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que sans beaucoup d'art et d'instruction, on pourrait se procurer du vin très-potable 42.

42.

Nous avons déjà dit qu'à Astrakhan, comme à Kizliar, on cultive les vignes comine les jardins. On ne cherche pas toujours un terrain élevé: on plante communément les ceps sur un plan légèrement incliné. A Kizliar, on les attache à des échalas: à Astrakhan, on les étend en espaliers sur des lattes. Après la vendange, on les coupe jusqu'au bourgeon; et, en octobre, on courbe les ceps en terre, et on les couvre de foin et de terre. Au printems, on les relève et on les attache à leurs espaliers; on les préserve des rayons du soleil autant qu'il est possible, et on tâche de hâter leur maturité par de fréquentes irrigations. On arrache les mauvaises herbes avec grand soin, et, pour empêcher les oiseaux de manger les raisins mûrs, on loue de petits garçons qui, du haut d'un échafaud, tâchent de les dissiper par des cris continuels et en leur lançant des pierres.

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La vendange dure depuis la fin du mois d'août jusqu'à la fin de septembre. On distingue principalement quatre sortes de raisins: savoir, de gros raisins blancs et rouges,

de petits d'une forme ovale, et d'autres petits ronds sans pepins. On emballe les gros raisins dans des pots: au mois de septembre, il arrive des voituriers à Astrakhan qui les transportent dans tout l'empire. Les Boukhares suspendent les grappes, allument un feu de paille et les enfument: la peau en devient plus forte, et le fruit se conserve

mieux.

Nous avons déjà dit qu'on ne pressure que les raisins qu'on ne peut vendre frais: on les met dans des sacs de toile, on les porte dans une auge, et on les foule aux pieds; on porte encore ces sacs sous une presse de bois. Le premier jus que l'on en exprime fait le meilleur vin, parce que ces raisins sont les plus mûrs. On remplit de vin doux des cuves qui contiennent quarante à cinquante seaux ; il fermente pendant trois semaines, et on peut le boire ensuite: on jette les grappes que l'on pourrait employer utilement. Le vin blanc est presque aussi limpide que l'eau: le rouge est très - pâle. Quand on les soigne bien, ces vins sont agréables; mais, au bout de deux ans, ils perdent leur agrément et sont amers: on s'en sert

alors pour faire de l'eau-de-vie ou du vinaigre. Les raisins d'Astrakhan ne valent pas ceux de Kizliar; parce que le sol est salé et qu'on les arrose trop fréquemment: mais le vin d'Astrakhan est meilleur et se vend plus cher, parce qu'il est mieux préparé. Pour maintenir de l'égalité dans le prix du vin, personne ne peut le vendre avant que le taux n'en soit fixé. Autrefois la mesure de vin nouveau de Kizliar (qui pèse cinq livres) se vendait de vingt-huit à trente kopeks; tandis qu'à Astrakhan, prise sur les lieux, elle se vendait un rouble et demi. Ce prix a beaucoup haussé maintenant, et ces vins sont presque aussi chers en Russie et en Sibérie que les vins étrangers. Le vin que portent à Kizliar les Tavlintses ou les Tatars des montagnes est d'un meilleur goût et plus fort que celui du Térek; on le garde aussi plus facilement, et les gens aisés en font leur boisson ordinaire. Les Tatars du Caucase, quoique mahométans, boivent du vin publiquement, et même ils le rendent encore plus enivrant, en y jetant des têtes de pavots pendant qu'il fermente:

A Astrakhan et sur le Térek, on fait sécher les gros raisins rouges et les deux autres espèces plus petites: on choisit les plus doux et les plus mûrs pour en extraire un sirop, qui est très-agréable au goût, et que l'on emploie à différens usages domestiques en guise de sucre.

Dans la Tauride, la vigne est depuis longtemps indigène : il est vraisemblable que l'art de la cultiver y est venu des Grecs. Les environs de Théodoşie et d'Afinei produisent un excellent vin, qui ressemble au champagne. Dans les différentes espèces de raisins, il y en a quelques-unes que l'on peut comparer aux meilleures espèces étrangères; par exemple, au sapillier, au risling du Rhingau, au muscat, au chardenet de Champagne, au lagler blanc de Hongrie, au chasselas rouge, etc. Toutes les vignes qui croissent sans culture dans la partie méridionale de la presqu'isle donneraient les meilleurs vins blancs et rouges, si on voulait soigner davantage leur culture et surtout la préparation du moût. Jusqu'à présent les vignobles sont peu cultivés : on plante rarement des vignes sur les hauteurs, et ón les abandonne ordinairement à la nature.

Dans le gouvernement de Cathérinoslaf, on trouve déjà quelques vignes et des lieux où l'on pourrait en introduire la culture avec succès, surtout sur les rives du Bog, de l'Ingoul, de l'Ingoulets et du Dnèprè: des Kosaques s'en sont déjà occupés dans plusieurs endroits. Les raisins ne sont pas mauvais ; mais on prépare si mal le moût, que le vin ne se conserve pas et ne peut être transporté: cette négligence est si excessive, que l'on verse de l'eau sur le moût de raisin. La vigne réussit assez bien dans le gouvernement de Voznesensk; mais on la cultive peu, et on n'entend pas mieux la manière de préparer le vin. Dans les cercles de ce gouvernement qui formaient autrefois la plaine d'Otchakof, il y a sept espèces de vignes, et depuis longtemps on s'occupe de leur culture: ordinairement on fait sécher le raisin, ce qui est une petite branche de commerce pour ce pays. Outre ces provinces où l'on s'occupe en grand de la culture de la vigne, il y a encore dans les gouvernemens limitrophes quelques contrées où la vigne pourrait réussir en lui donnant des soins: en effet, on en voit dans la Petite-Russie et sur le Volga. Près de Kief

on

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