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ment; nous ne ferons mention ici que des espèces les plus remarquables.

clandestinement et en aveugle, les marchands de vins étaient autorisés à se servir de tels moyens, on n'aurait à déplorer aucun accident, parce qu'on opérerait avec certitude et succès.

Ainsi donc, s'il est du devoir de l'autorité de poursuivre et de punir tout ce qui peut être nuisible à la santé publique, de même que toute fraude relative à la mesure et au poids, elle ne peut en aucune façon prohiber une fabrication régulière et loyale, qui aurait pour résultat l'abaissement du prix et par conséquent un usage plus répandu des boissons viF. R.

neuses.

FRELON, voy. Guêpe. FRÉMINET (MARTIN), autrefois surnommé le Michel-Ange français, voy. FRANÇAISE (Ecole), T. XI, p. 433 et 435, et FONTAINEBLEAU.

L'espèce qu'on désigne vulgairement par le nom de frêne, sans autre épithète, est le fréne commun ou fréne élancé |(Fraxinus excelsior, Linn.), arbre qu'on rencontre dans les forêts de toute l'Europe, excepté dans les contrées polaires, tant en plaine que sur les montagnes, et qui se retrouve aussi dans la Sibérie, au Caucase, ainsi que dans les chaines de l'Asie-Mineure. Il parvient à la hauteur de 130 pieds ou plus. Le tronc, droit et uni, acquiert deux à quatre pieds de diamètre. Les rameaux, lisses et en général d'un vert cendré ou brunâtre, sont disposés en tête lâche assez régulière. Les bourgeons se font remarquer par leur couleur noiràtre; les feuilles, tantôt glabres, tantôt pubescentes, se composent de sept à treize folioles oblongues ou oblongues-lancéolées, acuminées, den

FRÊNE, genre de la famille des jasminées, composé d'environ trente espèces et caractérisé comme suit : Fleurs poly-tées, presque sessiles, et d'un vert foncé. games (tantôt monoïques, tantòt dioïques), le plus souvent incomplètes; calice nul ou quadriparti; corolle nulle (dans la plupart des espèces) ou quadripartie; étamines (stériles ou nulles dans les fleurs femelles) au nombre de deux, ou rarement au nombre de trois à cinq; pistil (nul ou abortif dans les fleurs måles) composé d'un ovaire inadhérent, biloculaire, bi-ovulé, à un seul style terminé en stigmate indivisé ou bifide. Le fruit est une samare coriace, oblongue, comprimée, uniloculaire, monosperme, terminée en languette chartacée. Tous les frênes sont des arbres à feuilles opposées et imparipennées (toutefois une variété du frêne commun offre constamment des feuilles simples). Les fleurs, en général peu apparentes, sont disposées en panicules, soit terminales, soit latérales; dans la plupart des espèces, la floraison est beaucoup plus précoce que le développement du feuillage.

Les frènes n'habitent que l'hémisphère septentrional; ils abondent surtout dans les climats tempérés de l'ancien et du nouveau continent, tandis qu'aucune espèce n'a encore été trouvée dans la région équatoriale. Ces végétaux, en général, sont intéressants tant comme arbres forestiers que comme arbres d'agré

Les fleurs, qui paraissent en avril, quelques semaines avant les feuilles, sont petites et dépourvues de calice, ainsi que de corolle; elles forment des panicules courtes et lâches, situées vers l'extrémité des ramules de l'année précédente; les pédoncules, grêles et d'abord dressés, sont inclinés ou pendants après la floraison; les anthères sont de couleur pourpre; le stigmate est bifide. Le fruit ne mûrit que vers la fin de l'automne et il persiste d'ordinaire sur les rameaux jusqu'au printemps suivant. Le frène est l'un des plus grands arbres indigènes; il vient très bien à l'ombre et dans les terrains humides; mais d'ailleurs il prospère à toute exposition et dans presque tous les sols, excepté ceux qui sont trop arides. On le plante souvent en massifs et en avenues. La variété connue sous le nom de fréne pleureur ou fréne parasol, dont les rameaux sont inclinés comme ceux du saule-pleureur, produit un effet fort pittoresque dans les jardins paysagers. On en possède encore plusieurs autres variétés de culture, telles que le frêne à feuilles simples (fraxinus simplicifolia, Willd.), que plusieurs auteurs considèrent à tort comme une espèce distincte; le frêne à feuilles argentées, le frène à feuilles panachées, le frêne jaspé, ainsi nommé

parce que son écorce est rayée de jaune | couleur cendrée; les feuilles se composent

ou de blanc, le frêne doré, dont l'écorce des rameaux est d'un jaune vif; enfin le frêne horizontal dont les branches, au lieu d'être plus ou moins redressées, ont une direction horizontale. Le bois de frêne est ferme, souple, élastique, veiné et susceptible d'un beau poli: on l'emploie de préférence au charronnage; les tourneurs, les menuisiers, les tonneliers et les armuriers en font aussi une consommation considérable; les tourneurs et les ébénistes recherchent surtout les pièces noueuses. Nouvellement coupé, le frêne brûle mieux que la plupart des autres bois verts; il donne à peu près autant de chaleur que le bois de hêtre. Les feuilles font un bon fourrage pour les bestiaux et les chevaux; mais l'on assure qu'elles communiquent une saveur désagréable au lait des vaches qui les broutent fraîches; à la dose de trois à six gros, en décoction, elles deviennent purgatives pour l'homme. L'écorce est fébrifuge; mais l'introduction du quinquina en a fait abandonner l'emploi médical; dans quelques contrées on s'en sert pour teindre en bleu. Les graines, âcres et amères, étaient autrefois préconisées contre l'hydropisie.

Le fréne à fleurs (Fraxinus ornus*, Linn.), qui croit spontanément dans l'Europe australe, surtout en Calabre, en Sicile, ainsi qu'en Grèce, se cultive fréquemment dans les bosquets ou autres plantations d'agrément, et c'est de lui que provient la manne du commerce. Cet arbre diffère d'une manière très frappante du frêne commun, par ses fleurs constamment munies de calice ainsi que de corolle, et en général hermaphrodites. Il s'élève rarement jusqu'à trente pieds; mais sa cime est ample et touffue; son feuillage d'un beau vert n'offre pas, comme celui du frêne commun, l'incon vénient d'attirer les insectes et notamment les cantharides, qui souvent le dévorent en peu de temps. Les bourgeons sont de

(*) Ce nom spécifique pourrait indaire à croire qu'il s'applique à l'espèce appelée ornus (opeívaç) par les anciens; mais il paraît que Linné s'est trompé sur ce point, et que l'ornus des anciens n'est autre chose qu'une variété du frêne commun (fraxinus excelsior, Linn.).

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chacune de cinq à onze folioles ovales ou ovales-lancéolées, pointues, dentelées, pétiolées, lisses et glabres en dessus, pubescentes en dessous. Les fleurs, odorantes et fort abondantes, forment des panicules élégantes, inclinées, très rameuses, axillaires et terminales; elles s'épanouissent en mai, quelque temps après le complet développement des feuilles. La corolle, de couleur blanche, est large de quatre à six lignes, et partagée presque jusqu'à sa base en quatre lanières linéaires. Les étamines, à peu près aussi longues que la corolle, ont des anthères jaunâtres. Le stigmate est indivisé et de couleur rose, de même que le style. Les pédoncules fructifères sont pendants; les samares étroites, presque linéaires. En Sicile et en Calabre, la manne suinte spontanément des gerçures de l'écorce, et quelquefois aussi des feuilles de cet arbre*, pendant les mois de juin et de juillet, depuis midi environ jusqu'au soir: ce n'est d'abord qu'un suc assez limpide, mais qui se condense bientôt en forme de larmes, sous l'influence de l'air et du soleil. On ramasse ces concrétions tous les jours, si le temps n'est pas pluvieux; car dans ce cas, la manne se dissout et se perd. Lorsque la manne a cessé de couler naturellement, on fait des incisions profondes dans l'écorce pour en obtenir encore; elle sort en abondance de ces plaies, mais moins pure que la première.

Les frênes de l'Amérique septentrionale ont en général un feuillage très élégant, plus ample que celui du frêne commun, et d'ailleurs non sujet à être dévoré par les cantharides. Ils forment des arbres de haute-futaie, dont la culture n'exige aucun soin particulier. Leur bois est fort estimé aux États-Unis. Plusieurs de ces espèces se cultivent assez fréquem

(*) Il paraît d'ailleurs certain que quelques espèces congénères, et notamment le frasinus rotundifolia, Lamk. (également indigène en Sicile), produisent aussi de la manne. Nous devons en outre faire remarquer que la manne, devenue célèbre par l'usage qu'en faisaient les Hébreux pendant leur séjour dans les déserts de l'Arabie Pétrée, est une autre substance que la matière purgative produite par les frênes (voy. MANNE, SAINFOIN et TAMARISC).

ment dans les jardins paysagers. Nous nous bornerons à citer, comme étant les plus répandues, le frêne d'Amérique (Fraxinus americana, Linn.), le frêne pubescent (Fraxinus pubescens, Willd.), le frêne à feuilles de noyer (Fraxinus juglandifolia, Lamk.), et le frêne à rameaux quadrangulaires (Fraxinus quadrangulata, Mich.). ÉD. SP.

FRÉNÉSIE, délire aigu, voy. FOLIE et FUREUR.

FRÈRE, du mot latin frater, dérivé du grec opάtep ou opáτwp, qui est de la même tribu, de la même compagnie, qui loge sous la même tente. Le mot allemand Bruder, et d'abord brother, comme en anglais, ne paraît pas avoir d'autre origine. Le frère est celui qui est né de même père et de même mère, ou de l'un des deux seulement. On nomme frères germains ceux qui sont nés de même père et de même mère; frères consanguins, ceux qui ne sont frères que du côté paternel; frères utérins (du latin uterus), ceux qui ne sont frères que du côté maternel. Deux frères sont adoptifs, lorsque l'un d'eux est agrégé à la famille de l'autre par l'adop tion, ou lorsque tous deux sont adoptés par une même personne. On appelle frères jumeaux les frères qui sont nés d'un même accouchement. Enfin, on désigne sous le nom de frères de lait l'enfant de la nourrice et le nourrisson qu'elle a nourris du même lait. Le beau-frère est, à l'égard de l'épouse, le frère du mari, et à l'égard de l'époux, le frère de la femme.

Les frères sont parents entre eux au second degré. Voy. PARENTÉ.

Dans les monastères, où les religieux se donnent entre eux le nom de frères, on appelait autrefois frères convers les laics qui s'y retiraient, faisaient profession, portaient l'habit de l'ordre et en observaient la règle. A une époque plus éloignée, on nommait convers (quasi conversi ad Dominum) ceux qui embrassaient la vie religieuse, lorsqu'ils étaient déjà parvenus à l'âge de raison, pour les distinguer des oblats que leurs parents y consacraient dès l'enfance. Dans les ordres de Malte et de Saint-Lazare, les frères servants étaient des chevaliers d'un

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ordre inférieur, et qui n'étaient pas nobles. Voy. aussi le mot FRA. E. R. FRÈRES DES ÉCOLES CHRÉTIENNES, abusivement appelés FRÈRES IGNORANTINS. Ils furent institués, en 1679,à Reims, dans la paroisse de Saint-Maurice, sous les auspices du curé, par l'abbé J.-B. de La Salle, chanoine de la métropole de cette ville. En 1681, l'abbé de La Salle réunit les frères en communauté religieuse, les soumit à de rudes épreuves et les reçut dans sa maison. L'institut rencontra d'abord quelques difficultés, mais il ne tarda pas à s'étendre. Afin de se livrer tout entier à son œuvre, l'abbé de La Salle résigna son canonicat (1683), et il donna dès lors à ses associés le nom de frères des écoles chrétiennes. Il régla leur nourriture au pur nécessaire et aux viandes les plus grossières dont se servent les artisans. Il ne les astreignit qu'à des vœux triennaux. Il adopta pour leur habillement une espèce de soutane en bure ou gros drap, et la capote noire ou manteau à manches pendantes de la même étoffe, les souliers forts, le chapeau très ample, le rabat ou petit collet de grosse toile, costume qu'ils ont encore.

Vers 1688, l'abbé de La Salle vint à Paris et fonda une école dans la paroisse Saint-Sulpice; deux ans après, il en institua une seconde rue du Bac. Le costume dont il avait affublé les frères lui fit éprouver de grandes contrariétés et l'exposa à la dérision publique. Cependant peu de temps après, il parvint à établir son noviciat à Paris, rue de Vaugirard (Vie de l'abbé de La Salle, par le P. Garreau). Il crut alors devoir obliger les maîtres à des vœux perpétuels, qu'il prononça solennellement lui-même à la tête de douze d'entre eux, et faire quelques additions à son règlement. Dès ce moment, l'institut des frères prit un grand essor: on eut beau lui susciter des obstacles, il les surmonta avec honneur. La capitale vit s'élever dans son enceinte de nouvelles écoles, et la province imita la capitale. On appela des frères dans les diocèses de Chartres, de Troyes, d'Avignon, de Rouen, de Dijon, d'Alais, de Mende, de Grenoble, de Boulogne, et ailleurs.

En 1705, l'abbé de La Salle loua la

res à quatre bras, parce que leurs capo-
tes ont des manches pendantes; frères
fouetteurs, à cause de la punition du fouet
qu'ils infligeaient autrefois; frères de
Saint-Yon, du lieu de leur principal do-
micile. Mais leur vrai nom est celui de
frères des écoles chrétiennes, reconnu
par l'autorité religieuse et par l'autorité
civile.
J. L.
FRÈRES MORAVES, v. MORAVES.
FRÈRES PRÈCHEURS, voy. Do-

MINICAINS.

FRÉRET (NICOLAS), l'un des hommes les plus distingués de son époque par son érudition et ses travaux comme archéologue,chronologiste, philosophe,etc., naquit à Paris le 7 ou le 15 février 1688. Élève du vénérable Rollin, il n'eut, dès son enfance, d'autre goût, d'autre passion que l'étude ; telles étaient son application, sa capacité, qu'il put cultiver à la fois une foule de connaissances diverses et y faire de merveilleux progrès. Cette passion qui l'entraînait vers les sciences et les lettres fut vivement combattue par ses parents qui le destinaient au barreau; mais sa vocation généreuse finit par triom

maison de Saint-Yon, à l'extrémité d'un | faubourg de Rouen, et y appela ses novices : c'est de cet établissement que les frères ont été nommés de Saint-Yon; c'est dans cette maison, qu'ils achetèrent depuis, que les règles ont été rédigées dans l'état où elles sont maintenant. Le pape Benoit XIII, par des bulles de la fin de janvier 1725, approuva l'institut des frères des écoles chrétiennes, et l'honora du titre de corps religieux. La maison de Saint-Yon fut regardée comme le chef d'ordre jusqu'en 1770 que le général fixa sa résidence à Paris, et quelques années après à Melun. En 1792, époque de leur dispersion, les frères avaient non-seulement de nombreuses écoles dans différentes contrées, mais encore des pensionnats très bien tenus. Napoléon Bonaparte, premier consul, leur laissa la liberté d'enseigner, en 1801. Leur existence légale fut reconnue par un décret du 17 mars 1808. En 1825, ils possédaient 210 maisons en France, à l'ile de Bourbon, à Cayenne, en Italie, en Corse, en Savoie, en Belgique, occupées par près de 1,400 frères. En 1830, ils avaient en France 240 maisons; main-pher des exigences de sa famille. A peine tenant ils en comptent 300, et le nombre des frères s'est accru à 1,600. Leur enseignement comprend la lecture, l'écriture, le calcul, la grammaire, la géographie, et surtout la religion. Bien qu'ils aient eu quelque peine à adopter les méthodes progressives, ils s'en sont néanmoins rapprochés dans les grandes villes. Leur état actuel n'est pas aisé à détermi-bon Rollin, tout fier d'un disciple qui ner à cause de leur obstination dans les anciennes routines, des mauvais choix des sujets pour tant d'établissements et de beaucoup d'autres causes*.

Le vulgaire leur donne diverses dénominations: il les appelle frères ignorantins, parce qu'ils instruisent les enfants des classes pauvres et peut-être aussi parce qu'un article de leurs statuts leur défend d'apprendre et d'enseigner le latin; fre

(*) A Paris, les écoles des Frères sont en général très bien tenues,et l'opinion publique com mence à leur rendre justice. On assure qu'ils sont à la tête de 584 écoles formant 1,476 classes, soit pour les enfants, soit pour les adultes, et dans lesquelles 141,550 individus reçoivent l'instruction. Ils suivent en général la méthode simultanée.

S.

âgé de 26 ans, la réputation qu'il s'était acquise dans les mathématiques, la jurisprudence et la philosophie, dans les langues de l'Asie et de l'Europe, dans l'histoire, dans l'astronomie, le fit admettre comme élève à l'Académie des Inscriptions et l'associa aux travaux et à la renommée de Dacier, de Vertot, de Fontenelle et du

devenait son émule. Un des premiers mémoires qu'il lut à l'Académie fut un discours Sur l'origine des Français. L'abbé de Vertot, qui avait traité le même sujet dans un système plus favorable peut-être à la vanité française, mais appuyé sur des autorités moins solides, voyant son système compromis par le mémoire de Fréret, en conçut un tel dépit qu'il dénonça son contradicteur aux ministres de Louis XIV comme ayant porté atteinte aux origines de la monarchie, et obtint une lettre de cachet en faveur de Clovis et de Pharamond. Cette sorte de réfutation que nous avons peine à comprendre aujourd'hui fut toute-puissante: Fréret se réduisit au silence sur ces questions pé

rilleuses, et son mémoire ne fut publié qu'un demi-siècle après sa mort. Enfermé à la Bastille vers la fin de décembre 1714, il consacra ses six mois de détention, ou, comme il le dit lui-même, le profond loisir d'une solitude dont rien ne pouvait troubler la tranquillité, à la lecture des ouvrages de Xénophon; et c'est à l'examen approfondi qu'il en fit alors que nous devons l'excellent mémoire sur la Cyropédie.

Depuis l'époque où il fut rendu à la liberté, les événements de sa vie n'offrent rien de particulier; ses travaux, qui embrassaient l'antiquité tout entière, sa géographie, son histoire, sa philosophie, ses langues, et les devoirs que son titre d'académicien lui imposaient, formèrent les seuls épisodes de son existence. Dans ses études historiques et chronologiques, Fréret s'attacha surtout aux siècles primitifs, comme offrant naturellement le plus d'obscurité et de doutes; et c'est en recueillant sans préjugés tous les vestiges de traditions, en séparant avec soin les témoignages originaux des gloses d'une époque postérieure et les traditions historiques des traditions fabuleuses, qu'il démontra que l'histoire d'Égypte, la plus ancienne de toutes, ne commence qu'à l'an 2900 av. J.-C., plusieurs siècles après la dispersion des hommes, origine et cause de la formation des sociétés humaines. Par l'examen approfondi de la chronologie chinoise, il démontra également que l'histoire de ce peuple, contemporain des plus anciennes monarchies, ne remontait pas au-delà de l'an 2575 av. J.-C. En travaillant à détruire les systèmes basés sur une antiquité fabuleuse, Fréret sut se garantir de l'excès opposé, dans lequel était tombé le grand Newton, et c'est avec la même puissance de raison et de savoir qu'il signala et réfuta les erreurs de la chronologie newtonienne.

Sans les monuments nombreux qu'il a laissés de ses autres travaux sur les langues, sur les origines des peuples, sur les finances et les races royales de la France, sur les philosophies de l'antiquité, on pourrait croire que la géographie avait été son étude de prédilection. On trouva, en effet, parmi ses papiers 1357 cartes manuscrites, toutes de sa main, concer

Encyclop. d. G. d. M. Tome XI.

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nant la Gaule, l'Italie, la Grèce et ses îles, l'Arménie, la Perse, etc. On s'étonne sans doute qu'une seule intelligence ait pu embrasser une telle multitude de connaissances si diverses; mais ce qui surprend encore davantage, c'est que Fréret, bien plus modeste encore que savant, poussa l'indifférence pour la renommée aussi loin que la passion pour la science. Presque tous ses ouvrages, en effet, restèrent inédits jusqu'après sa mort. Mais s'il était indifférent à sa gloire personnelle, il ne le fut jamais pour celle de l'Académie : il se voua tout entier à ses intérêts, à ses travaux, lui consacrant toutes les forces de son esprit et ne travaillant que pour elle. La classe des élè– ves ayant été supprimée dans l'Académie par arrêt du conseil du 4 janvier 1716, l'Académie ne voulut pas se priver d'un collaborateur tel que Fréret, et dès le 14 janvier, à la première élection, elle le rappela et l'admit parmi ses membres. Le 29 décembre 1742, il succéda à de Boze, démissionnaire, dans le titre et les fonctions de secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Le 17 janvier 1749 fut le dernier jour de sa vie académique. Attaqué d'un rhumatisme universel, il ne reparut plus aux séances, et, le 8 mars suivant, il expira dans sa 61o année, entouré des plus honorables témoignages de l'affection et des regrets de tous ses collègues.

Après sa mort, on publia une partie des ouvrages dont la lecture, aux séances de l'Académie, lui avait acquis une si immense renommée. La gloire de Fréret ne pouvait qu'y gagner encore, si on ne l'eût pas quelque peu compromise par la publication faite aussi sous son nom d'écrits imprimés clandestinement, tels que l'Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, 1766 et 1767, un vol. in-8°; la Lettre de Thrasybule à Leucippe, vers 1768, etc. Un homme aussi distingué que Fréret par son respect pour toutes les doctrines sociales et religieuses, voué à la pratique constante des vertus que la religion et la foi seules inspirent, n'a pu être désigné comme l'auteur de pareils écrits que parce que l'impiété avait besoin d'étayer ses mauvaises doctrines de l'imposante autorité de sa

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