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contraire, ont prétendu que le bois est meilleur lorsque les arbres sont coupés en pleine séve. Cependant la préférence accordée jusqu'ici à l'exploitation d'été paraît plutôt due au but qu'on se proposait, celui d'éloigner les insectes et particulièrement les bostriches, qu'au désir de conserver au bois toutes ses qualités. En effet, en écorçant les arbres aussitôt qu'ils sont abattus, opération d'autant plus facile que les arbres sont plus en séve, on diminue ou on arrête même les ravages de ces insectes. On a remarqué, en effet, que c'est surtout peu de temps après l'époque ascensionnelle de la sève que les bostriches exercent le plus de ravages; que les arbres précédemment abattus sont attaqués par eux, s'ils n'ont pas été écorcés; que ceux que l'on abat pendant qu'ils sont en séve sont très-promptement attaqués si on ne les écorce pas; et que, si ces insectes sont nombreux, les dégâts qu'ils font sont quelquefois tels qu'ils mettent le tronc des arbres hors d'état d'être converti en planches.

Mais, quelque valables que puissent paraître ces motifs, nous n'en sommes pas moins convaincu qu'on doit considérer l'hiver comme l'époque la plus favorable à l'abattage des arbres résineux Conifères, qu'il s'agisse d'Abies, de Cedrus, de Picea, de Pinus ou de tout autre. Pendant cette époque de repos, en effet, la séve est plus dense, la partie ligneuse en est plus imprégnée, et doit être par conséquent plus durable. En outre, si le terrain où ils sont plantés est consacré à l'exploitation de ces arbres, et qu'il soit garni de jeunes plants provenant d'un semis naturel, ces derniers seront moins fragiles pendant cette saison, et par conséquent moins exposés à être rompus. Une autre raison qui milite encore en faveur de l'abattage d'hiver est la question de temps; pendant cette saison, les travaux de grande culture sont rares ou peu pressés; l'abattage des arbres et tous les travaux qui s'y rattachent viennent donc rendre un vrai service aux campagnes, en employant des bras qui manquent alors d'occupation; pendant

l'été, au contraire, les travaux des champs sont considérables, et l'emploi d'un certain nombre de personnes à un abattage qui peut se faire à une autre époque peut devenir préjudiciable aux récoltes. Mais, afin d'éviter les dégâts occasionnés par les insectes coléoptères, qui commencent toujours à tracer leurs galeries entre l'écorce et le bois, et même pour assurer la conservation de ce dernier et empêcher qu'il ne s'échauffe, on fera bien, dans toutes les circonstances, d'écorcer les arbres aussitôt qu'ils seront abattus, et de transporter immédiatement les écorces hors de l'exploitation, ou mieux encore de les brûler, parce que c'est souvent dans ces dernières que sont déposés les œufs ou les larves des insectes. Si on trouvait que l'écorcement est trop difficile pendant les froids, on pourrait, sans inconvénient, le différer jusqu'au printemps; à cette époque, et quoique les arbres aient été abattus pendant l'hiver, la séve deviendra fluide et se mettra en mouvement aussitôt que la température s'élèvera, ce qui rendra l'opération beaucoup plus facile.

CHAPITRE IV.

Importance du choix des porte-graines.— Époque à laquelle il convient de récolter les graines.-Préparations diverses qu'il faut leur faire subir. — Durée approximative du temps pendant lequel elles conservent leurs facultés germinatives. Conservation des graines. Temps nécessaire à leur germination.

§ I. Importance du choix des porte-graines.

Aucune des nombreuses opérations pratiquées en culture ne doit l'être avec indifférence, car les résultats seront toujours en rapport avec les soins qu'on y aura apportés. Partant de cette base, je dirai : Ces opérations devront être faites avec d'autant plus de soins qu'elles porteront sur des objets d'une plus grande importance. Or, qu'y a-t-il de plus important que la reproduction? Aussi je n'hésite pas à affirmer que la récolte des graines est une opération de la plus grande valeur, au point de vue de la sylviculture. C'est de ces graines, en effet, que doivent sortir les jeunes individus appelés un jour au repeuplement des forêts; les résultats seront donc d'autant meilleurs que le choix en aura été mieux fait.

Écartons-nous un instant de notre sujet, pour jeter un coup d'œil rapide sur la masse des êtres organisés. Nous verrons qu'une loi unique, invariable pour ainsi dire, préside toujours à la reproduction. Cette loi, que je nommerai loi de transmis

CULTURE ET MULTIPLICATION DES CONIFÈRES.

621 sion organique, veut que tous les sujets issus d'une même souche aient toujours une très-grande analogie avec cette dernière, dont ils s'approprient, par conséquent, les défauts aussi bien que les qualités. Les preuves abondent à l'appui de ce que j'avance; aussi n'est-il pas nécessaire de citer des faits particuliers.

Tous les cultivateurs sont tellement convaincus de cette vérité que, lorsqu'il s'agit de plantes herbacées, soit vivaces, soit annuelles, ils recherchent pour porte-graines, lorsqu'ils ont intérêt à avoir des individus forts et robustes, les sujets qui possèdent ces qualités au plus haut degré ; toutes les fois, au contraire, qu'ils veulent obtenir des individus nains, ils suivent une marche tout à fait opposée, et prennent pour portegraines les sujets les plus petits. C'est ainsi qu'on a obtenu ces variétés naines ou monstrueuses, qui, par des semis répétés, se sont fixées et ont constitué ce qu'on appelle des races. Ces altérations, ou ces dégénérescences, sont beaucoup plus faciles à obtenir dans les plantes herbacées, et surtout annuelles, que dans les végétaux ligneux, chez lesquels un laps de temps souvent considérable s'écoule fréquemment avant qu'ils ne fructifient. Mais la même loi ne leur est pas moins applicable, et si les exemples y sont plus rares, cela tient uniquement aux causes qui viennent d'être signalées.

Je ne suis entré dans tous ces détails que pour démontrer combien il est important de récolter de bonnes graines; on doit apporter à ce travail l'attention et les soins les plus minutieux, ne prendre des graines que sur des sujets vigoureux, bien venants et sains, possédant, en un mot, les mêmes qualités que l'on veut obtenir des végétaux dont on va faire le semis. Mais qu'arrive-t-il le plus souvent? On recueille les graines sur les arbres les plus bas, sur lesquels il est le plus facile de monter, et qui ne doivent, dans la plupart des cas, leurs petites dimensions qu'à une dégénérescence ou à un état maladif. Or, comme ce sont ordinairement ces sujets affaiblis,

infirmes (qu'on nous passe l'expression), qui sont les plus chargés de graines, il en résulte que le plus grand nombre de celles que l'on sème ont été récoltées dans de mauvaises conditions. Si, comme nous croyons l'avoir démontré, d'après la loi de transmission organique, les enfants doivent avoir une constitution analogue à celle de leurs parents, il en résultera donc, pour les végétaux, que les jeunes sujets seront chétifs et mal venants, si les graines ont été récoltées sur des sujets faibles, ce qui, à coup sûr, est l'opposé de ce que l'on cherche quand on sème des graines d'arbres.

§ II. De l'Époque à laquelle on doit récolter les graines.

Toutes les graines nues, c'est-à-dire non renfermées dans des cônes ou dans des strobiles, et recouvertes seulement d'une enveloppe pulpeuse ou charnue, telles que celles des Juniperus, Taxus, Phyllocladus, Saxe-Gothæa, Podocarpus, Dacrydium, Gnetum, Ephedra, etc., devront être récoltées aussitôt qu'elles seront mûres, ce qui se reconnaît aux changements de couleur que subissent la plupart d'entre elles. De vertes elles deviennent rouges, ou d'un bleu glauque (bleu pruineux), ou d'un violet plus ou moins intense; celles de certaines espèces restent vertes, quoique mûres. C'est alors la partie qui supporte la graine, le réceptacle, qui parfois prend beaucoup plus de développement que la graine même, et passe du vert au violet foncé; c'est ce qui a lieu, par exemple, dans beaucoup d'espèces de Podocarpus. Mais, indépendamment de la couleur, la maturité des graines s'annonce encore par les changements chimiques qui s'opèrent dans leur intérieur; elles deviennent molles et succulentes dans quelques espèces; on aura, du reste, la certitude que la maturité est complète lorsque les fruits se détacheront facilement de leur point d'attache. Quant à l'époque de maturation, elle varie suivant les espèces et les climats ; il n'y a, à vrai dire, que deux épo

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