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che incertaine ainsi le peignent ceux qui l'ont vu. Son imagination était ardente jusqu'au délire; et cependant sous l'apparence de la simplicité et même de la sin gularité, il portait assez loin l'art de la dissimulation. Parleur sans talent, écho servile de toutes les phrases du vocabulaire de la terreur, son éloquence était grotes que, ridicule, emphatique, mêlée. de gestes et de lazzis italiens, mais véhémente et propre à enflammer les passions de la multitude, parce qu'il parlait son langage, parce qu'il était sincèrement exaspéré et furieux de bonne foi..

CHALIER (JEAN), né à Brioude en Auvergne, en 1773, est moins connu dans la société par le modeste emploi qu'il a oceupé au trésor public que par l'ouvrage didactique dont nous allons parler, et par le dévouement avec lequel il consacra son fils trèsjeune à la défense du territoire français en 1815. Le Précis élémentaire de la comptabilité des finances qu'il a publié renferme des préceptes utiles aux comptables, aux administrateurs, et surtout aux jeunes gens qui se destinent à la finance et à la banque. Notre jugement sur cet ouvrage ne peut être que conforme à ce lui de la société royale académique des sciences de Paris.

CHALIEU (L'ABBÉ), homme instruit, a laissé sur le département de la Drôme des mémoires manuscrits, que l'on a publiés en 1811. Cet ouvrage posthume, assez curieux sous le rapport des antiquités, est totalement dépourvu de philosophie et de critique. Chalieu, né à Tain en Dauphiné,

le 29 avril 1733, est mort en 1810, après avoir professé la théologie, et rassemblé dans son cabinet un grand nombre de curiosités dont M. Millin a donné le catalogue.

CHALLAN (Antoine-DidierJEAN-BAPTISTE). Au commencement de la révolution il était procureur du roi au bailliage de Meulan, et il obtint, en 1790, la place de procureur - syndic du département. Attaché exclusivement à la constitution de 1791, M. Challan rédigea, en faveur de l'autorité du roi, l'adresse présentée avant le 10 août à l'assemblée. nationale , par les membres du directoire du département de Seine-et-Oise. Bientôt les suites de cette démarche lui causèrent beaucoup d'inquiétude; on découvrit sa retraite, et il fut détenu à Versailles durant quatorze mois. Rendu à la liberté après la mort de Robespierre, il fut président du tribunal criminel de Seine-et-Oise; et en 1798, ce département le nomma député au conseil des cinq cents. Il obtint, après la chute du directoire, une mission dans les départemens de l'Ouest. Au tribunat, dont ensuite il fit partie, on ne le compta point parmi les hommes courageux qui s'opposaient aux enva→ hissemens du pouvoir; au contraire, M. Challan se déclara en faveur du consulat à vie et du gouvernement impérial. Il fut un des tribuns qui, à l'époque de la victoire d'Austerlitz, se chargèrent d'aller complimenter le vainqueur. Après la dissolution du tribunat, M. Challan passa au corps-législatif, où, vers la fin du

mois de mars 1813, il fit un rapport sur le projet d'échanger divers biens des communes et des hospices. «Vous reconnaîtrez dans » ce projet, disait-il à la fin de » son discours, la sollicitude habi»tuelle de S. M. ; et si dans vos pré>> cédentes séances vous avezéprou» vé le besoin d'exprimer votre ad>> miration pour les hautes concep» tions du génie, vous ne serez pas >> moins empressés de rendre en ce » jour des actions de grâces au chef »> suprême de cette administration » vraiment paternelle. » Ainsi parlait M. Challan qui, l'année suivante, applaudissait à la ruine des desseins de Napoléon, et rédigeait lui-même l'acte de déchéance. Fidèle à ces principes, dont aucune vicissitude ne déconcerte la prudence, M. Challan, député en 1814, se déclara contre la liberté de la presse, et vota en faveur des mesures arbitraires. Il obtint alors des lettres de noblesse ainsi que la croix d'officier de la légion-d'honneur. Il a publié 1° De l'Adoption considerée dans ses rapports avec la loi naturelle et la politique, in-8", 1801; 2° Rapports sur les moyens de concourir au projet de la société d'agriculture de la Seine, relatif au perfectionnement des charrues, avec quatre planches, in-8°, 1802; 5° du Rétablissement de l'ordre en France, in-8°, 1814. M. Challan a fait aussi, en 1814, une brochure intitulée Ré flexions sur le choix des députés.

CHALMEL, né à Tours, fut d'abord attaché au barreau; quand la révolution éclata, il en adopta les principes avec enthousias

me. Il avait suivi au Port-au-Prince l'intendant Foulon d'Ecotier mais ses opinions ne lui permirent pas de rester avec lui. Revenu à Tours, il y fut nommé secrétaire-général. Après le 9 thermidor, il fut aussi secrétaire-général de l'instruction publique à Paris; et, sous le directoire, il devint un des administrateurs de son département. Appelé au conseil des cinq-cents, il parla, en 1798, contre les déportés fugitifs. On le vit s'opposer à la nomination du directeur Treilhard, la déclarer inconstitutionnelle, et accuser le gouvernement de faire entourer d'espions la représentation nationale. Il ne tarda pas à reprocher des dilapidations à M. Lagarde, secrétaire du direc→ toire; et quelque temps avant le 18 brumaire, il demanda que la patrie fût déclarée en danger. L'opposition de M. Chalmel aux événemens de cette journée le fit exclure du corps-législatif. Il occupait un simple emploi dans l'administration des droits - réunis, lorsqu'en 1815, Napoléon, sentant la nécessité de se concilier l'opinion, rappela aux affaires plusieurs hommes qui avaient aiméla république. Nommé d'abord sous-préfet à Loches, M. Chalmel fut envoyé à la chambre des représentans par le département d'Indre-et-Loire.

CHALMERS (GEORGES), critique et politique anglais, estimé, moins pour la force ou la beauté du style et des pensées, que pour l'étendue et la netteté de ses connaissances administratives et littéraires, naquit en Écosse, vers 1756. Après quelques

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années de résidence en Amérique, il revint en Europe, se fit connaître comme écrivain, fut nommé membre de la société royale et de celle des antiquaires de Londres, et devint principal secrétaire du comité du conseil du commerce. On estimé, sous le rapport de l'exactitude des faits, les vies qu'il a données de sir John Davies, Daniel de Foe, the Ruddimann, Allan Ramsay, Dav Ramsay, etc. Mais ces essais biographiques, faits pour accompagner des éditions plus ou moins soignées, n'établissent pas la réputation d'un écrivain. C'est à ses ouvra ges politiques qu'il a dû surtout sa renommée littéraire. Telles sont ses Opinions sur des questions politiques, nées de l'indé pendance (1784); sa collection des Traités conclus par la Gran➡ de-Bretagne (2 vol. 1790); et deux volumes très-précieux, sur l'or, le change, le cours des monnaies, publiés en 1810 et 1811. Tel est surtout son Coup d'œit historique sur l'Economie domestique de l'Angleterre (1811), ouvrage sec, mais extrêmement précieux par les résultats qu'il renferme. Il en existe une traduction française sous un titre différent (Analyse de la force de la Grande-Bretagne, 1789); mais lorsqu'il parút, l'original n'avait pas subi l'épreuve de plusieurs éditions, successivement revues et perfectionnées par l'auteur.

CHALMERS (THOMAS), frère du précédent, est comme lui membre de la société des antiquaires. Ministre protestant, il s'est occupé de la politique dans ses rapports avec la religion, et

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s'est fait estimer sans se rendre célèbre.

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CHALMERS (ALEXANDRE), le biographe, avec moins de mérite peut-être que ses deux frères, s'est acquis plus de réputation. Les entreprises vastes dont il s'est chargé, et qui demandaient plus de patience que de génie, ont réussi et ont répandu son nom sur le continent. C'est à lui que l'on doit la belle édition de Shakespeare, avec notes (9 vol. in-8°, 1803 et 1805); la collection précieuse des observateurs moralistes' anglais, sous le titre de British Epazist (45 vol. in-18, 1803); et la grande collection des Poëtes anglais depuis Chancer jusqu'à Cowper (21 vol. in-18). Il a composé la plupart des notices, additions, etc., ditions, etc., qui accompagnent ces ouvrages. Compilateur d'une Biographie en 40 vol., il a fait un peu mieux que Chaudon, mais inoins bien qu'on ne devait l'attendre, et des nombreux secours qu'il avait à sa disposition, et de la liberté du pays où il écrivait. Cependant cet ouvrage a fait sal renommée. Chalmers est membre de la société des antiquaires et de la société royale de Londres.

CHALOTAIS (LOUIS-RENÉ DE CARADEUC DE LA), est né en 1701, et mort en 1785. La vie de ce magistrat célèbre se rattache par trop de liens à l'histoire contenporaine, pour que nous ne donnions pas ici un léger aperçu des événemens qui la rendent remarquable. Ils ne seront pas sans intérêt pour le lecteur, qui, curieux d'observer l'enchaînement des causes politiques, veut étudier la révolution dans son principe

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et la suivre dans sa marche. La Chalotais naquit à Rennes, le 6 mars 1701. Devenu procureurgénéral au parlement de Bretagne, il se fit remarquer par la force de son éloquence, l'indépen

dance de son caractère et la vivacité de son esprit. D'Alembert et Duclos, Condillac et Mably, Montesquieu et Diderot furent ses amis. Jusqu'à 60 ans, il vécut paisible, renfermant l'usage de ses talens dans l'exercice des fonctions qui lui étaient confiées. Cependant la cour incertaine sur le parti qu'elle devait prendre à l'égard des jésuites, leur promettait, par lettres expresses, la conservation de leur ordre, tandis qu'elle observait avec inquiétude l'accroissement de leur puissance et cherchait à les affaiblir en les caressant. Les philosophes qui voyaient l'état des choses, ne laissèrent pas échapper l'occasion d'agir. La Chalotais, d'accord avec quelques-uns d'entre eux, porta la première atteinte juridique à ce corps immense, dont la théocratie menaçait l'Europe entière. Il attaqua les jésuites devant le parlement de Bretagne, dans ces Comptes rendus, devenus justement célèbres (1761), plusieurs éditions, 1762, 1763). Cet exemple fut suivi par les procureurs généraux des autres cours souveraines, et les jésuites succombėrent malgré leur crédit européen. La haine qui suit la puissance, la vieille rancune des jansénistes, la politique de la cour, l'envie des autres ordres religieux, secondèrent sans doute La Chalotais; mais on convint que son éloquence avait fait la première brèche à

cette tour d'Ignace, que Caramüel disait bâtie par Dieu même. L'éloquence de La Chalotais pleine de franchise et de hardiesse, était plus abondante en faits qu'en paroles. En vain Caveyrac, odieux apologiste de la révocation de l'édit de Nantes, prit la plume contre La Chalotais en vain les pères Menoux et Griffet, secondés par l'ingénieux Cérutti, firent valoir les services rendus par les jésuites à la cause de Dieu et du trône en vain ils rappelèrent les nombreux talens sortis de leurs colléges: La Chalotais triompha. L'ordre fut supprimé en France; mais les jésuites qui trouvaient dans tous leurs casuistes (V. Lessius no 74, cité par Pascal, Lett. Prov. 14), qu'il est permis de tuer qui nous a fait un affront, se vengèrent bientôt, et furent, en effet, au moment de tuer l'homme qui avait hâté la destruction de leur ordre. Les contemporains affirment que des sociétés secrètes de ces religieux expulsés se tinrent à Rennes et dans d'autres villes de Bretagne. L'esprit d'indépendance des parlemens bretons et de La Chalotais était bien connu; des ressorts, que le temps n'a pas encore dévoilés, furent mis en jeu. Le ministère voulut faire enregistrer, par le parlement de Bretagne, des édits sur les impôts qui attaquaient les vieilles franchises et les antiques libertés de cette province. On prétend que les instigateurs de cette mesure s'attendaient à la résistance. En effet, les priviléges vivement attaqués par le ministėre, furent obstinément défendus par le parlement de Rennes, et

surtout par La Chalotais, qui passait pour le faire agir. L'enregistrement fut opiniâtrement refusé; et, après plusieurs mois de lutte contre le gouvernement, et 36 ans de services dans la haute magistrature, cet homme si estimable fut traîné en prison avec son fils, et 5 conseillers au parlement qui avaient partagé sa résistance. Ce traitement horrible ne pouvait être égalé que par l'absurdité de l'accusation. Au lieu d'accuser franchement La Chalotais d'avoir irrité, par son opiniâtre défense des priviléges de la Bretagne, une autorité jalouse, on l'inculpait comme auteur de certains billets anonymes sans orthographe, adressés à un ministre; billets dignes d'un portefaix ivre, comme le dit fort bien M. Villenave. Conduit sur le bord du tombeau par une maladie cruelle, et toujours emprisonné, le magistrat jura deux fois, devant Dieu et devant le roi, qu'il n'avait rien écrit de pareil. De nombreux mémoires, publiés sous main en 1766 et 1767, le justifierent pleinement. Tantôt les pièces du procès, tantôt les nombreux pamphlets extrajudiciaires portaient, jusqu'aux pieds du trône, les preuves de sa parfaite innocence. Un cure-dent trempé dans de la suie délayée, traça sur des enveloppes de sucre et de cafe son premier mémoire; l'indignation publique était soulevée. Voltaire fit éclater la sienne, et jamais peut-être sa plume brillante et rapide n'acquit autant d'énergie que dans les lignes suivantes : « Malheur à toute âme insensible qui ne sent pas le fré

» missement de la fièvre, en lisant »le mémoire de l'infortuné La » Chalotais!....... Son cure-dent » grave pour l'immortalité.... Les » Parisiens sont des lâches, qui »gémissent, soupent et oublient. » En effet, le procès s'instruisait sans trouver d'autre obstacle qu'une impuissante nuée de brochures que l'on brûlait sur les marches du palais de justice. La commission assemblée à SaintMalo faisait imprimer les procédures, avec cette épigraphe : ad perpetuam sceleris memoriam ; (pour perpétuer le souvenir du crime): osant ainsi porter la sentence avant d'avoir jugé; osant flétrir l'accusé au milieu des débats qui pouvaient l'absoudre ; osant déclarer qu'elle n'était convoquée que pour trouver un crime. Calonne, qui conduisait tout de concert avec le duc d'Aiguillon, était l'ennemi personnel du magistrat; la passion, la violence, la légèreté caractérisèrent ses démarches et celles de ses collègues. Un nouveau parlement, convoqué à Rennes, demanda à être saisi de l'affaire; mais à peine fallut-il procéder que presque tous les juges se récusèrent. La Chalotais récusa à son tour ceux qui étaient restés, au nombre de 13. La voix du peuple fut enfin la plus forte. Les remontrances des cours souveraines, et celles, non moins énergiques, du duc de Choiseul, firent quelque impression sur le roi, Tant de procédures, de menaces, d'injustices, de vengeances, s'arrêtèrent. On exila les prisonniers à Saintes ; et Duclos, dépêché vers La Chalotais pour lui demander sa démission, ne gagna rien. Le

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