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vent en Pologne. Michael Romanow, premier prince de la dynastie régnante, d'une famille prussienne, dont le chef se nommait André, est proclamé tzar, et laisse le trône à son fils Alexis, auquel succède Fédor III. Celui-ci, au détriment de son frère Ivan, fait nommer empereur son autre frère. C'est le fameux Pierre I. Le parti du prince légitime dépossédé lutte vainement contre la fortune de Pierre Ir. Les meurtres et les supplices lui font raison de ses ennemis. Plus tard il envoie à la mort son propre fils Alexis; et, dans un massacre de 8,000 de ses sujets, la hache à la main, il donne lui-même, avec son favori Menzikoff, l'exemple à ses bourreaux. Jamais rien de plus grand ni de plus féroce ne fut donné aux hommes que l'immortel Pierre Ier. L'impératrice Eudoxie est encore vivante quand il épouse Catherine Iere, femme d'un dragon suédois, également vivant; des bras du général Bauer, elle avait passé successivement dans ceux de Scheremetoff, et enfin de ce Menzikoff, qui la céda à son maître. Pierre I veut se défaire de Catherine, et meurt tout à coup à l'âge de 53 ans. Cette princesse monte sur le trône, au préjudice du grand-duc, fils de l'infortuné Alexis. Au lit de mort, elle désigne la duchesse de Holstein, sa fille aînée pour lui succéder. Mais Menzikoff, à qui elle a dû sonusurpation, fabrique un faux testament par lequel Catherine appelle au trône le grand-duc, sous le nom de Pierre II. La princesse Anne succède à ce prince, meurt, en 1741, après avoir signé

et

un testament qui appelle au trône le grand-duc Ivan, l'infortuné Ivan, dont sa nièce la duchesse de Brunswick vient d'accoucher. Excité par un chirurgien français nommé Lestocq, la princesse Elisabeth, fille de Pierre I", fait enfermer le tzar au berceau, dans une forteresse, avec toute sa famille, et se fait proclamer. Vingt ans après, au lieu de rendre au tzar Ivan, au souverain légitime, la couronne qu'elle lui a enlevée, Elisabeth nomme son héritier le grand-duc, époux de Catherine II. Telle est la nature des avénemens au trône de Russie, qui precédèrent celui de Catherine-laGrande, Grande-duchesse depuis dix-sept ans, elle avait eu le temps d'en étudier l'histoire, et sa position lui prescrivait peut-être de n'en pas repousser le souvenir. L'incapacité de son époux et la tradition des règnes précédens l'avaient entourée depuis long-temps de cette espèce de faveur, qui annonce el qui nécessite une révolution de palais dans cette cour si orageuse. Le 18m siècle, qui devait être le dernier de la monarchie despotique, exaltait l'esprit supérieur de Catherine de tout le génie de ses contemporains. Washington, Francklin, lord Chatam, Pitt, Fox, Sheridan, le grand Frédéric, Marie-Thérèse, Turgot, Malesherbes, d'Alembert, Montesquieu, Diderot, Rousseau, Buffon, Voltaire, etc., occupaient la scène du monde. Catherine s'y créa une place jusqu'alors inconnue dans l'histoire. En montant sur le trône, elle eut la pensée de continuer Pierre-le-Grand. Elle le surpassa. Ses défauts, ses vices, ses

crimes, sont d'une femme ambitieuse ou passionnée : ses talens, ses qualités, ses actions, sont d'un grand homme. Les dix-sept années qui s'écoulèrent depuis le mariage de Catherine II jusqu'à la mort de l'impératrice Elisabeth appartiennent en grande partie à cette classe de l'histoire que l'on appelle anecdotique, et qui est toute du domaine des mémoires secrets. Mais parmi les événemens de la vie privée de la grande-duchesse, celui qui a le plus influé sur son caractère et son élévation, c'est son mariage. A l'époque de son arrivée à la cour d'Elisabeth, le grand-duc était beau, bien fait, et capable de faire impression sur le cœur de la jeune princesse. Elle était jeune, jolie, gracieuse, spirituelle, et le penchant fut réciproque. L'amour commença cette union, que la politique seule termina peu de temps après. Cette singularité dans la vie de Catherine mérite d'être remarquée. Au moment de célébrer le mariage, le grand-duc fut attaqué de la petite-vérole; on craignait pour ses jours; malheureusement il les conserva avec toutes les traces de l'affreuse maladie à laquelle il venait d'échapper. Il reparut à la cour, hideux et contrefait. Catherine alors âgée de 16 ans, eut la force de dissimuler l'horreur qu'elle éprouva; elle courut au-devant du prince, l'embrassa avec toutes les démonstrations de la tendresse et de la joie, et le mariage fut célébré. L'ambition avait fait surmonter à Catherine l'aversion que Pierre lui inspirait depuis sa maladie; elle dut triompher d'un dégoût encore plus sensible, puis

que la cause de ce dégoût semblait devoir rendre inutile le sacrifice qu'elle venait de faire de sa jeunesse et de sa beauté. Il ne s'agissait plus du temple, ni du palais, mais de la chambre nuptiale; l'infortuné grand-duc se trouvait frappé d'un vice de conformation qui

retardait la consommation du mariage. Cette disgrâce devint -bientôt une confidence de cour, et les amis du grand-duc, un entre autres, le beau Soltikoff, à qui le bonheur de la grande-duchesse était devenu bien cher, risquèrent, au nom de l'état, d'engager le prince à subir une opération indispensable. Le célèbre Boerhaave et un habile chirurgien, nommé Block, furent appelés par l'impératrice elle-même; Soltikoff parvint à vaincre la résistance du grand-duc, qui bientô: dut à leurs soins ce qui manquait à sa dignité de mari, et à l'impatiente anxiété de son épouse. Il passa une nuit avec elle, et il leur fut permis d'avoir un héritier. Soltikoff et la princesse respirèrent; la crainte ne vint plus empoisonner leur tendresse, et malheureusement la prudence en fut bannie. Le grandduc fut jaloux, et n'en fut que plus odieux. Mais le favori devint despote; et comme il était luimême d'une grande naissance, le crédit qu'il exerçait à la fois sur les deux époux, alarma sérieusement des intérêts d'un ordre plus élevé, que l'ambition d'un homme d'état avait secrètement mis en mouvement. Le chancelier Bertuchef avait jugé Pierre et Catherine, et formé le projet de détrôner le prince, et de faire nommer Catherine impératrice à la mort

d'Élisabeh. La faveur du jeune Soltikoff se présenta à lui comme un de ces obstacles qu'il faut détruire à leur naissance. Peu touché du bonheur des deux amans, le vieux ministre trouva que si la grossesse de la grande-duchesse satisfaisait ses desseins, la faveur de Soltikoff devait les contrarier. En conséquence, il fit donner au favori une mission par l'impératrice. Catherine fut avertie du danger qu'elle courait en demandant le rappel de Soltikoff, et se tut. Quelques regrets honoraient encore le cœur de la grande-duchesse, lorsque parut le comte Poniatowsky, qui, n'ayant d'autres biens que sa jeunesse, sa beauté et des dettes, venait d'arriver à Pétersbourg à la suite de l'ambassadeur d'Angleterre. L'impression que lui fit la grande- duchesse fut prompte; elle fut partagée. Mais l'impératrice, instrument d'une nouvelle intrigue, contraria encore cet amour naissant, et Poniatowsky eut ordre de partir. Catherine, devenue un objet de haine pour le grand-duc, était aussi un objet d'envie pour tous les compagnons de débauche de son mari; et, ignorant encore qu'un parti invisible travaillait pour lui frayer le chemin à la couronne, elle avait besoin de se consoler de tous ses ennemis intérieurs et du peu de bienveillance de l'impératrice elle-même, par un sentiment qui occupât l'insupportable oisiveté de son cœur. La nature d'ailleurs lui avait donné pour les plaisirs de l'amour un penchant qu'elle devait conserver jusqu'à la fin de sa vie. Désespérée de la perte de Poniatowsky, et encou

ragée par l'assiduité des soins affectueux et des hommages empressés du chancelier, elle prend le parti de lui ouvrir son âme, et redemande son nouvel amant à celui qui l'a séparée du premier. Cette confidence charma le vieux politique, qui, devenu maître du secret et du bonheur de la grande-duchesse, ne perdit pas un moment pour assurer son empire en servant une passion qui ne lui donnait aucun ombrage. A force d'adresse et d'activité, il réussit à faire nommer Poniatowsky ministre de Pologne à Pétersbourg, contre la loi qui défendait à tout Polonais, possédant une starostie, de sortir du royaume ; et celle qui lui défendait également d'être. chargé auprès d'une puissance étrangère des affaires de la Saxe, alors réunie à la Pologne. L'impératrice fut irritée du moyen que Catherine avait choisi pour revoir Poniatowsky, et bientôt, par les rapports des courtisans et l'imprudence des deux amans, le grandduc partagea toute la haine d'Élisabeth. L'un et l'autre furent également surveillés, et Poniatows ky, qui avait été rappelé par sa cour sur la demande de celle de France, fut arrêté, déguisé en marchand, dans les jardins d'Oranienbaum, où le grand-duc avait emmené la grande-duchesse. Il fut mis au cachot, et condamné à être pendu pour s'être introduit dans l'enceinte d'une forteresse. Mais cette scène n'eut d'autre suite qu'une haine irréconciliable entre Pierre et Catherine, la défense faite à celle-ci de paraître chez l'impératrice, et le départ du beau Polonais. Cette dis

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