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mandement de George fut signalé par la mort de M. de Bec-de-Lièvre, qu'il fit fusiller, comme espion de la police du premier consul. M. Bec-de-Lièvre était le beau-frère du général Bourmont, lequel avait, contre l'avis de George, traité avec les agens de la république. Cependant un attentat horrible se tramait contre la vie du chef du gouvernement français. Désespérant de vaincre le premier consul, on avait pris la résolution de l'assassiner. Mais il est des degrés dans le crime. Tuer un homme est un forfait horrible; le tuer par un moyen qui doit entraîner la mort d'une foule nombreuse, est l'acte d'une férocité stupide. Toute la France se souvient encore du dé

sastre causé par l'explosion de la machine infernale. Saint-Réjant, ancien officier de marine, employé jusque-là sous le commandement de George, fut jugé et condamné avec Carbon, comme auteur de cet horrible attentat. Londres fut considéré comme le point d'où partait la conspiration; mais George, accusé par l'opinion publique, nia constamment qu'il y eût pris part. Cependant il s'était déclaré depuis long-temps ennemi personnel du premier consul. A l'époque où les principaux chefs de la Vendée signèrent une pacification qui terminait une guerre devenue inutile, George refusa d'y adhérer; et ses diverses soumissions au gouvernement ne furent jamais que des ruses à l'abri desquelles il méditait de nouvelles attaques. Dans le mois de janvier 1803, des officiers qui avaient

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servi sous le commandement de George, se rendirent avec lui à Hastings, d'où ils devaient s'embarquersecrètement pour la France. Le fait suivant, dont nous pouvos garantir l'authenticité, indique vers quel but était dirigée cette nouvelle expédition. George, muni d'une lettre de recommandation, se présenta à lord Hutchinson, commandant des troupes dans le comté de Kent. Cette lettre, expédiée par le ministère anglais, sollicitait en faveur de l'ancien chef de chouans, une protection spéciale; elle priait lord Hutchinson d'assister à son embarquement, et d'avoir pour lui et les siens, durant leur séjour à Hastings, toutes les prévenances possibles. Lord Hutchinson répondit sur-le-champ qu'il pourvoirait à tous les besoins de l'embarquement; mais il ajouta : Que d'après l'évidence, l'expédition ne pouvant avoir un but approuvé par les lois de la guerre, et conforme aux droits des nations, il ne pouvait faire à George et à ses compagnons aucune politesse, ni lier avec eux aucun rapport personnel. Ce lord Hutchinson était le même qui avait précédemment commandé en Egypte. Cependant George, suivi de Pichegru et de ses autres compagnons, débarqua, le 21 août, au pied de la Falaise de Béville (côte de Normandie). Un complot contre la vie ou la liberté du général Bonaparte était effectivement l'objet de cette expédition hasardeuse. Les conjurés se rendirent à Paris par des routes différentes, et sous divers déguisemens. Si l'on en croit certains bio

sans

graphes, l'intention de George était d'attaquer Napoléon à force ouverte, au milieu de sa garde. Quoi qu'il en soit, la police de France était depuis long-temps informée de la nouvelle conspiration ourdie en Angleterre. Les recherches les plus actives étaient ordonnées, sur tous les points, contre les conspirateurs. George, néanmoins, se trouvait en France depuis plus de six mois, qu'on fût parvenu à s'emparer de są personne, lorsqu'au mois de mars 1804, des renseignemens positifs apprirent à la police qu'il était à Paris. L'arrestation de plusieurs de ses complices avait eu lieu précédemment, entre autres celle de Pichegru, incarcéré le 28 février. Le 9 mars, des agens de police furent distribués dans toutes les directions autour du dernier domicile habité par George. Vers sept heures du soir on le vit sortir en cabriolet, d'une maison située rue Saint-Hyacinthe, montagne Sainte-Geneviève. Il descendit avec une vitesse extrême la rue des Fossés-M.-le-Prince, et avait déjà gagné le carrefour Bussy, quand les agens qui le suivaient l'entourèrent. George renversa d'un coup de pistolet celui qui se présenta au marchepied; blessa dangereusement ceJui qui s'était emparé des rênes du cheval; et s'étant élancé hors du cabriolet, il avait déjà fait quelques pas pour s'évader, quand les cris à l'assassin, et la détonation des armes, attirèrent la foule. Un boucher se jeta sur le fugitif, et se colleta avec lui jusqu'au moment où les agens de police, l'ayant enveloppé de toutes parts,

le lièrent et le transportèrent dans une voiture de place, à la préfecture de police. De là Gadoudal fut conduit au temple, où il demeura durant l'instruction préparatoire. Transféré à la Conciergerie quand la procédure judiciaire.commença, le prévenu répondit à ses juges avec une grande fermeté, évitant de compromettre aucun de ses adhérens, et il entendit la sentence qui le condamnait à mort, sans manifester la moindre émotion. Des démarches, dont sa grâce devait être le résultat, lui furent conseillées; il s'y refusa, et reçut la mort avec une grande intrépidité. Condamné le 21 prairial an 12 (10 juin 1804), son jugement fut confirmé le 4 messidor suivant (23 juin), et exécuté le 6 (25 juin). Plusieurs nobles compromis et condamnés comme George, montrèrent moins de fermeté que ce partisan plébéien. MM. Armand et Jules de Polignac, Bouvet de Lozier, Lajolais, Charles d'Hozier, Russillion, Rochelle, Gaillard et de Rivière, demandérent leur grâce et l'obtinrent. Il est un de ces nobles amnistiés, qui dut la sienne aux sollicitations du général Murat, depuis roi de Naples. L'acharnement avec lequel il fit rechercher ce prince proscrit à son tour en 1815, ne permet pas de penser qu'il eût connaissance du service que ce dernier lui avait rendu. George Cadoudal était sans doute un homme d'un courage extraordinaire; mais jamais il ne versa que le sang français, et des actes de barbarie signalèrent trop souvent la présence des hommes dont il avait le commandement. Il est

juste toutefois de dire qu'il fut, jusqu'à son dernier jour, dévoué sans réserve à la cause qu'il avait embrassée. Son père et son frère Joseph furent anoblis par ordonnance du roi, en octobre 1814. Durant les cent jours, ce même Joseph Cadoudal ayant organisé un rassemblement dans les environs de Vannes, fut, après le second retour du roi, nommé colonel de la légion du Morbihan, par ordonnance du 30 octobre 1815.

CADROY (PIERRE). Avant la révolution, il avait embrassé la profession d'avocat. Il fut nommé, en 1791, administrateur du département des Landes, et, au mois de septembre 1792, député à la convention nationale. Attaché au parti de la Gironde, il reconnut son incompétence, comme juge, dans le procès de Louis XVI; mais s'il vota, comme législateur, pour la détention et le sursis, ce fut après avoir rejeté l'appel au peuple, qui eût été le seul moyen de sauver le roi. Cette position équivoque, choisie par une sorte de prudence, lui donna beaucoup d'inquiétude, lorsque le pouvoir du comité de salut public n'eut point de bornes. Au milieu des frayeurs qui l'obsédaient, il sut toutefois conserver assez de présence d'esprit pour ne pas grossir le nombre des victimes. Mais on vit bientôt à quels principes appartenait ce qu'on avait pris chez lui pour de la modération. Après s'être déclaré l'ennemi de toutes les sociétés populaires, et en avoir provoqué la destruction en demandant spécialement que la salle des jacobins fût convertie

T. IV.

en une fabrique d'armes, il reçut, pour le Midi, une mission dont l'objet paraissait être de rétablir la paix en comprimant les hommes qui avaient mérité le nom de terroristes. On les comprima, mais en les remplaçant. Cadroy fut un de ceux qui, dans Lyon, dans Toulon, dans Marseille, contribuèrent le plus à organiser une réaction aussi sanguinaire que l'avaient été les mesures reprochées avec tant de raison au parti jacobin. Lorsque les conseils remplacèrent la convention, Cadroy fut membre de celui des cinq-cents. Le 29 vendémiaire an 4, il y fut dénoncé par Pelissier (des Bouches-duRhône), comme l'auteur des assassinats du fort Saint-Jean. Cette accusation n'eut pas de suites, et ce fut aussi vainement qu'un grand nombre d'habitans de Marseille la renouvelèrent quarantehuit jours après trop de scènes déplorables semblaient habituer à

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l'impunité comme si elle était quelquefois une nécessité des temps. Cadroy trouvait d'ailleurs un appui dans l'assemblée même, où chaque jour le parti de Clichy exerçait une plus grande influence. Aussi ne craignait-il pas d'attaquer vivement Tallien, qui sans cesse blâmait l'indulgence du directoire envers les auteurs des excès du Midi. Cependant la journée du 18 fructidor déconcerta leurs protecteurs secrets, et Cadroy fut compris dans la liste de déportation signée par les triumvirs, qui firent cerner la salle des cinq-cents. Rentré en France après l'établissement du consulat, il se retira dans le département des Landes, à Saint-Se

ver, où il remplit les fonctions de maire jusqu'à sa mort, arrivée au mois de novembre 1813.

CAFFARELLI - DU - FALGA (LOUIS-MARIE JOSEPH-MAXIMILIEN), général de division, d'une ancienne famille du Languedoc, naquit au Falga, le 13 février 1756. Des dispositions naturelles que secondèrent de très-bonnes études, et un zèle ardent pour le travail, expliquent les progrès qu'il fit dans le corps royal du génie, où il puisa ses premières connaissances militaires. Aîné de neuf enfans devenus orphelins, Caffarelli-duFalga servit de père à ses frères et à ses sœurs, et ne voulut recueillir de la succession paternelle qu'une part égale à celle de chacun d'eux, bien que les coutumes du pays l'autorisassent alors à s'en approprier la moitié. Jamais homme ne porta plus loin le désir de s'instruire, le besoin de s'occuper du bonheur des autres, et de se rendre utile à la société. Aussi dès sa jeunesse avait-il l'habitude d'observer, de réfléchir, de recueillir des notes sur tous les objets quelconques d'intérêt général, attendant avec impatience l'occasion de les appliquer. Quand la révolution éclata, il en adopta les principes: il fit ses premières campagnes à l'armée du Rhin, où son mérite l'éleva rapidement aux premiers grades. Lorsque après la journée du 10 août 1792, la déchéance de Louis XVI fut prononcée, des commissaires de l'assemblée législative étant venus en notifier les décrets à l'armée qui parut y applaudir, lui seul protesta, et fut destitué. Il ne quitta point la France, et subit, sous le gou

vernement révolutionnaire, une détention de quatorze mois. Rendu à la liberté, il fut employé dans les bureaux du comité militaire. Enfin il reprit du service, et se trouva sous les ordres du général Kléber, au passage du Rhin, qui eut lieu près de Dusseldorf en septembre 1795. Peu de temps après, combattant à côté du brave Marceau sur les bords de la Nahe, il fut atteint d'un boulet de canon qui lui fracassa la jambe gauche. L'amputation ayant été jugée nécessaire, il n'hésita pas à s'y résigner. Presque dans le même temps, Caffarelli-du-Falga, auteur d'excellens mémoires, alors inédits, sur l'instruction publique, sur des matières philosophiques, et sur diverses branches de l'administration, fut nommé membre associé de l'institut. En septembre 1798, il suivit en Égypte le vainqueur d'Italie, qui, juste appréciateur de ses talens, avait voulu se l'attacher en qualité de général de brigade, chef de l'arme du génie. La gloire acquise par les armes, et la gloire que procurent des découvertes utiles, lui étant également chères, il n'y eut presque point de succès militaires ou scientifiques auxquels il ne prit part dans le cours de l'expédition. Dévoué au général en chef, qu'il accompagnait toujours dans les occasions les plus périlleuses, il avait couru le risque d'être englouti avec lui dans la mer au moment du débarquement, et plus tard, au passage de la mer Rouge. Sa glorieuse carrière devait se terminer sous les murs de Saint-Jean-d'Acre, où, le 9 avril 1799, une balle lui cassa le

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bras droit. Sa mort, occasionée par l'amputation, excita les regrets de toute l'armée. Elle perdait un de ses généraux les plus recommandables, mais la France eut à regretter un citoyen éminemment distingué par les sentimens les plus nobles, par son dévouement à la patrie, par la justesse de son jugement, par les connaissances les plus vastes en économie politique et en administration, par la bonté et la générosité de son caractère, et enfin par un amour du vrai, du grand et du juste, qui fut toujours la règle de sa conduite. La tombe que dans sa douleur l'armée lui éleva auprès de Saint-Jean-d'Acre, subsiste encore, et est conservée par les Arabes avec un soin religieux, ainsi que l'ont rapporté des officiers de marine de la station du Levant, qui l'ont visitée il y a peu de temps. L'homme de bien est respecté de toutes les nations. CAFFARELLI(AUGUSTE), comte, lieutenant-général, frère du précédent, né au Falga le 7 octobre 1766, servait avant la révolution dans les troupes sardes; mais prévoyant que la guerre pourrait s'allumer entre la Sardaigne et la France, et bien résolu à ne jamais porter les armes contre sa patrie, il quitta ce service en 1791, et en 1792, il s'enrôla comme simple dragon lorsque les troupes espagnoles envahirent le Roussillon. Promu au grade d'adjudant-général en 1793, ce fut en cette qualité qu'il développa ses talens militaires dans plusieurs campagnes. Après le 18 brumaire, Bonaparte le nomma son aide-de-camp: il ne tarda pas à devenir général de

brigade, et ala à Bruxelles avec le premier consul en 1805. Chargé, en 1804, de se rendre à Rome pour déterminer le pape à venir en France sacrer Napoléon empereur, il s'acquitta avec beaucoup d'intelligence de cette mission délicate. En 1805, il fut nommé général de division et gouverneur des Tuileries. Presque dans le même temps, Napoléon, qui croyait que de grandes fonctions civiles ajoutaient à la gloire militaire, le nomma président du collége électoral du Calvados. Vers la fin de l'année, il commandait dans les champs d'Austerlitz la division du général Bisson, mis hors de combat par une blessure grave. La part qu'il prit à cette journée immortelle lui fit obtenir le titre de grand-officier, et peu de jours après le grand-cordon de la légiond'honneur. En mars 1806, il fut nommé ministre de la guerre et de la marine du royaume d'Italie, fonctions qu'il remplit jusqu'en 1810 il fut envoyé ensuite dans le nord de l'Espagne ; et quelques jour après son arrivée à Vittoria, il fit échouer une tentative de débarquement faite par les Anglais à Santonia sur la côte de Santander. Vers ce même temps, il enleva un convoi considérable de munitions, après avoir battu le fameux Mina. En septembre 1812, il s'empara de Bilbao; il avait précédemment dispersé des bandes qui s'étaient réunies en Navarre et dans les environs de Sarragosse. Enfin, après s'être signalé en diverses rencontres, après avoir contribué à faire lever aux Anglais le siége de Burgos, après avoir, avec la plus grande activité,

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