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maux. La seule manière d'éviter ces inconvéniens serait de fixer à chaque habitation de paysans une certaine étendue de forêt, dont ils auraient la propriété: ce projet ne pourrait être généralement exécuté, car il serait à craindre que les paysans n'abusassent de cet avantage pour se procurer un bien-être actuel. Les maîtres étant forcés de nourrir leurs esclaves, on sent combien il serait difficile d'introduire en Russie la méthode de conserver les bois, usitée dans les pays étrangers cependant il est certain que l'on pour rait aisément ménager davantage les forêts, en réprimant les abus les plus essentiels; l'exemple de plusieurs propriétaires appuie cette assertion.

On a un peu plus de soins des forêts qui appartiennent à la couronne. Quoiqu'il n'y ait point d'ordonnances forestières, il y a cependant des loix qui recommandent aux inspecteurs de veiller à leur conservation, et qui défendent très-sévèrement de les dégrader. L'oulojénié, ou le code des lois du tsar Aléxei, a pris cet objet important en considération: plusieurs' oukases dé Pierrele-Grand défendent sous certaines peines de

couper différentes espèces de bois; il donna même des instructions particulières aux of ficiers forestiers, chargés de les faire exécuter. Dans la suite, on cassa ces officiers comme étant inutiles; mais les chancelleries d'arpentage reçurent des instructions plus détaillées et furent chargées de veiller à l'économie des forêts de la couronne: maintenant elles sont sous l'inspection des directeurs de l'économie et des chambres des finances de chaque gouvernement 45. On On remarque dans les ordonnances, concernant cet objet, une oukase du 26 mars 1786, par laquelle il est ordonné de reviser dans chaque gouvernement les forêts qui appartiennent à la couronne, de les arpenter, les environner de fossés et les diviser par coupes: en décembre 1791, le sénat chargea encore les gouverneurs généraux, et ceux qui les remplacent, d'envoyer des instructions aux chambres des finances concernant la manière dont elles devaient faire leurs rapports au sénat sur l'exécution des ordonnances que nous venons de rapporter,

Comme la disette de bois augmente toujours, et que, surtout dans les lieux où il

a beaucoup de mines, on est déjà forcé de prendre de temps en temps des mesures plus actives, il faut espérer que l'on usera dans la suite des dons de la nature avec plus de réserve. Les plans que l'on doit suivre pour rétablir un meilleur ordre dans cette partie intéressante de l'administration sont si simples en général, qu'il y a peu de difficulté à les exécuter. Il est surtout nécessaire de faire des ordonnances forestières adaptées aux besoins locaux de chaque gouvernement. On doit avoir l'attention la plus vigilante sur les forêts qui bordent la Duna et le Dnèpre: elles fournissent au commerce de Riga les plus beaux bois de mâture. Les forêts de chênes qui avoisinent l'Ingoulets et la Donets ne méritent pas moins d'être surveillées, ainsi que celles qui sont sur les rives du Mious. et de la Krinka sur le territoire de Taganrok: enfin la conservation des bois près du Don, dans les environs de Pavlovsk et de Voronėje, est très-importante pour la marine de la mer noire: les pins et les chênes sont les principaux arbres qui y croissent. Les forêts qui avoisinent le Volga, et qui sont situées dans les gouvernemens de Kazan et de Nijnei

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Novogorod, servent à la navigation du Volga et de la mer Caspienne. Dans les forêts immenses qui entourent les sources du Volga, on pourrait peut-être couper des mâts, que l'on enverrait sur la Pola et le lac Ilmen à St. Pétersbourg. Les forêts qui bordent les rives de l'Oka, la Mokeha et la Kama, sont presque aussi importantes: le tilleul est l'arbre le plus commun; son écorce sert à faire des nattes, la fleur nourrit les abeilles, et sa conservation intéresse le commerce. Enfin, les forêts des gouvernemens d'Arkhangel, d'Olonets et de Vibourg, exigent la plus stricte économie, pour qu'on puisse toujours en retirer le même avantage: on doit ménager avec soin les forêts des districts de Nertchinsk, de Kolyvan, Perm, Oufa, etc. parce qu'il y faut toujours une provision suffisante de charbon pour fondre les métaux. On devrait aussi, par une sage administration, préserver de leur ruine les belles forêts que l'on a acquises dans les nouvelles possessions qui appartenaient à la Pologne.

Une simple police forestière ne serait pas assez active pour parvenir au but que nous

nous proposons: il faut encore une surveillance exacte. La nature ne multiplie point les arbres assez promptement en tout temps et dans tous les lieux, et l'économie la plus sévère ne suffit point pour les préserver de la destruction totale, dont l'industrie des hommes les menace. Il faudrait donc semer des bois: ce moyen est connu et usité dans d'autres pays, et il serait nécessaire de l'introduire dans les lieux où la disette de bois se fait déjà sentir. En général le paysan russe n'a aucune idée de la manière de semer le bois: on devrait l'en instruire, lui faire connaître le temps où la semence de chaque arbre est mûre, lui apprendre le temps le plus propre à la semence et les procédés que l'on doit suivre 46.

Pour les forêts de la couronne, on pourrait y introduire facilement une méthode générale et utile de soigner les bois; mais dans les possessions des particuliers un aussi grand détail serait difficile à régler et encore plus à exécuter. On sait que la couronne a accordé aux possesseurs des terres l'entière jouissance de leurs propriétés, et une inspection exacte sur toutes les forêts de l'empire

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