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quels il avait destitué le directoire des postes; c'est ce qu'il fit, en 1793, par une lettre qu'il adressa à la convention nationale, lettre dans laquelle il fit connaître les inculpations dirigées contre ce directoire. Clavière lutta longtemps contre les ennemis, ou plutôt contre les envieux que lui donnait sa place: accusé tout à la fois pas les députés Billaud-Varennes et Garrau, et par la section de Bon-Conseil, qui demandaient sa tradition au tribunal révolutionnaire, il résista quelques jours encore; enfin arrêté par la section des Piques, la convention nationale décréta, le 2 juin 1793, qu'il serait gardé à vue dans son domicile, et le 9 du même mois il fut décrété d'accusation. Billaud-Varennes réclama le prompt supplice de Clavièmais soit par raison de politique ou par tout autre motif, il ' vécut encore 7 mois. Le 8 décembre, veille du jour où il devait être mis en jugement, un geôlier lui ayant fait connaître les noms des témoins et des jurés qui devaient être entendus et prononcer sur son sort, il entra en fureur, lança des imprécations contre ses assassins et se poignarda. Ses compagnons d'infortune, devant lesquels il avait marqué la place où il devait se frapper, dirent, dans le temps, qu'ils avaient entendu Clavière, quelques momens avant sa mort, prononcer ces deux vers de l'Orphelin de la Chine:

re;

Les criminels tremblans sont traînés au supplice;
Les mortels généreux disposent de leur sort.

Sa femme ne lui survécut que
deux jours, elle s'empoisonna dès
qu'elle apprit sa mort. Le plus bel

éloge qu'on puisse faire de Clavière, c'est qu'il a été ministre des finances pendant plus d'un an, et qu'il est mort pauvre,

CLAVIJO Y FAXARDO, savant et littérateur espagnol, dut la célébrité européenne dont il a joui quelque temps, au démêlé qu'il eut avec l'auteur de Figaro. Coupable envers la sœur de Beaumarchais d'un tort que son inconstance rendit bientôt irréparable. Clavijo, poursuivi par le profond ressentiment et l'esprit caustique d'un frère justement irrité, perdit la place qu'il possédait, et fut long-temps en butte aux disgrâces de la cour d'Espagne. Auteur à Madrid d'un journal intitulé, Pensador (le penseur), il fut, en 1773, rédacteur du Mercure historique et politique de Madrid, traduisit en espagnol l'histoire naturelle de Buffon (Madrid, Ibarra, 1778-1790, 12 vol. in-8°); il fut vice-directeur du cabinet d'histoire naturelle, place qu'il exerçait lorsqu'il mourut en 1806. Son démêlé avec Beaumarchais, raconté par celui-ci d'une manière si attachante dans ses mémoires, a fourni au célèbre Goethe le sujet d'un drame allemand, à la fin duquel Clavijo, qui se portait fort bien alors, meurt pour l'effet du dénoûment, l'exemple des coupables et la satisfaction des dames. Deux pièces françaises furent composées sur le même sujet: l'une est de Marsollier des Vivetières; l'autre de Cubières soi-disant Dorat, ridiculement célèbre sous le nom d'Énégiste Palmézaux. Ce dernier ouvrage intitulé: Clavijo ou la jeunesse de Beaumarchais, parut à Paris,

en 1806, 1 vol. in-8°. Clavijo paya cher un tort qui paraît excusable à force d'être commun; mais la conduite de Beaumarchais, n'en déplaise à certains biographes, fut celle d'un bon frère, d'un homme de cœur et d'un homme d'esprit.

CLEMENT (DOM FRANÇOIS), naquit à Bèze, département de la Côte-d'Or, en 1714. Entré à l'âge de 17 ans dans la congrégation des bénédictins de SaintMaur, il voulut marcher sur les traces des savans qui ont illustré cet ordre. Ce laborieux écrivain donna, en 1770, une nouvelle édition de l'Art de vérifier les dales, que dom Clément, membre de la même congrégation, avait publié vingt ans auparavant. Cette seconde édition ne ressemblait guère à la première, que par le plan et par le titre ; c'était une production nouvelle dont tout le monde fut content, excepté son auteur. Il entreprit de refondre et de perfectionner son ouvrage, et après treize années de recherches et d'un travail opiniâtre, dom Clément fit imprimer son livre, en 3 vol. in-fol., qui parurent de 1783 à 1787. Cette troisième édition de l'Art de vérifier les dates, passe aux yeux de quelques savans pour le plus beau monument d'érudition du 18me siècle. Dom Clément, nommé membre de l'académie des inscriptions et belles lettres, en 1785, continuait à préparer des matériaux pour écrire l'histoire, et il s'occupait en particulier de celle de France, lorsque la mort l'enleva, à l'âge de près de 80 ans, le 29 mars 1793.

T. Iy.

CLÉMENT (JEAN-Marie-BerNARD), critique fameux, naquit, en 1742, à Dijon, où son père était procureur. Dès l'âge de 8 ans, il fut dominé par la rage d'écrire et de régenter; il occupa d'abord une chaire d'éloquence au collège de sa ville natale. Sur un procédé dont il Crut avoir à se plaindre, il donna sa démission, et il la donna dans des termes offensans pour le bureau d'administration. Le parlement intervint dans cette affaire;et afin d'échapper aux effets d'une assignation pour être ouï, Clément vint se réfugier à Paris. Voltaire, dont il avait déjà éprouvé la générosité, le recommanda à Laharpe. Clément accusa bientôt ce dernier de déloyauté à son égard, et rompit avec lui. Il fondait son espoir sur une tragédie de Cromwell et sur une Médée. La deuxième de ces pièces fut seule produite sur la scène, où elle ne fit du bruit que par sa chute. L'auteur l'avait débarrassée des déclamations et des évocations dont Longepierre avait chargé le même sujet. C'était bien; mais pour ne pas être boursoufflé, il ne fallait pas se faire plat. Clément chercha de l'appui parmi les antagonistes de Voltaire; il fut particulièrement préconisé par l'abbé Mably, son compatriote; et sa première déclaration de guerre à son ancien protecteur, fut une réponse en vers secs et lourds, à l'épître de Voltaire à Boileau. De ce moment il se crut appelé à venger le bon goût qui lui paraissait compromis dans les productions les plus rémarquables de cette époque. Ses Observations sur les Géorgiques de Delille, les Saisons de Saint

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Lambert, la déclamation de Dorat, la Peinture de Lemierre, et le poème de Psyché, de l'abbé Aubert, firent une grande sensation par la sévérité pédantesquement minutieuse avec laquelle il s'inscrivait en faux contre l'admiration du public. Delille profita en silence de ce qu'il y avait de juste dans cette critique, pour améliorer sa traduction'; mais Saint-Lambert s'oublia jusqu'à provoquer la détention du censeur au Fort-l'Évêque. Cet abus de crédit fut réparé presque aussitôt; et Clément put diriger ses coups encore plus haut: il publia successivement neuf lettres à Voltaire, où l'on éxamine sa politique littéraire et l'influence qu'il a eue sur l'esprit, les mœurs et le goût de son siècle, 1775. Le grand homme ne se vengea qu'en plaisantant sur la colère de l'inclé ment M. Clément, et en rappelant les humbles lettres où l'exprofesseur le fatiguait autrefois de són admiration. Pendant la révolution, qu'il devait détester comme l'ouvrage du parti philosophique, Clément eut la sagesse le se tenir à l'écart, de garder une exacte neutralité entre les partis. Il se réfugia tout entier dans la littérature, et rencontra le repos dans l'oubli. Laharpe, revenu de ses premiers erremens, saisit l'occasion de se réconcilier avec lui; mais Clément s'attira un nouvel ennemi, le poète Lebrun, sur lequel il avait fait courir ce calembourg rimé :

Nos rimeurs plébéiers, las d'un joug importun;
Ont détroné le dieu qui régnait au Parnas:
Détrone, dites-vous? Qu'ont-ils mis à la place
Du blund Phébus?--- Phebus Ļe brun. 1

qui ne sont pas des plus piquan tes qu'il ait faites, furent le fruit de cette querelle. Clément entreprit, en 1796, un journal purement littéraire, auquel Fontanes fournit d'excellens articles; mais cette feuille ayant indisposé le directoire par quelques digres sions politiques, fut supprimée au 18 fructidor. En 1801, Clé ment essaya d'établir un nouveau recueil périodique ; mais l'ouvrage tomba, bien que cette fois le gouvernement n'y fat pour rien. On ne pouvait contester à l'auteur une littérature peu commiune; mais son goût est plutôt dédaigneux que délicat, et sa critique plus âcre que juste; décrier n'est pas juger. Ayant renoncé enfin à cette animosité révoltante qui caractérisa les essais do sa jeunesse, il ne trouva plus de lecteurs, tandis que son ancien collaborateur Geoffroy, bien moins nourri d'études, fut bientôt en possession d'une vogue extraordinaire. L'aigreur à laquelle Clément s'était livré daus ses premiers jugemens l'exposa à son tour à toutes les rigueurs de la critique lorsqu'il voulut prendre rang parini les poètes; quelques salires avaient décélé en lui une verve médiocre,mais, à tout prendre, une espèce d'imitatcurde Boileau, quoiqu'on pât lui reprocher une versification un peu dure. Il fit une tentative moins heureuse, ou plutôt il échoua complètement, en voulant réduire à 16 chants la Jérusalem délivrée. Dans le croquis qu'il intitula imitation en vers, il traita le Tasse comine Lamotte avait traité Ho

Quelques épigrammes de Lebrun, mère, il le rendit illisible. On se

le 3

rappela trop pour Clément, avec
quelle amertume il s'était déchaî-
né contre la Henriade, et l'étran-
ge préférence que l'esprit de parti
lui avait fait accorder à de mau-
vais vers de Malherbe, de Sarra-
zin et du P. Lemoine, sur les bril-
lans tableaux de notre seul poète
épique. Clément avait traduit Ci-
céron avec plus de succès que
le Tasse; dans la traduction in-
complète de l'orateur romain par
Desmeuniers, Guéroult et lui,
Paris, 1786, c'est à lui qu'appar-
tiennent le 5, le 6me et le 7 vo-
lumes. Il est mort, à Paris,
février 1812. Indépendaminent
des ouvrages dont nous avons
parlé, on doit à Clément : 1° A-
necdotes dramatiques (avec La-
porte), 1775, 3 vol. in-8°; 2° Let-
tre sur l'Éloge de La Fontaine,
par Laharpe, où l'on discute les
opinions modernes, sur quelques
auteurs du dernier siècle, Boi-
leau, Quinault, etc., 1775, opus-
cule de 56 pages; 3° Nouvelles
observations critiques sur diffe-
rens objets de littérature, 1782,
petit in-8; 4° de la Tragédie, 1784,
in-8°; 5° Essais de critique sur
la littérature ancienne et moderne,'
1785, 2 vol. in-12. Ce recueil
se compose des articles qu'il a-.
vait fournis à l'Année littéraire
et au Journal de Monsieur; 6°
Petit Dictionnaire de la cour et
de la ville, 1788, 2 vol. in-12; 7°
Journal littéraire (avec Fontanes
et Deschamps), an 4 et an 5, 4
vol. in-8°; 8° Amours de Leucipe
et Clitophon, roman grec, trad.
d'Achille Tatius, 1800, in-12; 9°
Tableau annuel de la littérature,
1801. Il en a paru cinq numéros,
formant 2 vol. et demi, de for-

mat in-8°; 10° Journal français
(avec Palissot), 1777; 11° Révo
lution des Velches, prédites dans les
temps anciens, centon historique
assez piquant; 12° Nouvelles jour-
nées, contes arabes, traduction
posthume de Galland, revue et
corrigée, 1798, in-12. Clément
avait commencé une édition de
J. B. Rousseau, avec des notes
littéraires; mais il n'en a paru que
le premier volume, et 112 pages
du second. M. Amar s'est chargé,
en 1820, de nous dédommager
de ce commentaire.

CLÉMENT DE RIS (LE COMTE
DOMINIQUE), né en 1750. Fils et ne-
veu de jurisconsultes estimés, il
se voua au barreau, à Paris, où il
débuta avec honneur. Il acheta, en
1787, une charge de maître-d'hô-
tel de la reine. La révolution é-
clata. Tout ce qu'il y eut d'hono-
rable dans son principe, trouva
son esprit et ses sentimens dispo
sés à l'accueillir. Habitant la Tou-
raine, en 1792, il fut nommé
membre du directoire du dépar-
tement d'Indre-et-Loire. Coura-
geusement opposé aux démago-
gues du pays et à ceux de la
capitale que la guerre de la Ven-
dée y amenait, il fut arrêté par
les ordres d'un agent du comité
de salut public, et amené à Paris
dans les prisons. Après le g ther-
midor, commissaire-adjoint de la
commission d'instruction publi-
que, il concourut à la formation'
de l'école Normale, créée au com-
mencement de 1795; donna sa dé-
mission au mois de mars de la mê-
me année, et se retira de nouveau
dans sa propriété, près de Tours:"
le 18 brumaire l'y trouva. Il fut
nommé sénateur. Exemple des

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fils aîné du précédent, entra an service comme dragon au 16′′ régiment, en 1801, et passa par tous les grades inférieurs avant de devenir officier. Il fit la campagne de 1805 à l'armée d'Italie, comme aide-de-camp du maréchal Masséna, qui l'honora de témoignages de satisfaction, pour sa conduite au passage de l'Adige, sous Vérone, le 18 octobre; celle de 1806, en Prusse et en Pologne, comme adjudant-major au 16e dragons, où il reçut la décoration à la fin des hostilités: il fut blessé d'un coup de lance au combat de Deppen, le 4 février 1807; combattit à Eylau et à Friedland, en 1807; passa en Espagne, en 1808, comme aide-de-camp du maréchal Lefèvre; eut un cheval tué sous lui à l'affaire de Sotès, entre la division Leval et un corps de l'armée de La Romana : il fit la campagne de Bavière, de Tyrol et d'Autriche, en 1809. Il fut créé au mois de juillet chevalier de l'ordre du Mérite militaire de Maximilien Joseph de Bavière. Nommé capitaine aux dragons de la garde impériale, en mars 1811, il fit dans ce corps d'élite la campagne et la retraite de Russie en 1812, y obtint le grade de chef d'escadron de la vieille garde; et reçut, en 1813, la croix d'officier de la légion-d'honneur après la bataille de Wurschen et le combat de Reichembach. Le délabrement total de sa santé, suite des souffrances de la retrai

vicissitudes réservées, dans les temps de révolution, aux hommes qui se consacrent, sans restriction, à la création ou à l'amélioration des institutions, il fut enlevé à main armée dans sa terre, au mois de septembre 1800, par des individus qui avaient appartu aux bandes spoliatrices et sanguinaires, connues sous le nom de chouans. Il passa dix-neuf jours entre la vie et la mort, dans un souterrain, sous la garde d'un de ses ravisseurs, et fut délivré par l'effet de secrètes négociations entre le gouvernement consulaire et les chefs de parti qui avaient fait exécuter son enlèvement; il fut nommé préteur du sénat en 1804. Les embellissemens du jardin et du palais du Luxembourg depuis cette année jusqu'en 1814, et la reconstruction de l'Odéon en 1809 et 1810, comme propriété du sénat, furent les résultats de son administration, en sa quafité de préteur. Il fut nommé pair en 1814. Compris dans la formation de la même chambre, au mois de juin 1815, il fut nommé son commissaire, pour faire donner des secours et des soins aux militaires français blessés autour de Paris, et déposés au Val-de-Grâce. Suspendu de sa dignité de pair du royaume, par l'ordonnance royale du 24 juillet 1815, et renommé par celle du 21 novembre 1819, l'opinion le désigne au nombre des membres de la chambre ayant constamment vote contre les lois d'exceptions, et notamment contre les change-te de Russie, le contraignit de mens apportés à la loi du 5 fé- quitter l'armée. Il consacra les vrier 1817 sur les élections. facultés que son état de maladie lui laissait, au service de son pays,

CLÉMENT DE RIS (EMILE),

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