des œuvres également offensantes pour les regards et pour l'esprit, commettrait de continuels outrages à la morale publique et aux bonnes mœurs; Attendu que les passages incriminés, envisagés abstractivement et isolément, présentent effectivement soit des expressions, soit des tableaux que le bon goût réprouve... Attendu que les mêmes observations peuvent s'appliquer justement à d'autres passages non définis par l'ordonnance de renvoi, et qui ne sont pas moins contraires aux bonnes mœurs, aux institutions qui sont la base de la société, qu'au respect dû aux cérémonies les plus augustes du culte... Attendu qu'à ces divers titres l'ouvrage mérite un blâme sévère, car la mission de la littérature doit être d'orner et de récréer l'esprit, en élevant l'intelligence et en épurant les mœurs, plus encore que d'imprimer le dégoût du vice, en offrant le tableau des désordres qui peuvent exister dans la société...

Mais attendu que l'ouvrage dont Flaubert est l'auteur est une œuvre qui paraît avoir été longuement et sérieusement étudiée, au point de vue littéraire et de l'étude des caractères, que les passages relevés par l'ordonnance de renvoi, quelque répréhensibles qu'ils soient, sont peu nombreux, si on les compare à l'étendue de l'ouvrage; que ces passages, soit dans les idées qu'ils exposent, soit dans les situations qu'ils représentent, rentrent dans l'ensemble des caractères que l'auteur a voulu peindre, tout en les exagérant et en les imprégnant d'un réalisme vulgaire et souvent choquant. Attendu que Gust. Flaubert proteste

de son respect pour les bonnes mœurs et tout ce qui se rattache à la morale religieuse... qu'il a eu le tort seulement de perdre parfois de vue les règles que tout écrivain qui se respecte ne doit jamais franchir, et d'oublier que la littérature, comme l'art, pour accomplir le bien qu'elle est appelée à produire, ne doit pas seulement être chaste et pure dans sa forme et dans son expression... Le tribunal l'acquitte de la prévention portée contre lui et le renvoie sans dépens. »

Le tribunal fit mieux que l'acquitter et de le renvoyer sans dépens, il le signala à l'attention et à la curiosité du public et lança la fortune de ce roman qui, peut-être sans ce jugement, fût resté inconnu. En tous cas, il y a mieux dans ce jugement qu'un document judiciaire; il y a une appréciation littéraire impartiale et éclairée: aucun critique n'a encore, si sainement et si magistralement, jugé Madame Bovary, que ces représentants de la loi et du bon sens.

Flaubert, pour en finir, est un romantique relaps qui s'est jeté dans les bras du réalisme par amour de l'art pour l'art; il s'est dévoué à la perfection de la forme, en substituant la sensation au sentiment et l'image à la pensée. Si le beau était le réel, Gust. Flaubert a des pages où sa poétique de l'horrible et ses peintures du vulgaire et du trivial, atteignent ce qu'il y a de plus poignant, de plus saisissant et de plus vrai dans Corneille, dans Shakespeare et V. Hugo: le beau n'a pas d'école, il est de tous les temps et de toutes les littératures.

Étant admise, cette école réaliste qui se pique de montrer le laid, de reproduire l'horrible, de faire dominer la bête sur la femme et les instincts du corps sur les mouvements de l'âme, Flaubert en est le chef, le génie. Il en est le commencement et la fin, car on ne peut faire l'injure à cette conscience littéraire droite, convaincue et indépendante, de lui imposer ces spéculations scandaleuses que certains industriels font passer en fraude, sous le couvert de son drapeau. Depuis Feydeau, qui a exhibé Fanny... dans la chemise de Madame Bovary, combien d'autres ont couvert et couvrent les nudités de leurs anatomies littéraires des loques, plus ou moins ordes, volés à Flaubert!...

Pauvre et malheureux grand homme! son supplice à lui, le contempteur de l'humanité, ce sera d'avoir malgré lui et quand même, des disciples qui déshonorent presque le maître. Il ne suffit pas toujours d'avoir fait un chef-d'œuvre, il faut le garantir des contrefacteurs et des imitateurs et surtout le sauver des empoisonneurs, et personne n'est pis, en ce genre que les disciples et les amis.

BOUVARD et Pécuchet, œuvre posthume. Paris, Lemerre, 1881, in-18, 3 fr. 50. (Conquet, 1883, páp. holl. br. 10 fr.; pap. ord. br. 4 fr 50; Porquet, 1885, br. 7 fr.)

Edit. orig. d'un roman plein d'exagérations caricaturales et grotesques contre les bourgeois qu'il détestait; il déchaîne contre eux, sous les noms de Bouvard et de Pécuchet, toutes les férocités du hasard et toutes les ironies de leurs faiblesses ; Bou. vard humanitaire, est joué par des enfants d'adoption; Pécuchet, qui veut essayer de l'amour, attrape une maladie.

CANDIDAT (le), comédie en quatre actes. Paris, Charpentier, 1876, in16, 2 fr. (Dufossé, 1881, br. 1 fr. 50.)

Edit. orig. de cette pièce jouée au Vaudeville qui tomba à plat dès la première représentation et ne se soutint que très difficilement quelques jours.

CORRESPONDANCE, première série, 1830-50. Paris, Charpentier, 1887, in-18 jés. (Conquet, 1887, br. 10 fr.)

Edit. orig.

EDUCATION (1') sentimentale, histoire d'un jeune homme. Paris, Lévy, 1870, 2 vol. in-8, 766 pp, 12 fr. (Monselet, 1870, br. Asselineau, 1875, dem. m. 9 fr.; Conquet, 1881, br. 15 fr.; Rouquette, 1881, br. 10 fr.; 1882, br. 15 fr.)

Edit. orig., qui, bien qu'elle porte la date de 1870, a été publiée en 1869. Satire virulente et acharnée, contre son éternelle bête noire, le bourgeois. Seulement le rire est un peu moins épais et la plaisanterie de meilleure éducation que dans Bouvard et Pécuchet. Cette histoire d'un jeune homme est presque la sienne, il se venge des figures sottes et ridicules qui ont attristé sa vingtième année et lui ont infligé ses premières et ses plus cruelles désillusions. Mais à côté du grotesque Arnoux, du faux Robespierre Sénécal et des comparses incohérents qui tapissent le salon du banquier ventru, quelle figure idéale, que cette Mmo Arnoux aimée, fêtée, adorée, divinisée par

l'auteur !

[ocr errors]

LETTRE à la municipalité de Rouen concernant L. Bouilhet. Paris, Lévy, 1872, in-8, 20 pp. (Sapin, 1878, br. 2 fr.

Flaubert, le cœur d'or pour ses amis, avait une passion d'amitié pour Bouilhet qui le lui rendait bien.

LETTRES de Gust. Flaubert à G. Sand. Paris, Charpentier, 1884, in-18 jés.

Correspondance débraillée qui malheureusement justifie trop ce qu'il lui écrit : « quand je commence à engueuler mes contemporains, je n'en finis plus.

[ocr errors]

MADAME Bovary, mœurs de province. Paris, Lévy, 1857, 2 vol. in-18 jés. 2 fr. (Laporte, 1874, br. 5 fr.; Asselineau, 1875, dem. m. 12 fr.; Conquet, 1875, cart. 25 fr.; Baur, 1874, dem. m. 25 fr. ; Sainte-Beuve, 1870, br. 40 fr.; Morgand, 1882, pap. de Holl. dem. rel. 150 fr. ; Porquet, 1884, cart. 35 fr.; 1885, mar. pl. avec suite eaux-fortes de Boilvin, 240 fr.; Rouquette, 1883, br. 20 fr.; Monselet, 1885, br. 37 fr.; Noilly, 1886, un des 50 ex. pap. vél. mar. pl. 335 fr.)

Edit. orig. en vol., car ce roman avait d'abord été publié dans la Revue de Paris. L'éditeur Lévy voulait, dans le principe, le donner en un seul vol., mais quand il s'aperçut, après l'impression, qu'il était assez épais pour le diviser en deux, il le scinda, à la page 233, par un titre portant 2 vol. Toutes les édit. Lévy, tirées sur le même cliché, présentent la même particularité. Il a été tiré de cette première édit. 50 exempl. sur pap. vélin, fort rares et quelques exempl. sur pap. de holl. introuvables. Ce roman a eu les plus nombreuses éditions, nous ne citons que les plus remarquables.

- PARIS, Lemerre, 1874, 2 vol. petit in-12, 540 pp. frontisp, et 6 eauxfortes de Boilvin, 10 fr. (Conquet, 1879, un des 26 exempl. sur ch. br. 150 fr.; 1883, un des 25 ex. sur whatmann, br. 50 fr.; Lefilleul, 1880, pap. teinté, br. 40 fr.)

[ocr errors]

EDIT. définitive. Paris, Charpentier, 1880, in-18 jés. port. 3 fr. 50. Rouquette, 1883, un des 50 ex. pap. de holl. br. 20 fr.; Sardou, 1883, br. 12 fr.)

PARIS. Quantin, 1885, gr. in-8, 12 eaux-fortes grav. par E. Abot et D. Mordant d'après les dessins d'Alb. Fourié. (Brasseur, 1888, br. 20 fr.) - SALAMMBO. Paris, Lévy, 1863, in-8, 6 fr. (Baur, 1874, br. 10 fr.; Laporte, 1874, br. 4 fr,; Monselet 1871, br. 2 fr. 50; Conquet, 1877, br. 4 fr. 50; Nadaud, 1880, br. 12 fr.; Rouquette, 1881, br. 10 fr.; Porquet, 1885, cart. 29 fr.)

Edit. orig., ce roman archéologique n'est pas assez exact pour être un livre de science et il est trop savant pour être un roman. Aussi est-il moins curieux qu'ennuyeux. TENTATION (la) de Saint-Antoine. Paris, Charpentier, 1874, in-8, 7 fr. 50. (Conquet, 1881, br. 15 fr. ; Cahen, 1881, br. 8 fr. ; Sapin, 1881, br. 5 fr.; Rouquette, 1883, cart. 25 fr.)

Edit. orig. d'un drame philosophique plutôt que d'un roman réaliste. On Ꭹ retrouve l'artiste de madame Bovary, le savant de Salammbo, mais il y a aussi beaucoup trop de l'auteur de Bouvard et Pécuchet.

- TROIS contes: un Coeur simple; la Légende de Saint-Julien; Hérodias. Paris, Charpentier 1877, in-18 jés. 3 fr. 50. (Nadaud, 1880, pp. de holl. br. 10 fr.; Rouquette, 1881, pap☛ holl. br. 12 fr.; Sapin, 1882, br. 5 fr.; Porquet, 1885, pap. holl. br. 36 fr.)

Edit. orig. Hérodias, après Madame Bovary, est, sans nul doute ce qu'il a de mieux. Sa notice, en tête des Dernières chansons de L. Bouilhet, 1872, in-8, a une note d'individualité franche et délicate qu'on ne trouve pas dans ses œuvres toujours impersonnelles, et par ce mot, j'entends que l'artiste étouffe si bien l'homme, qu'on voit l'artiste, mais qu'on n'entend pas son cœur.

[ocr errors]

FLAUX (Armand de) né à Uzès en 1819.

DANEMARK (du), impressions de voyages. Paris, Didot, 1862, in-8, x1363 pp., 5 fr.

HISTOIRE de Suède pendant la vie et sous le règne de Gustave Ier. Paris, Didot, 1861, in-8, 5 fr.

NUITS d'été, poésies, Paris, Giraud, 1850, in-8, 5 fr. (Laporte, 1874, br. 3 fr.)

Le poète-voyageur chante l'Espagne et l'Italie en 31 pièces de vers, dont Lucrezia Bambinelli, comédie en 3 actes.

« PreviousContinue »