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l'objet et le genre de leurs jouissances. En Russie, ce ne sont point seulement quelques familles ou quelques corps qui s'occupent exclusivement d'une seule branche d'industrie; mais des nations entières subsistent principalement ou uniquement de la chasse, de la pêche, de leurs bestiaux, ou enfin de l'agriculture. Cet état singulier, où les occupations dés hommes sont liées à leurs constitutions civiles, et influent sur leurs moeurs, est d'autant plus intéressant, que les traces de cet état primitif de tous les peuples sont presqu'entiérement effacées ailleurs par la civilisation,

L'industrie peut être divisée en trois branches principales: la première s'occupe des productions, la seconde de les perfectionner pour notre usage, et la troisième a pour objet de les échanger. La première, que nous nommons l'industrie productive, comprend la chasse, la pêche, le soin des bestiaux, le labourage, la culture des jardins et des vignes, les forêts, les abeilles, les vers à soie, les mines et les salines. Cette division naturelle nous servira de base, dans la description que nous ferons des travaux des habitans de l'empire de Russie 1.

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La chasse a été partout la première occupation de l'homme. Pressé par la faim, et forcé de se prémunir contre les attaques des bêtes féroces, il se vit forcé de les combattre pour sa propre conservation. La chasse n'a plus ce but dans la plupart des contrées de notre hémisphère: la nécessité ni la crainte ne portent plus l'homme à s'y livrer; et cet exercice qui était autrefois dangereux et pénible pour les Européens, est devenu maintenant un divertissement.

En Russie, au contraire, des peuplades nombreuses sont contraintes par la nécessité à s'occuper principalement ou uniquement de la chasse, et se voyent réduites à disputer leur existence aux féroces habitans de leurs déserts. Il faut encore observer que la chasse est un objet très-important pour l'empire de Russie, si l'on examine la valeur de son produit: elle sert non-seulement à la consommation intérieure, mais elle fournit encore un grand nombre d'articles propres à l'exportation. Si nous la considérons sous le rapport de l'économie politique, il est nécessaire que nous fassions connaître de quelle manière on s'y livre, et les objets sur lesquels elle s'étend.

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Jusqu'à présent, la chasse est libre en grande partie dans toute l'étendue de l'empire: elle est, à la vérité, un des privilèges des possesseurs de terres; mais presque tous les propriétaires donnent à leurs paysans la permission de chasser, et, dans plusieurs contrées, ils les excitent à détruire les animaux nuisibles. En Livonie même, où les possesseurs de terres sont Allemands et où le gibier commence à devenir rare, une personne qui aime la chasse peut parcourir plusieurs possessions avec ses amis ses valets et ses chiens, sans en avoir prévenu les propriétaires qui ne s'en offensent point. Peu de seigneurs interdisent à leurs -paysans le port d'armes, et rarement ces défenses remplissent le but qu'on se propose.

En Sibérie, la chasse de quelques animaux, dont la peau est d'une grande valeur, appartient exclusivement à quelques peuplades; ellę leur est concédée par des ordonnances du souverain, parce qu'elles doivent payer leur tribut en pelleteries, et font de la chasse leur occupation principale: les paysans russes consacrent aussi l'hiver à la chasse. Les uns s'y livrent secrètement; d'autres obtiennent une

permission des supérieurs ou des chefs des peuplades de la Sibérie, qui les autorisent à chasser pendant un hiver. Souvent les premiers s'exposent à être pris par les propriétaires de la chasse auxquels ils por tent préjudice, qui les punissent sur le champ ou les livrent à leurs supérieurs. Il n'y a pas encore de lois qui ayent la chasse pour objet, quoique la rareté de plusieurs animaux sauvages utiles les rende tous les jours plus nécessaires. Pour ne pas épuiser une source, de richesses nationales si abondante, il faudrait limiter par de sages ordonnances la chasse des animaux sauvages les plus rares et la défendre absolument à l'époque où les femelles portent, et où les petits sont trop faibles pour pouvoir s'échapper ou se défendre. On ne fait pas de distinction en Russie entre la grande et la petite chasse, et dans aucune partie de l'empire on ne prend le moindre soin de la conservation du gibier.

Les bêtes sauvages les plus recherchées à cause de leurs peaux, habitent les contrées septentrionales et orientales de la Russie surtout les isles qui sont entre le Kamtschatka

et l'Amérique, dont la découverte a été très-importante pour le commerce des pelleteries. Les gouvernemens de Tobolsk Perm, Onfa, Viatka, Archangel, Olenets, Vologda et quelques autres sont, ensuite les lieux les plus giboyeux. Mais les contrées où la chasse est la plus avantageuse, sont précisément celles où elle est la plus dangereuse et la plus pénible; aussi ce sont les nations les moins civilisées qui en font leur principale occupation, telles que les Ostiaks, les Samoïèdes, les Vogoules, les Toungouses, les Tchouktchi, les Kamtchadales, les Iakoutes, les Kouriles, les Aléoutes, et la plus grande partie des Tatars de la Sibérie. La chasse est le seul moyen d'exister de la plupart de ces peuples: elle fournit à leur nourriture, leur habillement et leurs autres besoins; ils acquittent en pelleteries les impôts ou le tribut qu'ils payent à l'état.

Malgré tous les dangers auxquels on s'expose à la chasse des bêtes féroces, dans les déserts et les forêts immenses du pôle arctique, non-seulement elle est l'occupation principale, mais elle est encore l'occupation favorite des habitans de ce pays.

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