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vrier 1818, are ordonnance qui condamna M. de Caballero à un exil perpétuel Le nouveau gouvernement constitutiomel l'a rappelé dans sa patrie.

CABANIS (PIERRE-JEAN-GEORCE), philosophe, médecin et poête, naquit en 1757, à Cosnac, département de la Charente-Inférieure. Ses premiers instituteurs furent deux respectables ecclésiastiques, établis dans le voisinage de son père. Cabanis n'avait alors que sept ans; mais les dispositions de son enfance présageaient déjà un homme supérieur. Entré au collège de Brive, le contraste qu'il remarqua entre la douceur de ses anciens maîtres et la sévérité des nouveaux, produisit sur son âme irritable et sensible une fâcheuse impression. Ces premiers chagrins de la vie, qui souvent laissent dans le cœur des hommes une mélancolie ineffaçable, auraient pu anéantir les heureuses dispositions du jeune Cabanis, si un maître de seconde, plus indulgent et plus sage, ne l'eût ramené par la douceur au goût du travail et de l'instruction, Cabanis fit des progrès rapides; mais tombé de nouveau en rhétorique sous la férule d'un homme dur; irrité d'ailleurs des sévérités qu'un chef de l'institution exerçait contre lui, il s'arma d'une telle obstination à ne plus rien faire, qu'il parvint à être renvoyé chez ses parens. Il y passa une année, et y éprouva des rigueurs inutiles. Au bout de ce temps, son père, persuadé qu'un esprit aussi indépendant devait être soumis à d'autres épreuves, le conduisit dans la capitale; et bien

le

qu'il n'eût encore que quatorze ans, l'abandonna seul au milieu de Paris. Ce parti, ainsi que fait remarquer Cabanis lui-même dans une notice, était extrême, mais il eut un plein succès. Cabanis, dès qu'il se vit libre, sentit renaître en lui le goût de l'instruction, et se livra au travail avec une ardeur nouvelle. Non-seulement il compléta sa première éducation par une lecture assidue des classiques grecs et latins, mais il étudia Locke, et suivit avec un zèle infatigable les cours de Brisson. N'ayant d'autres plaisirs que le travail et la société de quelques jeunes gens laborieux, il vit deux années s'écouler avec une rapidité incroyable, jusqu'au moment où il reçut deux lettres, l'une de son père, qui le rappelait au sein de sa famille, l'autre d'un grand seigneur polonais, qui lui offrait auprès de lui une place de secrétaire. La détermination du jeune Cabanis allait être décisive pour son avenir. Rentré dans sa province, il aurait peut-être vieilli obscur; poussé par son étoile à suivre l'autre route, elle le ramena sur un théâtre où ses talens devaient prendre leur essor. Bien qu'à en juger par les récits de quelques personnes, Cabanis dût considérer la Pologne comme un pays encore sauvage, il fit, pour quelque temps, ses adieux au sol de la patrie, et se rendit à sa nouvelle destination. Tous ceux qu'un long voyage à entraînés hors de Fance savent quel serrement de cœur, quelle profonde tristesse on éprouve en se trouvant isolé au milieu d'un peuple nouveau. A ce sentiment

se joignait chez Cabanis un autre motif de répugnance. Arrivé à Varsovie, en 1773, au moment où la diète y tenait ses assemblées, il fut témoin des moyens odieux qu'employaient les agens de quelques puissances pour intimider ou corrompre les députés polonais, et leur faire sanctionner l'asservissement de leur patrie. Ce spectacle, si affligeant pour toute âme bien née, fit sur celle de Cabanis une impression de tristesse et d'horreur qui ne s'effaça point; et son opinion sur les hommes, en général, se ressentit quelquefois du mépris qu'il avait si justement voué à des individus lâches et pervers. Après deux ans de séjour en Pologne, Cabanis, âgé de 18 ans, revint à Paris. Présenté à Turgot, ami de son père, et alors contrôleur-général, il en reçut l'accueil le plus obligeant; une place lui fut promise, et ses talens allaient sans doute lui fournir des chances de succès, sous un ministre aussi savant que vertueux: mais Turgot voulait le bonheur de la nation; une intrigue de cour le renversa. Contraint de renoncer aux espérances qu'il avait conçues de ce côté, Cabanis, qui, dans son voyage, s'était livré à l'étude de l'allemand, voulut perfectionner son éducation, et reprit avec plus d'activité que jamais les travaux que son départ lui avait fait abandonner. Son père encouragea ses résolutions, en se chargeant de pourvoir à tous ses besoins pendant plusieurs années. Lié avec Roucher, que la publication de son poème des Mois avait déjà rendu célèbre, Cabanis, dans une nouvel

le édition de cet ouvrage, inséra, à la suite des notes, quelques fragmens d'une traduction en vers de l'Iliade. Ces essais poétiques lui valurent des encouragemens de la part de plusieurs hommes de lettres, et quelques succès dans le monde; mais Cabanis aspirait à une réputation plus brillante. Sachant que l'Académie avait à peine jeté quelques regards sur! ses premiers travaux littéraires „ il en conçut un profond découra→ gement. L'excès du travail altéra sa santé, et il était dans cette tris te disposition, lorsque, cédant aux instances de son père, il fit choix d'une profession utile, et se décida pour celle de médecin. Dès ce moment, ce fut à cette science qu'il consacra ses travau.r et ses veilles. Sa résolution une fois prise, rien ne put l'ébranler; et durant l'espace de six années, il ne manqua pas un seul jour d'accompagner le docteur Dubreuil au chevet du lit de ses malades. Ses progrès sous ce grand maître furent rapides. Cependant l'état de sa santé le forçant d'aller souvent à la campagne, choisit le séjour d'Auteuil, d'où il pouvait promptement se rendre aux occupations qui l'appelaient à Paris. C'est là qu'il eut occasion de connaître la respectable veuve d'Helvétius, qui bientôt, le traitant comme son propre fils, le présenta aux hommes célèbres dont sa maison était le rendezvous. Parmi ces hommes remarquables, on distinguait Turgot, Condillac, Thomas, Franklin, Jefferson, et le baron d'Holbach. Ce fut par l'entremise de ce dernier que Gabanis devint l'ami de

il

Diderot, de d'Alembert, et deVoltaire. L'auteur de Mahomet entendit avec plaisir plusieurs morceaux de l'Iliade, et donna au traducteur des éloges qui purent le consoler des dédains de l'Académie. Cabanis, occupé sans réserve de son nouvel état, n'avait cependant pas achevé sa traduction; il paraissait avoir renoncé pour jamais au culte des muses, et ses adieux aux neuf sœurs sont consignés dans le Serment d'un nédecin, petite pièce imprimée en 1783. Quand la révolution éclata, Cabanis, comme tous les esprits sages, comine tous les cœurs généreux, en adopta les principes et en blâma les excès. En 1789 il fit paraître un ouvrage intitulé : Observations sur les hôpitaux ; et peu après, par suite des droits que lui donnait ce travail, il fut appelé à faire partie de l'administration des hospices de Paris. Cependant l'assemblée constituante, ce corps qui, dans la grande majorité de ses membres, révéla à Ja France tant de lumières et de patriotisme, venait d'ouvrir ses séances à jamais glorieuses. Parmi les talens remarquables qui tout à coup se développèrent, on voyait dominer cet homme prodigieux, qui, dès l'enfance de notre tribune, en fit la rivale des tribunes de Rome et d'Athènes. C'est de Mirabeau que nous voulons parler. Une conformité honorable de lumières et d'opinions fut, entre le grand orateur et le médecin-philosophe, la base d'une amitié que la mort elle-même ne put altérer. Mirabeau, comme on sait, ne se contentait pas d'enrichir la France du résultat de sa

propre érudition; des hommes savans ont plus d'une fois emprunté l'éclat de son éloquence pour propager des vues nouvelles et des projets utiles. Cabanis rédigea dans ce but un Travail sur l'éducation publique. Après la mort de Mirabeau, Cabanis, qui était en droit de revendiquer cet ouvrage trouvé dans les papiers de son ami, le publia en 1791. Il fit également paraître le Journal de la maladie et de la mort de Mirabeau. Et non content de lui avoir prodigué durant sa vie tous les secours de l'art et de l'amitié, il le défendit après sa mort avec toute l'énergie de la franchise et de la douleur. Son attachement pour l'illustre et malheureux Condorcet ne fut ni moins noble ni moins courageux. Cet attachement semblait croître avec la haine des persécuteurs dont cet homme célèbre fut la victime. Cependant Condorcet succomba sous les proscriptions du 31 mai 1793; et dans cette triste circonstance, son ami ne put lui rendre d'autre service que celui de recueillir ses écrits, et d'être, auprès de sa veuve, l'interprète de ses derniers vœux. Peu de temps après, Cabanis épousa la bellesœur de MTM Condorcet, Me Charlotte Grouchy, sœur du général de ce nom. Depuis cette époque, il dut à cette honorable alliance le charme et le bonheur de sa vie. Nommé en l'an 3 professeur d'hygiène, à l'école centrale du département de la Seine; en l'an 4, membre de l'institut national; en l'an 5, professeur de clinique à l'école de médecine de Paris; député en l'an 6, il sié

gea au conseil des einq-cents, jusqu'au 18 brumaire an 8. Par suite des liaisons intimes qui existaient entre lui et le directeur Sieyes, Cabanis prit part aux grands changemens qui s'opérèrent à cette époque, dans le système du gouvernement; devint membre du sénat-conservateur, et par la suite commandant de la légion-d'honneur. Cependant de longues méditations, et une vie toujours remplie par le travail, avaient affaibli sa santé. Celui qui avait tant de fois veillé sur celle des autres, fut obligé, pour réparer ses forces, de se retirer à la campagne. Ce fut chez son beaupère, dans un château à douze lieues de Paris, qu'il vint chercher le repos. Le grand air, l'exercice de la chasse, lui furent d'abord favorables. Rendu à lui-même,

il avait repris la lecture de ses auteurs favoris: les premiers amis de sa jeunesse étaient ainsi redevenus ceux de son âge mûr; et il se disposait à continuer sa traduction de l'Iliade, lorsqu'il mourut, frappé d'apoplexie, le 5 mai 1808, près de Meulan, département de Seine-et-Oise. Cabanis, dans toute l'extension du terme, était un homme de bien.. Cher à ses amis, à la patrie, à l'humanité; savant, sans pédánterie; médecin supérieur, il fit faire de grands pas à une science incertaine, en l'éclairant du flambeau de la philosophie. Tous ses ouvrages, dictés par la plus louable des intentions celle d'être utile, révèlent un esprit profond, une érudition immense, et un cœur excellent. Quoi que puissent dire quelques pé

dans ridicules, aussi incapables d'imiter Cabanis que de le comprendre, les jeunes étudians qui se destinent à la profession de médecin, ne sauraient choisir ni un modèle plus estimable, ni un guide plus éclairé. Indépendamment des ouvrages déjà cités dans cette notice, Cabanis, à différentes époques, publia les œuvres ciaprès: Mélanges de littérature allemande, ou Choix de traductions de l'allemand, etc., etc., Paris, 1797; cet ouvrage est dé¬ dié à M Helvétius. Les degrés de certitude de la médecine, Paris, 1797 et 1802, in-8°; Coup d'œil sur les révolutions et la réforme de la médecine, Paris, 1804, in-8°; Observations sur les affections catarrhales en général, et particulièrement sur celles qui. sont connues sous le nom de rhume de cerveau et de rhume de poitrine, Paris, 1807, in-8°; Dissertation sur le supplice de la guilLotine; dans laquelle l'auteur soutient, contre l'opinion de M. Sue, et celle de Sommering, que la douleur nese prolonge pas au-delà de la décapitation. Cette dissertation se trouve dans le Magasin encyclopédique. Rapport du physique et du moral de l'homme; douze mémoires, dont les six premiers parurent dans le vol. 1 et 2, du Recueil de l'Institut national, classe des sciences morales et politiques; et. le tout ensemble, Paris, 1802 et 1803, deux vol. in-8°. Chénier (Marie-Joseph), dans son beau rapport sur les progrès de l'état de la littérature en France, rapport qui fut mis, en 1808, sous les yeux de Napoléon, après avoir donné une analyse aussi lu

mineuse que rapide des douzé mémoires dont nous venons de parler, termine le paragraphe qui les concerne, par ces mots; «Le plan de son livre est aussi bien exécuté qu'il est bien conçu; les questions y sont traitées avec profondeur, et l'élégance du style leur donne autant d'intérêt qu'elles ont d'importance. Aussi la renommée de ce bel ouvrage est faite en Europe; elle y doit encore augmenter. Plus il sera lu, plus on sentira combien de sortes de connaissances, combien de genres de mérites il fallait réunir pour appliquer, avec autant de succès, l'analyse de l'entendement à la physiologie transcendante, et l'art d'écrire à tous deux. » Dans une seconde édition du même ouvrage, on trouve, indépendamment des additions faites par l'auteur lui-même, un extrait raisonné, servant de table analytique, par M. Destutt-Tracy, et des tables alphabétiques et raisonnées des auteurs et des matières, par M. Sue. Plusieurs des discours prononcés par Cabanis, au conseil des cinq-cents, ont été recueillis dans le Moniteur. Sestravaux poétiques se composent d'une traduction du Cimetière de campagne de Gray, de la Mort d'Adonis, idylle de Bion, enfin d'une moitié de l'Iliade d'Homère. Plusieurs fragmens de ce dernier ouvrage ont été lus avec succès en séance publique de l'Institut, et mériteront à leur auteur une place distinguée parmi nos habiles versificateurs.

CABANON (BERNARD), négociant à Rouen, où il possède de grandes propriétés, est né à Ca

dix de parens français. Il vint fort jeune en France, où il mérita d'être distingué. Avant le 19 mars 1815, il était juge au tribunal, et membre de la chambre de commerce de Rouen. A cette époque il fut nommé adjoint du maire de cette ville, et cessa d'en remplir les fonctions après les cent jours. En 1819, le corps électoral du département de la Seine-Inférieure le nomma député à une majorité immense. Admis à la chambre, il prit place au côté gauche, parmi les défenseurs de la charte, avec lesquels il a voté constaminent. Membre de la commission des douanes, il s'est opposé à l'augmentation des droits d'entrée sur les laines étrangères. Il s'est prononcé contre la nouvelle loi des élections, comme il l'avait fait contre les lois d'exception.

CABARRUS (FRANÇOIS, COMTE DE), est né à Bayonne en 1752. Lorsqu'il eut fini ses études chez les pères de l'Oratoire, à Toulouse, il fut envoyé à Sarragosse pour y apprendre l'espagnol, et pour acquérir les connaissances nécessaires aux négocians. Il y épousa en secret Me Galabert, la fille de son hôte, lequel, n'ayant pas tardé à se réconcilier avec son gendre, le chargea de diriger une fabrique de savon auprès de Madrid. Cette circonstance fut très-favorable au jeune Cabarrus. Le voisinage de la capitale lui permit de se lier avec des littérateurs, et ensuite avec des hommes en place, auxquels il dut la confiance que lui montra biontôt le ministre du trésor. L'Espagne ayant agi contre l'Angleterre dans la guerre des Etats-Unis, avait vu sa dette s'ac

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