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admise, parce qu'on n'y attachait aucune conséquence, lorsqu'à la grande surprise du comité, elle en réclama l'exécution. Les rôles d'Aricie, de Constance, d'Inès, lui furent offerts: Mile Clairon les refusa, et déclara qu'elle jouerait Phèdre, rôle dans lequel Mile Dumesnil obtenait à cette époque les succès les plus brillans. Une soubrette, qui tout à coup aspire à la dignité de reine; une actrice qui, chargée de faire rire le public, s'engage tout à coup à le faire pleurer, devint aux yeux du sénat comique un objet de plaisanterie et presque de pitié. La représentation eut lieu, et tous les mémoires du temps attestent l'effet prodigieux que produisit Mile Clairon, dans un rôle qui surle-champ la plaça au rang des actrices les plus célèbres. Ce fut le 19 septembre 1743, qu'elle joua Phèdre pour la première fois : par un contraste assez piquant, ses débuts dans l'emploi des soubrettes furent moins brillans; mais les applaudissemens qui lui furent successivement prodigués dans tous les grands rôles de la tragédie, la firent recevoir dès le mois suivant à la Comédie française, dont elle fut, durant l'espace de 22 ans, l'honneur et l'appui. Les hommes les plus fameux de l'époque, à la tête desquels il faut placer Voltaire, rendirent hommage à son talent; et les vers du grand poète ont consacré les succès de la grande actrice. Mile Clairon devint tout à coup la rivale de M Dumesnil; toutefois une grande différence se faisait remarquer dans la nature de leurs talens. Mil Dumesnil s'abandonnant pres

T. IV.

que toujours à la fougue de ses inspirations, entraînait souvent le spectateur par les effets les plus hardis et les moins prévus; M Clairon, au contraire, ne présentait jamais au public que les résultats d'une étude profonde, et un jeu où la nature se montrait appuyée de tous les secours que l'art peut lui fournir. Les mémoires qu'elle a publiés en 1799 (Paris, 1 vol. in-8°), donnent une idée exacte du système de ses études et du genre de son talent. Ces mémoires, qui contiennent des vues excellentes sur les différentes parties de l'art dramatique, peuvent être fort utiles à ceux qui se destinent à la carrière du théâtre. En matière semblable, on ne saurait avoir de meilleur guide que les conseils dictés par l'expérience d'un grand tafent. Mile Clairon, fidèle à un plan qu'elle s'était tracé, ne se dépouillait jamais de la dignité convenable au genre de son emploi, et, devenue reine de théâtre, conservait le sceptre et la couronne jusque dans les relations les plus simples de la vie privée. Son but était de s'identifier ainsi, durant le jour,avec les personnages qu'elle représentait le soir. Cette manière d'être lui donnait un air de hauteur, qui souvent blessa l'amour-propre de ses camarades ; et comme, s'il faut en croire la chronique, elle s'humanisait parfois avec des gens qui n'étaient ni rois ni princes, cette prétendue facilité de moeurs et sa dignité apparente, formaient un contraste qui souvent donna lieu à des plaisanteries. Me Clairon, à M" peine âgée de 42 ans, et parve

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́nue à un degré de perfection et d'expérience qui pouvait procurer de grands progrès à l'art dramatique, prit tout à coup sa retraite, par suite d'un incident qui fut accompagné d'un éclat scandaleux. Un mauvais comé dien, nommé Dubois, atteint du mal qui coûta un œil à Pangloss, se fit guérir, et ne voulut pas payer son médecin; celui-ci porta plainte devant les tribunaux, qui ne purent prononcer, faute de preuves. La comédie française, instruite du fait par la rumeur publique, crut devoir être plus sévère que la justice, et eut raison. Il est des cas où les lois de la morale doivent venir à l'appui des lois positives; et une société qui se respecte ne saurait garder dans son sein l'individu qui se voue au mépris. L'exclusion de Dubois fut prononcée mais ce mauvais comédien avait une jolie fille; cette jolie fille connaissait un grand seigneur; ce grand seigneur prit fait et cause pour le mauvais comédien. Dubois fut maintenu au théâtre malgré ses camarades, qui déclarèrent ne plus vouloir jouer avec lui. On devait représenter le siége de Calais; Dubois devait remplir le rôle de Mauni: les portes s'ouvrent, le public entre; mais Brizard, Lekain, Molé, Me Clairon, refusent de jouer, et le cri de au fort l'Évêque se fait entendre de toute part. L'autorité crut devoir donner cette satisfaction au public. Le lendemain Mlle Clairon reçut l'ordre de se rendre en prison, et y fut conduite l'intendante par de Paris, qui se trouvait chez la célèbre actrice au moment où l'a

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gent de police s'y présenta. En sortant de prison, Mlle Clairon signifia sa retraite, qui eut effectivement lieu au mois d'avril 1765; et les résultats scandaleux de la protection scandaleuse accordée par un grand seigneur à un mauvais sujet, privèrent la scène francaise de son plus utile et de son plus bel ornement. Mle Clairon avait amassé une fortune suffisante, que diminuèrent considérablement les opérations financières de l'abbé Terray. Ne pouvant plus vivre à Paris, elle se fixa à la cour du margrave d'Anspach, y passa 17 ans, et revint enfin habiter Paris où elle mourut le 18 janvier 1803. Larrive et Mule Raucourt furent ses élèves. Dans les mémoires dont nous avons déjà parlé, Mlle Clairon donne sur elle-même des détails assez favorables, comme on peut bien le croire. On y trouve l'histoire d'un homme qui, après l'avoir aimée sans succès pendant sa vie, vint la tourmenter après sa mort, tantôt en criant, tantôt en battant des mains, tantôt en tirant des coups de pistolet à ses oreilles. Ce récit prouve que My Clairon croyait ou avait la prétention de croire aux revenans. Cette grande actrice fut plus d'une fois en butte aux traits de la calomnie, qui ne respecte les talens supérieurs sur aucun théâtre. M. le comte de Caylus, entre autres, dans une espèce de libelle, publié en 1743 et intitulé Histoire de Mlle Cronel dite Frétillon, attaque Mlle Clairon avec une virulence indigne et du respect que l'on doit au talent, et des égards que l'on doit à la vé

rité, et des ménagemens que l'on doit à une femme.

lemagne la première brigade du 5 corps, et se trouva aux combats de Wertingen, d'Ulm, d'Hollabrüm, et à la célèbre bataille d'Austerlitz. En 1806, dans la guerre de Prusse, les troupes aux ordres du général Claparède commencèrent la campagne par le beau combat de Saalfeld, contre le prince Louis-Ferdinand, et sa brigade d'infanterie fut honorablement mentionnée dans l'ordre du jour de son corps d'armée. A Iéna, cette même brigade commença l'attaque avec succès contre 8,000 Saxons. Au combat de Pulstuck, le général Claparède eut un aide-de-camp tué à ses côtés, fut blessé, et néanmoins se trouva aux combats d'Ostrolenka, du camp de Borky, et à toutes les affaires qui eurent lieu en Pologne, en 1807, à l'époque de la conférence des deux empereurs à Tilsitt. A la paix, il fut avec sa brigade chargé du service de la ville d'Erfurt, et fut nommé général de division le 8 octobre 1808. Le 15 janvier 1809, il eut le commandement d'une division du corps du général Oudinot, armée d'Allemagne, et, le 16 février suivant, fut chargé de son organisation; ce fut dans cette campagne qu'eut lieu la brillante affaire d'Ébersberg au passage de la Tramm. « La division Claparède seule, dit » le bulletin, et n'ayant que 4 piè>> ces de canon, lutta pendant trois

CLAPAREDE (LE COMTE), né à Gignac, département de l'Hérault, en 1774, d'une famille de robe, donna les premiers gages à la révolution en se présentant comme volontaire aux bataillons de son département en 1792. L'année suivante il y fut nommé capitaine par le choix libre et unanime de ses camarades. En l'an 7, il fut nommé chef de bataillon à l'armée d'Italie; et en l'an 8, adjudant-commandant à l'arinée du Rhin. Un an après il était employé au corps d'observation de la Gironde; en l'an 10 il partit pour Saint-Domingue sous les ordres du général en chef Leclerc, qui le nomma général de brigade. Le général Claparède eut dans cette campagne le commandement du département du Libao, obtint des avantages importans sur les Nègres commandés par Paul Louverture, frère du fameux Toussaint, et par Clairvaux; et en l'an 11, il commandait la ville du Cap, à la fatale époque de la désertion et de la révolte de l'armée noire, dont Christophe et Dessalines dirigeaient la trahison. De retour en France, après la mort du général Leclerc, le général Claparède fut employé en l'an 12 au cantonnement de Saintes, et l'année suivante, s'embarqua sur l'escadre du contre-amiral Missiessy, pour l'expédition de la Dominique. A->>heures contre 30,000 ennemis. près avoir contribué à la soumission de cette colonie, il revint en France, et fut la même année employé à la division des grenadiers d'Oudinot et à la grande-armée. En l'an 14, il commandait en Al

>>> Cette action d'Ebersberg est un >>> des plus beaux faits d'armes dont »>l'histoire puisse conserver le sou»venir. La division Claparède »s'est couverte de gloire; le pont, >>> la ville et la position d'Ebersberg

>> seront des monumens durables » de son courage. Le voyageur di>>>ra : C'est ici de cette superbe po>>sition, de ce pont d'une si longue » étendue, de ce château si fort >> par sa situation, qu'une armée » de 30,000 Autrichiens a été » chassée par 7,000 Français. » Après la bataille d'Esling, où le général Claparède fut blessé, l'empereur lui confia le commandement de la 1 division de l'armée de Dalmatie. Ce fut à la tête de cette division qu'il prit part à la mémorable journée de Wagram el au combat de Znaïm. Après cette campagne, il fut nommé grand-officier de la légion-d'honneur. En 1810, commandant la division formée à Bayonne, il partit pour l'armée d'Espagne,7" corps, et commanda en chef les troupes stationnées dans les provinces de Salamanque et de Zamora, et les places de Ciudad-Rodrigo et d'Almeida, depuis octobre 1810, jusqu'en avril 1811. A cette dernière époque, chargé de couvrir avec sa division les derrières de notre armée de Portugal, qui s'était établie devant les lignes anglaises, il battit complètement le général portugais Silveira, et le força de repasser le Duero à Lamego. Ses opérations entre cette rivière et le Tage furent également heureuses, et furent remarquables par la prise de la ville de Covilhao, où un nouveau corps d'insurgés et de gué rillas se formait sous les ordres d'un officier anglais. Il commandait alors la 2e division du 5TM corps. Après sa retraite de Portugal, en 1812, le général Claparède reçut le commandement en

mars,

me

chef du corps polonais au service de France, fit en cette qualité la campagne de Russie, et se trouva à la bataille de la Moskowa, et au passage de la Bérésina, où il fut blessé. En juin 1813, il fut attaché au corps d'observation de Mayence, et fut mis en 1814 à la disposition du gouverneur de la 1re division militaire. En janvier 1815, il en commandait la 3 subdivision; à l'époque du 11 il commandait les troupes qui devaient se rassembler à Melun sous les ordres du duc de Berri; et le 16 du même mois, sous les ordres de ce prince, il commandait une division à Paris. Le 15 juillet suivant il y fut nommé commandant de la place, et le 15 octobre, de la 2e division militaire, fonctions qu'il n'a pas exercées. Le 18 novembre de la même année, le général Claparėde a été nommé inspecteur-général d'infanterie, 1 division militaire, place qu'il remplit actuellement. Le 13 novembre 1815, le roi l'a nommé gouverneur du château royal de Strasbourg, et, le 5 mars 1819, pair de France. Plusieurs journaux ont placé à tort le nom du général Claparède parmi les signataires de la protestation faite par une partie de la chambre des pairs, sur le jugement du lieutenant-colonel Maziau. Le même esprit de justice nous porte également à dire que le général Claparède n'a cessé dans les fonctions militaires qu'il exerce à Paris, d'user de son influence pour adoucir le sort d'une grande quantité de ses anciens compagnons d'armes, et leur être utile toutes les

fois que l'occasion s'en est présentée.

CLARE (LORD FITZ-GIBBON, COMTE). Le marché de Clare est à Londres une vaste boucherie. Assez grossiers dans leurs attaques, et peu délicats dans leurs allusions, les journalistes anglais, en parlant de lord Clare, si violent dans ses avis sur le malheu reux pays où il est né (l'Irlande), ont plus d'une fois fait ressortir cette triste coïncidence de mots. Quoi qu'il en soit du mauvais goût de ces sanglantes plaisanteries, il est vrai que lord Clare, aujourd'hui protestant fougueux et courtisan assidu, avait pour grand-père un paysan catholique; que son père apostasia de bonne heure; et que le fils, avocat au barreau d'Irlande, à force de déployer son ardeur évangélique et de montrer sa tendresse pour le pouvoir, fut porté, en 1775, à la chambre des communes par le ministère. Jamais les partisans de la liberté n'eurent un adversaire plus hardi, ni les chefs du ministère un séide plus dévoué. Devenu avocat-général, baron, chancelier, et enfin pair d'Angleterre, il se fit remarquer, comme disent certains rédacteurs de biographies, par son inébranlable courage il s'agissait d'étouffer la voix des catholiques opprimés, et d'éteindre dans le sang les premiers feux de la liberté qui voulait renaître en Irlande : l'Irlandais Clare, né de parens catholiques, fut courageux dans ces circonstances; il fut inébranlable contre son pays : quel nom donner à ce courage?

CLARENCE (GEORGES-HENRI),

second frère de Georges IV, troisième fils de Georges III, est l'un des membres les plus estimés de l'opposition anglaise, ainsi que de la famille royale. Sa naissance ne l'a point rendu suspect aux whigs; ses liaisons avec l'opposition, et la franchise de sa marche politique, ne l'ont point brouillé avec la cour. Il est né le 21 août 1765. Élevé pour la marine, il passa par tous les grades du service, ne recut aucun commandement, et devenu membre de la chambre des pairs, vota presque toujours dans le sens de Burdett ou de Wilber-. force. Les ministres l'eurent pour adversaire inébranlable. Il s'éleva vivement contre la traite des Nègres, s'opposa à la guerre, et fit tomber du ministère WilliamPitt, qui la fomentait. Dans la question de la répression de l'adultère, il prouva que le divorce

est

une sauvegarde contre le déshonneur des familles, et montra, avec une énergie d'éloquence qui ne lui était pas ordinaire, que c'est mal servir la cause de la vertu, que de lui imposer des entraves trop pesantes : « Faites en sornte, messieurs, dit-il en terminant, » qu'elle ne désespère pas d'elle» même, Donnez-lui plutôt un a»sile, même équivoque, que de » la réduire au désespoir; le dé

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