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repaire des bêtes sauvages que le séjour de l'homme mais dans la plupart des contrées

les plus favorisées de la nature, il existe des peuplades qui ne connaissent point encore l'agriculture, et qui tirent uniquement leur subsistance du sein des eaux et des forêts, ou des bestiaux qu'ils élèvent. Quoique ces occupations soient utiles, elles deviennent cependant nuisibles, lorsqu'elles bornent l'industrie d'une population nombreuse à recevoir les dons que lui fait la nature. Un peuple qui se nourrit de la chasse, de la pêche ou de ses bestiaux, a besoin d'une vaste étendue de terrain pour subsister; il doit choisir pour sa résidence les lieux qui sont les plus propres à ses occupations, et souvent il est forcé d'en changer: non-seulement ce genre de vie est nuisible à la culture, mais il arrête encore les progrès de la population.

Dans le fait, le gouvernement a mis autant d'activité à engager les peuples nomades à se livrer à l'agriculture, qu'à embrasser le christianisme: ceux qui sont convertis deviennent ordinairement cultivateurs; d'autres, au contraire, persistent à languir dans

l'oisiveté, malgré toutes les tentatives qu'on a faites pour les en corriger. Comme un pareil changement ne peut être opéré par des moyens violens, peu conformes aux principes d'équité et de douceur qui caractérisent le gouvernement actuel, on demande quelle serait la méthode qu'il faudrait suivre pour engager ces peuplades à se livrer à des occupations plus utiles, et les accoutumer insensiblement à une vie plus active? Peut-être le moyen le plus sûr serait-il de donner un plus haut degré de perfection à leurs occupations actuelles, et de tâcher d'introduire parmi eux d'autres branches de ces occupations qui leur sont inconnues. Par exemple, ne serait-il pas infiniment plus aisé d'encourager les peuples pasteurs à perfectionner la race de leurs brebis et la tonte de leur laine, tandis que cette branche d'industrie est très-négligée, que de les forcer à quitter leur genre de vie actuel? Si les peuples nomades s'occupaient à recueillir les plantes sauvages qui sont propres aux manufactures, ils pourraient être très - utiles, sans être forcés d'abandonner leurs occupations principales. Comme le sentiment de

nos besoins nous excite plus vivement à l'activité, on s'appliquerait surtout à les augmenter: ce serait une sage politique de favoriser les relations des peuples nomades les nations civilisées : ils apprendraient à connaître les agrémens de la vie aisée; il s'introduirait parmi eux une sorte de luxe qui servirait d'aiguillon à leur industrie.

avec

Les faits que nous avons rapportés prouvent qu'une partie des habitans de l'empire de Russie sont livrés à l'oisiveté, ou s'occu-, pent à des travaux inutiles, tandis que leurs facultés devraient être employées à l'avantage de l'agriculture. Mais quand même tous les individus qui existent, excepté ceux qui sont employés au service de l'état ou à d'autres travaux de la même importance, voudraient se consacrer à l'agriculture, la masse totale ne serait pas suffisante pour cultiver de la manière la plus utile toute la superficie de cet empire immense. Voilà le seul cas où les colonies soient réellement avantageuses, et où on peut les établir avec le plus grand succès, si on ne néglige point les mesures que prescrit une sage politique. A cet égard

le gouvernement de Catherine II a été trèsutile à la Russie. Sous son règne, des milliers d'étrangers se sont établis tant dans les provinces septentrionales que dans celles qui sont situées au midi, et, depuis cette époque remarquable, la population, l'industrie et les productions de l'empire de Russie se sont considérablement accrues. L'expérience aura appris les fautes dans lesquelles on doit éviter de tomber à l'avenir, si le gouvernement s'occupe encore dans la suite de cet objetimportant, comme on a lieu de le présumer 37

Le second moyen de faire fleurir l'agriculture est de s'en occuper avec soin et intelligence. Supposons que dans un état tous les individus capables de travailler ne fussent occupés que de la culture des terres, on ne pourrait point en conclure que l'agriculture y est parvenue au plus haut point de perfection. Le résultat des travaux du laboureur dépend des moyens qu'il emploie, de la méthode qu'il suit, de ses instrumens de labourage et de tant d'autres causes, que l'on ne doit point s'étonner si le succès ne répond pas toujours aux peines qu'on a prises. Un sol préparé par des cultivateurs

pauvres, négligens et mal pourvus d'instru-. mens de labourage, rendra proportionnellement un reveņu plus modique que celui qui aura la même étendue et les mêmes qualités, mais qui sera cultivé par des paysans aisés, actifs et intelligens. Rien n'est donc plus important pour ces travaux intéressans qu'une administration sage et éclairée: il faut détruire les préjugés dominans, encourager l'intelligence et l'industrie, et propager les connaissances relatives à l'économie rurale. Ce soin est surtout nécessaire dans un pays où, la servitude énerve presque toujours l'esprit d'industrie, où le cultivateur a peu d'émulation et de motifs qui l'engagent à se perfectionner, et où, s'il en avait le désir, il lui serait difficile de se procurer les moyens et les connaissances qui peuvent lui être utiles. Avant d'entrer dans des détails particuliers sur ces différens obstacles, il est nécessaire de donner une description générale de la manière dont les terres sont ordinairement administrées en Russie.

La valeur des fonds dépend en partie de la situation et des propriétés du sol, mais principalement du nombre de paysans qui

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