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dissement du pouvoir qu'il sert. Quoi qu'il en soit, ce lord irlandais, en réunissant, peu de temps après par son bill patriotique, l'Irlande à l'Angleterre, a de fait annulé l'existence politique de cette île, digne d'un meilleur sort. En vain des milliers de voix s'élevèrent elles pour maudire l'auteur de cette usurpation; en vain l'honorable Plunket termina-t-il un de ses discours par ce morceau plein d'une éloquence toute patriotique: «Ma vieillesse, du moins, se»ra exempte de cette affreuse cons»cience, d'avoir lâchement aban>> donné, d'avoir vendu à beaux » deniers comptans, les libertés » de ma terre natale. Messieurs, >> la main sur le cœur, pouvez-vous » tous faire la même déclaration ? >> Ah! pour votre bonheur, je l'espère du moins, l'horreur de vos, >> concitoyens ne vous poursuivra » pas à travers la vie; les malédictions de vos enfans n'iront pas, >> troubler le repos de votre tom>> be; » et en prononçant ces mots, il semblait imprimer, d'un re-, gard, le sceau de cette malédiction sur le front du ministre. Cette union mortelle, qui forçait l'Irlande d'abdiquer jusqu'à son, nom de peuple, fut consommée à force d'argent, de lois, de punitions, et, il faut bien le dire, à force de talens politiques. Castlereagh vit sa faveur s'en accroî-, tre; et, dans ces changemens de décorations ministérielles, dont le gouvernement anglais donne si souvent le spectacle, il reparut toujours sous une forme ou sous une autre. Il ne commença qu'en 1813 son rôle de plénipotentiaire, qu'il joua avec cet éclat mys

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T. IV.

térieux, où il se cache et se montre par intervalles, comme la matière électrique au sein des nuages. Modèle achevé de la politique anglaise, il a su conserver cette impassible froideur, cette philanthropie de circonstances, et cette réserve si favorable aux ménagemens qu'il faut toujours garder avec l'avenir. A la première déchéance de Napoléon, il refusa obstinément d'accéder aux articles qui lui conservaient le titre d'empereur, et un traitement digne de ce titre : il ne signa, comme plénipotentiaire, le traité qui contenait ces clauses, que lorsqu'il vit qu'on était résolu à se passer de sa signature. Décidé à abandonner l'intérêt des Blancs, au congrès de Vienne, on le vit, par compensation envers l'humanité, embrasser la cause des Nègres, et demander avec instance l'abolition de la traite. Il vint ensuite étaler à Paris le modeste orgueil de ses triomphes diplomatiques. Le retour de l'empereur, qu'il avait prédit, augmenta prodigieusement son influence dans le conseil des princes, coalisés de nouveau.contre Napoléon; le ministre anglais contribua puissamment à organiser et à presser la marche de l'Europe entière contre la France, à laquelle on donnait le nom de l'homme que l'on Youlait détruire. Après la bataille de Waterloo, Castlereagh reparut dans les murs de Paris, et s'y occupa courageusement de la spoliation du Musée, dont il fit un objet de négociation avec le pape, qui ne marchanda pas sur le droit de courtage. Le monde chrétien admira la profondeur des desseins

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de a providence, en voyant le suocesseur de Saint-Pierre.combler de ses dons et de ses faveurs un diplomate protestant; et celu ci, instruit par Luther à ne voir dans le pape que l'ante-christ, réclamer aux genoux du SaintPère le prix des services qu'ik lui avait rendus. Nous avons cru pouvoir omettre dans cette notice tout ce qui tient à des intrigues secrètes de cabinets, où l'activité de ce ministre s'est plutôt fait sentir qu'elle ne s'est montrée. Dans ce mystérieux dédale, le biographe qui peut craindre de perdre le fil de la vérité, doit se borner à juger les faits authenti ques, sans pousser plus loin une investigation qui n'est permise qu'à la postérité, qui n'est tenue à aucun égard envers les morts. Le nombre des discours imprimés de lord Castlereagh est très-considérable, et bien peu sont dignes de cet honneur des biographes d'hommes vivans, qui sans doute tiennent compte à ce ministre anglais de tous les maux qu'il a faits à la France, ont poussé la reconnaissance jusqu'à le comparer, pour l'éloquence parlementaire, à lord Chatam, à son fils, et à Fox lui-même. Nous ne nous amusons pas à réfuter ce lâche et impertinent éloge, dont les ministres anglais eux-mêmes ont souri de dédain et de pitié ; nous épargnerons même à nos lecteurs la liste de ces fastidieuses harangues, dont il est douteux qu'aucune survive à la circonstance qui l'a fait naître; et nous nous bornerons à donner une idée de l'ef fet que cet orateur produit habituellement dans la chambre où il

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siége. Quand il parle, il est trèsagréable à voir; la beauté de sa taille, ses manières nobles, douceur apparente, la grâce tempérée de son élocution facile, lui concilient souvent ses adversaires les plus envenimés; et comme il écoute avec attention et respect, il est presque toujours écouté avec déférence on s'aperçoit à peine qu'il pense peu, que sa prononciation est affectée, que ses connaissances sont superficielles, et que l'énergie, l'imagination et la simplicité lui manquent. Lord Castlereagh est un ministre habile, et un orateur disert: on ne saurait ajouter un mot à cet éloge, sans outrager la vérité.

CASTRIES (CHARLES-EUGENEGABRIEL, MARQUIS DE), maréchal de France, naquit le 25 février 1727. Officier dès l'âge de 16 ans, il fit les campagnes de Flandre, se trouva au siége de Maëstricht, et obtint le grade de maréchal-decamp. Après avoir eu un commandement en Corse vers 1756, il alla servir en Allemagne, sous le prince de Soubise, et fut blessé à la bataille de Rosbach, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à combattre jusqu'à la fin de l'affaire. En 1758, il fut fait lieutenantgénéral pour avoir pris d'assaut la ville de Saint-Gower, et fait prisonnière la garnison du château de Rhinfelds. Il eut part ensuite à divers combats, et se rendit maître, en 1760, des gorges de Stadberg, après avoir reçu une nouvelle blessure. Il emporta l'épée à la main le poste de Rhinberg, et fit lever le siége de Wesel. Nommé chevalier des ordres du roi, il se distingua dans les

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campagnes de 1761 et de 1762, en qualité de maréchal-général-. des-logis de l'armée; et le 22 septembre de cette dernière année, il reçut encore une blessure grave à la prise du château d'Amoncburg, près de Marpurg. Nommé successivement commandant en chef de la gendarmerie, gouverneur-général de la Flandre et du Hainaut, et ministre de la marine, en 1780, il fut promu, en1783, à la dignité de maréchal de France. Il émigra au commencement de la révolution, et se retira d'abord auprès du duc de Brunswick, qu'il avait vaincu à Closter-Camp, trente ans auparavant. Faisant partie de l'expédition que les émigrés et les Prussiens tentèrent si malheureusement, en 1792, par l'invasion de la Champagne, le maréchal de Castries avait sous ses ordres une division de l'armée dite des Princes. Il mourut à Wolfenbuttel, le 11 janvier 1801, dans la 74 année de son âge. Plus brave militaire qu'habile ministre, il avait montré dans ce dernier poste moins de talent que de désintéressement et dé probité. CASTRIES (ARMAND-CHARLESAUGUSTIN, DUC DE), pair de France, fils du précédent, combattit, avec le grade de colonel, pour l'indépendance américaine. De retour en France il fut nommé, en 1789, député aux états-généraux par la noblesse de Paris. Mais partisan zélé du pouvoir absolu dans sa patrie, il soutint avec opiniâtreté toutes les prérogatives de l'ancienne monarchie, lui qui dans le Nouveau Monde, avait défendules principes de la liberté, et répandu son sang pour elle. Le contraste

des nouvelles opinions du duc de Castries, avec celles du comte Charles de Lameth, son ancien frère d'armes, et alors son collègue à l'assemblée nationale, amena entre eux un duel, où cet ami de la liberté fut blessé. Le lende main, l'hôtel de Castries fut pillé par le peuple, qui voulut venger ainsi le défenseur de ses droits. A cette occasion le duc de Castries écrivit au président de l'assemblée qu'il se voyait obligé de quitter la France, et qu'il attendrait un congé à Lausanne en Suisse. Au mois de mars 1792, les députés Malouet et de Lautrec firent de vains efforts pour empêcher qu'il ne fût porté sur la liste des émigrés. Vers le milieu de 1794, le duc de Castries organisa, pour le compte de l'Angleterre, un corps d'émigrés français, qui alla servir en Portugal à la fin de l'année suivante. Rentré en France, à l'époque de la restauration en 1814, il fut nommé successivement pair, lieutenant-général et commandant de la 15 division militaire, à Rouen, sous les ordres du maréchal Jourdan, gouverneur. Si l'on en croit les auteurs de la Galerie historique des contemporains, «ily avait fait, par »une conduite inconsidérée, de >> nombreux ennemis à la maison » de Bourbon. » Quand Napoléon revint de l'ile d'Elbe, le duc de Castries se retira en Angleterre, d'où il se rendit en Belgique. Depuis le second retour du roi en 1815, il a repris ses fonctions à la chambre des pairs.

CASTRO (DON JOSEPH-RODRIGUE DE), savant helléniste, bibliographe espagnol, et bibliothécaire

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fection par un auteur si jeune encore. Castro fut choqué des défauts de la Bibliotheca Hispana rédigée par don Nicolas Antonio, qui avait omis, entre autres choses, les articles biographiques des Arabes et des rabbins espagnols, faute de connaître les langues savantes. Il entreprit en conséquence une nouvelle Bibliothèque espagnole sur un meilleur plan; et, après avoir travaillé pendant six ans consécutifs à la recherche des manuscrits anciens, il fit paraître, en 1781, le 1" volume de son ouvrage. Les savans nationaux et étrangers l'accueillirent avec enthousiasme, et s'empressèrent de fournir à l'auteur des matériaux précieux pour la continuation de ce travail intéressant. Castro coopéra à la rédaction de la Bibliothéque grecque, publiée par Jean Yriarte, qui, dans la préface de cette compilation, donne les plus grands éloges aux vastes connaissances de son collaborateur. Don Castro mourut à Madrid, en 1799. CATALANI (MADAME ANGÉLIQUE), née à Sinigaglia, vers 1785. La plus brillante, et non la pre

mière cantatrice de l'époque. Par la rapidité, la flexibilité, l'incroyable étendue de sa voix, elle étonne encore aujourd'hui l'Europe qu'elle parcourt. C'est un instrument musical très-exercé, trèssouple, et dont le clavier est immense. Quant à cette pure et douce expression, que l'on peut appeler l'âme du chant, M Catalani en est totalement dépourvue. Sa voix tout instrumentale exécute avec le plus grand bonheur ces difficultés bizarres, ces gammes chromatiques et enharmoniques, ces arpeggiatures, ces trilles sans fin, ces points d'orgue qui embrassent trois ou quatre octaves dans leurs modulations. A 16 ans, elle débuta à Rome avec un prodigieux succès, visita Lisbonne et Paris, passa en Angleterre, où elle gagna des sommes immenses pendant un séjour de quelques années. « Les bourses » anglaises, dit le poëte Byron, se »souviendront long-temps de toi, » miraculeuse Catalani, et des pan>> talons brodés qui te valurent » 40,000 francs en une soirée. » Dans un opéra italien, elle avait joué un rôle turc, et Londres tout entier était accouru pour la voir et l'entendre. Il n'appartient pas à la gravité de l'histoire de chercher quels secrets rapports pouvaient se trouver entre une exce!

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moins imprudente l'obligea d'abandonner. Le mauvais choix des ouvrages et des acteurs, l'élimination des cantatrices qui pouvaient lui faire quelque ombrage, la mutilation des partitions dans la vue de faire briller sa voix ; tels sont en partie les reproches que ses partisans eux-mêmes ne lui ont pas épargnés. Elle a repris le cours de ses tournées, et continue de prélever sur les cours et sur les capitales de l'Europe un impôt que les amateurs payent au plaisir, et que la mode impose à la foule des oisifs de bon ton.

CATEL (CHARLES-SIMON), né à L'Aigle en 1773. Un goûtinné pour la musique l'amena fort jeune à Paris, à l'époque où Sacchini, après la mort de Gluck, y tenait le sceptre musical: frappé des grandes dispositions du jeune Catel, Sacchini le fit entrer à l'école royale, où il apprit la composition sous Gossec, qui en fit son élève d'adoption. Catel, en 1790, fut attaché au corps de musique de la garde nationale, en qualité de compositeur-adjoint à son maître Gossec. C'est pour cette armée civique qu'il composa les recueils de marches et de pas militaires, si énergiques et si brillans, que les soldats français ont fait tant de fois entendre à l'ennemi avant la victoire. La première production qui signala le talent de M. Catel pour les grandes compositions, fut un De Profundis à grand orchestre, exécuté en 1792 à l'occasion des honneurs funèbres que la garde nationale parisienne rendit à son major-général Gouvion. La nécessité de faire entendre la musique dans les

fêtes nationales, l'insuffisance et les inconvéniens des instrumens à corde pour ce genre d'exécution, déterminèrent M. Catel à composer des symphonies pour les seuls instrumens à vent, et des choeurs à grand orchestre, dont les accompagnemens n'exigeaient aucun instrument à corde. Le premier essai d'une composition de cette espèce se fit aux Tuileries, le 11 messidor an 2, dans l'hym-. ne à la Victoire, sur la bataille de Fleurus, dont Le Brun avait fait les vers; il obtint un succès d'enthousiasme. Dans les chants que Catel fit ensuite avec Chénier et Le Brun; dans ceux que composèrent Gossec, Méhul, Chérubini, Martini, Le Sueur et Berton pour les fêtes nationales, on n'employa plus que les instrumens à vent. En l'an 3, époque où s'organisa le conservatoire de musique, M. Catel fut nommé professeur d'harmonie, et justifia ce choix, peu de temps après, en composant un Traité d'harmonie qui a fait école, et qui détermina l'abandon du système de la basse fondamentale, établi par Rameau, et sur lequel d'Alembert, Roussier et d'autres savans ont écrit des volumes sans pouvoir s'entendre. L'école d'Italie n'avait sur ce point aucune théorie; celle d'Allemagne flottait entre plusieurs systèmes; le principe sur lequel repose la théorie de M. Catel répond à tout, et n'admet aucune exception. Cet habile musicien est celui des professeurs du conservatoire qui a le plus contribué à la composition des ouvra-ges élémentaires adoptés en France pour l'enseignement de toutes

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