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tions »; il a aussi tarlasker, tallasker « celui qui se gratte à la manière des mendiants »; tarlaskenn, tallaskenn tique; et kaskalat, kaskarat synonyme de tarlaska; Milin a remarqué qu'on dit aussi taskalat, tarlaskat, talaskat, tarlaska, « se gratter à la manière des bêtes (et des pauvres) ». J'ai entendu en petit Tréguier ce verbe employé, non pas neutralement, mais sous forme réfléchie: 'n im gaskëlat. C'est ainsi qu'on dit en gallo de Saint-Donan se cascaler, pour « danser la danse des gueux », et aussi « faire des embarras ». Ce mot peut être un emprunt au breton, comme il y en a plusieurs dans le langage de la même localité; cf. Rev. celt., V, 218 et suiv., Dict. ėtym., v. corrandon, cretat.

Il faut ajouter le vannetais de Sarzeau talâchk gunec'h tu le son du blé noir (qui est très grossier et gratte le gosier), Rev. celt., III, 236; on trouvera à cet endroit diverses déformations du mot garlosten perce-oreille, sous l'influence du nom de la tique, qui pourrait, inversement, lui avoir pris son r.

Je suppose que le kellaska chercher de Pel. vient d'un autre croisement entre clasker mendiant, celui qui cherche (son pain) et *callasker, tallasker celui qui danse la danse des gueux; cf. Zeitschr. für celt. Philol., II, 384.

L'origine de cette intéressante famille me semble être romane, et se rapporter aux formes cascalat, cascarat argot ou français populaire cascaret homme sans importance, de mine malheureuse ou d'apparence chétive, etc., Rev. celt. XV, 364; rouergat cascala, langage des Alpes cascaria bruire sous l'effet d'un choc; clapoter, en parlant de l'eau; vaciller, trembler, aller de çà, de là; brandiller, secouer; languedocien cascalho chose qui fait du bruit lorsqu'on l'agite, grelot, sonnette, cascalheto femme qui frétille en marchant, femme ou fille légère; cascalhou, rouergat cascarro, cascarrou grelot; tique, insecte (Mistral), etc. De cascal-, on a passé par métathèse à calasc-, d'où callasc-. Le changement de l'initiale en t semble avoir commencé dans le nom de l'insecte, à cause

de son synonyme tarac, qui a aidé aussi à l'introduction de l'r plus sans doute que la finale -en. De là tascal-, talasc-, tallasc-, tarlasc-.

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24. Il semble que terlesk et kellesk, variantes, à l'ile de Batz, de tellesk goémon comestible, gall. moy. delysc, irlandais moy. duilesc, etc. (Journal des Savants, août 1897, pp. 491, 492) résultent de l'imitation analogique de tarlaska, callasca =lallaska.

25. Le bret. an urlou, droucq sant Urlou la goutte Gr.. pet. tréc. droug an urlo, d'où cahout an urlou, (cahout) droucq sant Urlou ou beza urlaouëcq « avoir les goutes >> Gr., ne peut se séparer du pluriel haut breton ul rhumatisme articulaire « avoir les ul» à Dol, Annales de Bret., XII, 600; cf. han f. pl. goutte ou sciatique, hun id., Bas-Maine, Dottin. Mais quelle est la forme la plus ancienne? Le Nomenclator donne hurlou, ce qui paraît venir de *hunlou, cf. hurlink cauchemar, gall. hunlle, voir Gloss. 391, Rev. celt., XIX, 325.

26. On trouver adventice devant f dans neirf pétrin, en dialecte de Batz (presqu'île du Croisic), léon. nev auge. Ce peut être une imitation du rapport de meirf ivre, merven enivrer à des variantes meif, *meven, cf. léon. mezo, mezvi, tréc. mev, mevin; ici l'r doit venir de z, comme dans le léon. derves journée, birviquen jamais, moy. bret. dezuez, bizhuyquen (Gloss. 154, 69).

Dans les traductions du passage de l'Ave Maria (fructus) ventris tui, on trouve ho cof, Heuryou de Le Briz, p. 2; ho koff, Kanaouennou de Henry, 1842, p. 12; ho coff, Catechis... Sant-Briec, 1845, p. 34; ho kof, Parrosian de Ar Iann, 1874, p. 10; da gov saint Luc, I, 42 (Le Gonidec), da gov (Le Coat et version anonyme, Brest, 1851 et 1870), cf. ez coff Poèmes bretons, 203; mais ho corff Middle-Breton Hours 3; Rituel de Quimper, 1722, p. 290 (cf. Nouelou 88); ho corf Catechis... Le Mintier, 1817, p. 261; Catechis... David, 1877, p. 66; An devez christen, 2° éd., 4; ho korf, Katekiz, 1892, p. 91;

van. de 1693 hou corf, Loth, Chrestomathie bret., 331; id. en 1821, Science er salvedigueah 124; hou corv Officeu, 1870, p. 32, etc. Il n'y a pas là altération phonétique, mais changement d'expression: korf est le mot qui veut dire «< corps ». Le même euphémisme a produit des variantes plus divergentes van. er frèh à hou ligosté, Histoer... J.-C., Lorient, 1818, p. 10; léon. ar frouez a zo etre ho taou-gostez, Buez... J.-C., Quimperlé 1858, p. 19; ar frouez a zougit, Histor an testamant coz hag an t. nevez, 5° éd., 1890, p. 147; tréc. ar freuz a touguet entre ho taou goste, Test. neve, Guingamp, 1853, p. 127. La même confusion se montre par ailleurs dans le van. corf ou coff enn danteill « toilé » l'A., Suppl.

27. M. Stokes a admis, Middle-Breton Hours 94, l'insertion der dans le moy. bret. orfeb-r-er orfèvre, ordrenaff ordonner, scarpuler scapulaire et le mod. martolod matelot.

Orfebrer me semble être le franç. orfèvre augmenté du suffixe breton -er, -eur: cf. mod. orfebreur, van. orfebour, Gloss. 453. Cette addition était suggérée par le franç. orfévrerie (à côté du v. franç. orfevrie, cf. même poetrerie pour poeterie, poetrie poésie, voir § 62; bret. orfebrérez, orfebėrez, van. orfebereah Gr. Littré parle, à ce propos, d'une forme fictive orfevrier; celle-ci se trouve dans le Catholicon de 1522, qui donne pour les deux langues offeuurer (Gloss. 453). On peut comparer arbittrer, arbitrer un arbitre Nom. 295, v. fr. arbitrour; voir Rev. Celt., XX, 202.

Ordrenaff reproduit le v. fr. ordrener (ordrenner, ourdrener, cf. ordreer, ordener, ordeler, ordroner, etc.).

Scarpuler (mod. scapular, communément scorpular, van. scarpuler Gr., scapulére l'A.) est traduit dans le Catholicon par scarpulaire, qui n'est pas nécessairement un bretonisme : gascon escapurlari, rouergat escapullari, Mistral; cf. carporal, corporal caporal Gr., corporale l'A., v. franç. corporal, anglais id.

28. Martolot « matelot, compagnon marinier » Roussel ms vient de martelot resté en Vannes, cf. Rev. celt., III, 236, et il est devenu en Tréguier mortolod, par un nouveau progrès de l'assimilation vocalique (cf. Rev. celt., IV, 467; Gloss. 504).

Martelot doit peut-être son r à une variante française. Le manuscrit breton du mystère de saint Divy, que Luzel m'avait fait l'amitié de me prêter, porte, fo 15, cette indication scénique en français : « Le quatre martelo » (pour « les quatre matelots »); il est vrai qu'immédiatement après on lit : « primmier matelo parle » (le premier matelot parle), et qu'aux deux pages qui suivent, le mot reparait neuf fois, écrit matelo.

Il y a aussi un nom de famille Martelot; l'explication de Godefroy par le v. franç. martelot « petit marteau »> n'est pas certaine, du moins pour la Bretagne. Ce nom se trouve écrit Martello et Le Martellot dans un registre de Saint-Patern, contenant les baptêmes de 1587 à 1593 (fo 273 bis).

Le van. de Sarzeau martautt « mon bon-homme » l'A. (Gloss. 425) représente soit mal'tot, soit matrot pour matlot ou *mat'not, v. franç. matenot, cf. allemand Matrose, hollandais matroos, etc.; en tout cas, martelot peut être *matelot influencé par martautt.

29. En partant de matenot ou de matelot, d'autres épenthèses admissibles feraient aboutir à martelot.

D'abord "mantenot: cf. moy. bret. mitinguez et mintinguez matinée, mintin matin, mod. mintin, van. mitin Gr.; moy. bret. haquené, hacane, mod. hankane, hinkane haquenée Gloss. 310, van. haquené l'A.; briz-tracqanard haquenée Gr., tranquanart « haquenée, tracquenart, guilhedin » Nom. 32; mankein, maninkin m. mannequin, panier Milin ms; van. dambonærr pacifique, dambonærein devenir pacifique, dambonæradur pacification l'A., moy. bret. deboner débonnaire.

Un exemple de l'alternance d'n, r et devant t est mint, mintr, van. miltr mite Gr., miltre l'A., petit trécorois mirt; mintrat, sing. mintraden « un peu, un petit peu, si peu que

rien » Roussel ms, Pel.; un trop petit espace, dim. mintradic, Pel.; mindraill, mintraill mitraille Roussel ms, mintraill Pel., du franç. mite, mitraille, normand mindraille; v. franç. mitaille, mutaille, mittaille, mitraille, mintraille, mistraille. Le tréc. munudrailho plom mitraille rappelle à la fois mindraill, le van. munudaill« menuaille » de munud menu, petit, et le bret. drailla hacher. Voir Gloss. 432, 435.

Cf. moy. bret. nemet, nement sinon, mod. nemert; paneved, pe ne verd n'était Gloss. 442, 448, panevert e teuas n'était qu'il vint, s'il n'était venu Miz Mari, 1863, p. 60. L'r était appuyé ici par le syn. *nemet rak: merag am eus n'était que j'ai 57, merag oc'h eus bet toret (que serions-nous devenus) si vous n'aviez brisé (nos chaînes) 77, pet. tréc. merek.

30. Au cas de mistraille, mintraille, on peut comparer le moy. bret. jngal également, esgal (et egal) égal, mod. iñgal, van. egal Gr., v. franç. ingal, engueil égal (béarnais engouau), esgaler égaler. Cf. bret. amintiaich amitié, v. franç. amistiet; entocq estoc, eñtoff e(s)toffe, impiot e(s)pieu(t), iñtourdy e(s)tourdi, van. imburge e(s)purge Gloss. 26, 223, 571, 645; moy. bret. disemperance (franç. id. dans le Catholicon, ce qui doit être un bretonisme), disesperancc désespoir, disemper, disesper id., disemperaff Cathol., etc., et desesperifu désespérer, mod. dizempri v. n. être abandonné Milin ms.

C'est qui alterne avec s dans le v. franç. tiltre, tistre tisser, cf. bret. jalp(1) jaspe, jalpi jasper, jalpadur jaspure Gr., van. jasspe, jasspein, jasspadur l'A. Jalp est un indice de *jaspr, cf. v. franç. yaspre, italien diaspro (franç. diaprẻ).

Cf. encore tastous pour tartous, taltous teigne, cosson, etc. Gloss. 706, 707. Voir § 49.

31. Sur la possibilité du changement de *matelot en *mantelot, on peut voir § 2.

(1) De là la mauvaise lecture méan-ialp (H. de la Villemarqué), qui des dictionnaires de Le Gonidec a passé dans ceux de Troude.

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