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tions et disputes qu'il fait naître entre eux, aussibien que dans leurs actions, il démasque leur mauvaise foi, et la turpitude de leurs sectes. Le jugement qu'en a porté le célèbre Voltaire suffit pour l'éloge de ce poëme.

« Il y a sur-tout, dit-il, un poëme anglais que « je désespérais de vous faire connaître. Il s'appelle « Hudibras : le sujet est la guerre civile et la secte « des Puritains tournées en ridicule. C'est Don

Quichotte, c'est notre Satire Ménippée fondus «< ensemble. C'est de tous les livres que j'aie jamais «<lus, celui où j'ai trouvé le plus d'esprit; mais <«< c'est aussi le plus intraduisible. Qui croirait «qu'un livre qui saisit tous les ridicules du genre « humain, et qui a autant de pensées que de a mots, ne pût souffrir la traduction? C'est que << tout y fait allusion à des aventures particulières. « Le plus grand ridicule tombe sur les théologiens, << que peu de gens du monde entendent. Il faudrait << à tout moment un commentaire, et la plaisan«terie expliquée cesse d'être plaisanterie, etc. >>

Le traducteur est bien éloigné de prétendre avoir fait ce qui paraît si difficile à Voltaire, c'està-dire une traduction qui rende la finesse de

l'original; mais il s'est flatté que cet essai, quel¬ que faible qu'il soit, en pourrait faciliter l'intelligence à ceux qui savent l'anglais médiocrement, sans autre prétention, si

Ce que les Anglais appellent the humour est bien intraduisible; et comme c'est cela qui fait la principale beauté du poëme, on ne peut présumer que ceux qui ne liront que le français, y trouvent autant d'esprit que Voltaire.

Il y a, dans toutes les éditions anglaises de ce poëme, une lettre d'Hudibras à Sidrophel, que le traducteur a passée, comme n'ayant aucun rapport au reste de l'ouvrage; si quelque main plus habile veut s'exercer à la mettre en français, la difficulté de traduire dignement S. Butler, portera à excuser la faiblesse de cet essai.

2]

Le traducteur déclare qu'il n'a aucune part aux notes que l'on trouvera à la fin de chaque volume, l'éditeur s'en est absolument chargé, algae

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VIE

DE SAMUEL BUTLER,

AUTEUR D'HUDIBRAS.

La vie des gens de lettres est communément assez stérile; la solitude de leur cabinet ne fournit pas de ces grands événements qui surprennent et qui attachent le lecteur: on n'en est pas moins curieux cependant de connaître les moindres particularités d'un homme dont les talents ont fait honneur à sa patrie.

SAMUEL BUTLER, naquit en 1612, à Strensham, dans le comté de Worcester. Le père, qui était un gros fermier, remarquant dans son fils une grande inclination pour l'étude, l'envoya au collége de Worcester, et de là à l'université de Cambridge; mais ne pouvant soutenir une dépense si forte, il le rappella auprès de lui. Le jeune Butler se voyait alors beaucoup de loisir, il s'appliqua à l'histoire, à la poésie, à la musique, et quelquefois aussi à la peinture.

Elisabeth, comtesse de Kent, qui, à beaucoup

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d'esprit, joignait les plus vastes connaissances, et qui se faisait un plaisir d'encourager les sciences et ceux qui les cultivent, l'attira chez elle. Il y profita d'une excellente bibliothèque, qui était toujours ouverte aux personnes de mérite, et plus encore de la conversation de la comtesse et de celle de Selden, un des plus savants hommes qui aient jamais paru.

Il passa aussi quelque temps chez le chevalier Samuel Luke, d'une ancienne famille, dans le Bedfordshire, et l'un des officiers-généraux de Cromwell. On prétend que ce fut là qu'il composa son poëme d'Hudibras. On ne peut disconvenir qu'il était dans une excellente école, et qu'il se trouvait très à portée de s'instruire des différents partis qui divisaient sa patrie. Je n'ose décider s'il leur a toujours rendu justice; je laisse ce soin aux personnes versées dans l'histoire de ces temps-là. Mais il me semble qu'il devait épargner le chevalier Luke, son bienfaiteur, que la gratitude et la reconnaissance auraient dû mettre à couvert contre les traits de la satire de notre auteur.

Charles II haissait mortellement les presbytériens; quoiqu'ils eussent le plus contribué à son rétablissement, ils ne lui en étaient pas moins odieux. La gravité de leur maintien et l'austérité de leurs mœurs, étaient devenus l'objet perpétuel

des railleries d'une cour voluptueuse, où l'on se faisait gloire d'être sans mœurs et sans religion. Un poëme qui tournait en ridicule ces sectaires, et ceux qui avaient pris les armes contre Charles Ier, ne pouvait manquer d'être goûté. Le roi fit à l'auteur l'accueil le plus gracieux; les courtisans lui témoignèrent, à l'envi l'un de l'autre, le plaisir que leur avait fait la lecture de son ouvrage. Mais ces éloges ne furent point accompagnés d'effets solides, et notre auteur ne remporta que des louanges stériles, qui ne le mirent pas à l'abri de l'indigence.

Il épousa une demoiselle de très-bonne famille, et d'une honnête aisance, mais qui eut le malheur d'en perdre la plus grande partie. Le lord Buckhurst et le comte de Dorset, tous deux poëtes, et trop grands pour être jaloux, tâchèrent, par leurs bienfaits, de lui faire oublier sa mauvaise fortune.

Il mourut à Londres en 1680, sans laisser de postérité. M. Longueville, du collége des jurisconsultes du Temple, le fit enterrer à ses dépens dans l'église de Saint-Paul, Covent-Garden (1). Le

(1) On appelle cette église Saint-Paul, Covent-Garden, parce qu'elle est bâtie sur la place de Covent-Garden, et pour la distinguer de Saint-Paul de la cité, qui est la cathédrale, et de Saint-Paul de Shadwell, une des seize paroisses situées dans le comté de Middlessex.

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