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Talgol, de Newgate, qui, devenu capitaine, gagna la bataille de Nazeby, si fatale à Charles I, et que le poëte compare à Hercule tueur de bœufs; c'était un Ned Perry, valet d'écurie, qui se fit à l'armée une sorte de réputation. Les savetiers sur-tout, dans cette révolution, jouaient un très-grand rôle, avec un certain Howes, le réformateur, à leur tête: aussi le poëme de S. Butler est-il rempli de plaisantes allusions à la manique, quelques-unes dans le goût héroïque, à la manière d'Homère et de Xénophon, par rapport aux Grecs, euxvnμides, bien chaussés, bien bottés (2). (Voyez dans le dictionnaire (3), les articles de ce genre: Harrison, de boucher devenu prédicant de la révolution, et colonel de l'armée parlementaire; le risible chevalier Hawson, d'abord savetier, puis colonel et membre de la chambre haute du parlement de Cromwell).

IV. Ridicules des différentes sectes du temps de

Charles I; des récusants ou non-conformistes ; des presbytériens et indépendants; des autres sectes multipliées à l'infini, et de l'église anglicane, presque toujours opposées au roi, et le plus souvent unies en ce point, mais quelquefois divisées et ennemies. Relevé de leurs torts, injus

(2) Voir la note 132, page 328, tome I.

(3) Voir la note x.

tices, travers, singularités, ridicules, etc., nécessaire pour sentir et apprécier tout le sel, les graces et les plaisanteries semées dans la plupart des écrits satiriques de ce temps.

Ces sectes s'étaient multipliées à un tel point, que dans un sermon en actions de graces pour la prise de Chester, prononcé devant le parlement, l'orateur avança que dans la seule ville de Londres il n'y avait pas moins de cent quatre-vingt sectes différentes; et que dans une des remontrances à la chambre des pairs, de la noblesse de Cheshire, elle se plaignait qu'au lieu de vingt-six évêques, c'étaient quarante mille gouvernements ecclésiastiques ou quarante mille papes, ce qui était tout un.

A la tête de toutes ces sectes, on distinguait sur-tout les presbytériens et les indépendants. Ils avaient un extérieur de mœurs et un langage qui leur était particulier. Il y avait chez eux beaucoup d'hypocrisie, comme beaucoup de débauche chez les royalistes. Les sectaires affectaient un pieux nazillonnement, se disaient illuminés, inspirés par une grace divine, et avoir une lumière intérieure. Ils avaient un jargon qui leur était particulier; ils s'appelaient les élus, les saints ou prédestinés: leurs adversaires les méchants: et chacune des autres religions qui n'était pas la leur, Babylone la prostituée. Dans leurs discours revenaient souvent les mots de mortification, d'abomination, de contrition, etc.;

et dans le gouvernement ecclésiastique de quelquesunes de ces sectes, c'était une juridiction très-dure, des jugements rigoureux, des pénitences publiques très sévères, etc.

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Les presbytériens se distinguaient par la dureté de leur discipline, qui, pour les moindres choses, prodiguait les anathêmes, les excommunications les plus terribles, qui influaient non-seulement sur le spirituel, mais encore sur le civil: amendes, sellette, pénitence publique, tout était mis en usage par ce tribunal inquisitorial.

Les presbytériens prétendaient, à l'inspection du visage, connaître l'intérieur d'un homme. Cependant, avant de l'admettre parmi les leurs, c'étaient des questions religieuses très-singulières : « Depuis quel temps « avez-vous commencé à sentir les mouvements de « l'esprit ? Quel ouvrage la grace a-t-il opéré sur votre «<ame? » Plusieurs de ce genre, et d'autres encore sur Ja régénération, sur la prédestination, etc. Leur morale n'était ni pure ni humaine; on leur reprochait leur hypocrisie profonde, leurs sermons équivoques, leurs restrictions mentales, etc. La base de leur religion n'était pas la tolérance ni la charité. Ils avaient pour principe que toute propriété n'était appuyée que sur la grace; que quiconque n'était pas des leurs n'avait pas le droit de jouir d'aucuns biens, et qu'on pouvait légalement les dépouiller. Un certain Harrison, de boucher devenu colonel, sans quartier, tuant,

massacrant, avait toujours à la bouche ces paroles: Maudit soit celui qui fait avec négligence l'ouvrage du Seigneur. Les presbytériens et quelques autres sectes frémissaient à la vue d'un rochet, d'un surplis; mais, malgré leur haine conjurée contre les anglicans, souvent ils en prirent les ridicules.

Dans le grand nombre de ces différents sectaires, quelques-uns inclinèrent à adopter les rits et usages des Juifs. La plupart de ces ligueurs fanatiques avaient fait vœu de ne point se raser, et de porter leur barbe longue jusqu'à ce que le roi fût détrôné; souvent ils changeaient de parti. Sur la fin, les presbytériens eurent le projet de rétablir le roi, et ils le tentèrent en effet. Enfin, pour le philosophe réfléchi, pour l'écrivain satirique, pour le poëte S. Butler, c'était une boîte à marionnettes, c'était un vrai Bedlam (4), où ils trouvaient en nombre les tableaux à-la-fois les plus affligeants et les plus comiques. (Voyez encore dans le dictionnaire (5), le royaume de Jésus; Sedwick, prophète enthousiaste.)

V. Jeunes parlementaires forcés, au temps de Jacques et de Charles I.

Le 26 mars 1644, un bill du parlement ordonnait qu'on se retranchât un repas par semaine, dont le prix

(4) Bedlam, maison où l'on enferme les fous à Londres.

(5) Voir la note 1.

serait remis à ses préposés, en forme de contribution, pour soutenir l'armée parlementaire. Ce n'est pas que le parlement s'inquiétât beaucoup qu'on jeûnât, mais il voulait que l'on contribuật à ses dépenses.

Le 13 septembre 1658, le parlement ordonna un jeûne pour la mort de Cromwell; et le 13 octobre, même année, Richard, son successeur désigné, en ordonna un autre. Ces jeûnes se publiaient dans l'église de Sainte-Marguerite de Westminster, comme cela se pratique encore aujourd'hui. L'aversion des presbytériens pour l'église anglicane était si grande qu'ils refusaient de se conformer à ses usages les plus innocents; ils les contrecarraient en tous points. Par une suite de cette aversion, ils publièrent, en 1644, un jeûne pour le jour de Noël; et, en 1647, ils firent une ordonnance pour abolir cette fête et toutes celles qui subsistaient encore. Jamais on n'avait jeûné dans le monde chrétien un jour aussi solennel. Comme beaucoup de monde ne voulait pas se soumettre à ce réglement, ils envoyèrent des soldats dans les maisons un peu avant le dîner, qui emportèrent tout ce qui pouvait se manger, et s'en régalèrent, ayant obtenu pour eux la dispense du jeûne, à condition qu'ils le feraient observer aux autres. Les presbytériens écossais avaient donné de bonne heure des preuves de leur obstination à cet égard; car Jacques I ayant prié les magistrats d'Edimbourg de régaler les ambassadeurs français avant qu'ils s'en retournassent en France, les

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