Page images
PDF
EPUB

*

quantité prodigieuse que l'on confit avec du miel ou du sucre. Dans cette foule innombrable de graines sauvages, le coussinet des marais mérite une mention particulière: ce grain est acide et remplace les citrons dans les contrées septentrionales; on en fait même usage à St. Pétersbourg chez les gens les plus distingués. Les autres graines aromatiques sont propres à la Russie septentrionale et à la Sibérie: on trouve de grosses fraises de jardin qui croissent sans culture près d'Irkoutsk. Les groseilles rouges qu'on trouve sur les monts Altais sont de la grosseur d'une cerise ordinaire; elles mûrissent en grappes et sont d'un goût délicieux. La consommation de ces petits fruits sauvages est incroyable: outre la quantité prodigieuse que l'on. confit, on s'en sert à préparer plusieurs boissons rafraîchissantes et spiritueuses. On trouve des noisetiers dans toute la Russie jusqu'à la Kama, mais il n'en croît point en Sibérie; on en voit surtout entre Simbirsk et Kazan: cette contrée fournit des noix et de l'huile que l'on en tire d'une grande partie de la Russie et de toute la Sibérie, Comme

? Vaccinium oxicoccus, en russe klioukva.

on voit dans toutes les villes et villages le bas peuple s'amuser à manger des noix, on peut en conclure que la consommation doit en être prodigieuse. On vendait sur les lieux, il y a quelques années, quatre pouds de ces noix un rouble: dans les villes voisines, la même quantité coûtait un rouble et demi jusqu'à deux roubles. Les montagnes de l'Oural produisent des noix de cèdres, qui sont d'un goût très-délicat.

Le sucrin et le melon d'eau ou l'arbouze

sont un objet de culture particulier aux provinces méridionales de la Russie; ils ne réussissent en plein air qu'au 52 degré de latitude. Dans la plupart de ces contrées, surtout sur le Volga, le Don et l'Oural, on cultive des fruits en grande quantité, parce qu'ils exigent peu de soins. Les jardins de melons, qu'on pourrait appeler des champs à cause 'de leur étendue, sont ordinairement environnés d'une haie pour arrêter les bestiaux; ils sont divisés par couches, et, suivant la manière orientale, on pratique alentour des rigoles d'argile battue, pour pouvoir arroser ces plantes. C'est par cette raison que ces jardins sont toujours situés à portée de l'eau, et

quelquefois un cheval fait aller une machine qui verse l'eau dans les tuyaux. Les melons, surtout les meilleures espèces, telles que les cantaloux, exigent une culture plus soignée; tandis que les arbouzes réussissent aisément et parviennent sans beaucoup de soins à une grosseur extraordinaire. Dans le gouvernement de Cathérinoslaf, à peine en prend-ton plus de soin que des plantes les plus communes, et cependant on trouve presque dans chaque champ champ des arbouzes qui pèsent jusqu'à trente livres, tendres et d'un goût exquis.

Les fruits réussissent surtout dans les parties centrale et méridionale de la Russie: on voit de grands vergers sur le Volga et l'Oka, dans la Petite - Russie, le Caucase, la Tauride, etc. Cependant ces contrées ne produisent pas à beaucoup près assez de fruits pour la consommation de tout l'empire, surtout pour la Russie septentrionale et la Sibérie. Comme on s'occupe peu des moyens de propager et d'améliorer les arbres fruitiers, on ne doit point s'étonner que la Russie, malgré la fécondité des provinces méridionales, reçoive annuellement une grande quantité

de fruits étrangers: en 1794, à St. Pétersbourg seulement, on en importa pour plus de 636,000 roubles. Il faut cependant remarquer que cet article d'importation comprend plusieurs espèces de fruits qui ne croissent point en Russie, ou y viennent en très-petite quantité.

Les poiriers et les pommiers sauvages ne croissent point au delà du 49° degré de latitude, tandis que les pruniers et les cerisiers sauvages réussissent jusqu'au 55e. Dans les contrées moins favorisées où ces arbres ne peuvent venir en plein air, l'art supplée quelquefois à la nature d'une manière étonnante: mais cette branche d'industrie, que le luxe et les richesses ont fait naître, n'est connue que dans le voisinage des grandes villes ou dans quelques campagnes habitées par de riches propriétaires: d'ailleurs les étrangers sont les seuls qui s'en occupent. Entre toutes les espèces de fruits qui croissent en Russie, les pommes et les poires sont les plus communs, et ce sont aussi presque les seuls fruits dont on ait soigné la culDans presque tous les villages situés sur les rives du Volga et de l'Oka on trouve

ture.

des

des vergers: plusieurs paysans vivent trèsbien du produit de leurs jardins sans s'occuper de l'agriculture. Dans les bonnes années, on voit souvent un habitant de la campagne vendre trois ou quatre cents roubles sa récolte de fruits: les acheteurs, les marchandent sur les arbres, et les ramassent. Quelquefois un village retire jusqu'à 10,000 roubles du produit de ses vergers. Les différentes espèces de pommes que l'on voit ici viennent d'Astrakhan, de la Perse et de la Kabardie on ne trouve nulle part les espèces européennes. On remarque surtout les pommes de Kirevsk qui sont si grosses, qu'une seule pèse jusqu'à quatre livres; elles ont un goût vineux très - agréable et se conservent long-temps. On s'occupe avec succès de la culture du pommier dans le gouvernement de Moscou et ceux qui l'avoisinent. On y trouve une espèce de pomme transparente, pleine de suc et d'un très-bon goût, qui vient de la Chine; on la nomme naliva, c'est-à-dire, très- remplie: son goût est aigrelet, et, quand on la présente au jour, on peut compter les pepins. Dans plusieurs gouvernemens, le débit des fruits et surtout

20

« PreviousContinue »