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sous le nom de thé de Tchaguire; le bas peuple en fait usage. Ces feuilles séchées sont semblables au thé de la Chine pour le goût et les effets; elles donnent à l'eau la même couleur, de sorte qu'il est très - aisé de s'accoutumer à cette boisson. Les feuilles du rhododendrum dauricum ont tant de ressemblance avec celles du thé ordinaire, pour la forme et l'odeur, que les naturalistes le regardent comme le même arbuste. Le polypodium flagrans mérite que nous en fassions mention. C'est une belle espèce de fougère, rare et d'une odeur agréable: les Bouriates le recueillent sur les rochers les plus élevés; il croît entre leurs fentes, et on le prend en guise de thé, contre les maladies scorbutiques et la goutte. Il est aussi agréable à boire: il relève d'une manière exquise le goût du thé verd ordinaire. L'odeur de cette herbe est si vive et si pénétrante, qu'elle se communique pour long-temps aux corps qui l'entourent.

Le kali en arbrisseau sera le dernier article de cette longue liste de plantes. Il n'y a vraisemblablement aucun endroit de la terre où il en croisse une aussi grande quantité, et autant de différentes espèces, que dans les steppes

méridionaux de l'empire de Russie. Si on préparait le kali que l'on trouve dans les contrées désertes et impropres à l'agriculture, la Russie, au lieu d'acheter annuellement de la soude pour des sommes considérables, pourrait même en exporter aux étrangers. On sait que cet article est absolument nécessaire dans les verreries, qu'il est employé dans d'autres manufactures, et que c'est un objet de commerce très-important. On pourrait ramasser une quantité prodigieuse de kali dans les plaines qui avoisinent la mer Caspienne, aux embouchures de l'Oural, du Volga, du Térek, sur les bords de tous les lacs salés et dans les plaines de la Tauride. Il y en a une telle abondance dans ces contrées, qu'il serait inutile de semer le kali, comme on a coutume de le faire en Languedoc et en Espagne: la seule précaution qu'il faudrait avoir en le ramassant, serait de ne point le couper avant que la graine ne fût assez mûre pour tomber et se semer d'elle-même. Jusqu'à présent les Kalmouks et les Arméniens sont les seuls qui en recueillent une très-petite quantité, tandis que la Russie reçoit annuellement de France et d'Espagne beaucoup de soude préparée.

Ce que nous avons dit suffira pour donner une idée générale de l'état de l'agriculture en Russie, Quelqu'imparfaite que soit l'économie rurale dans quelques parties, elle est cependant la principale occupation nationale, et ses productions sont l'article le plus considérable de son revenu annuel. Les grands objets de l'agriculture, tels que le bled, le chanvre et le lin, sont la base de la richesse de l'état: ils ne suffisent pas seulement à la consommation intérieure, mais ils sont encore les principaux articles de l'exportation. La Russie n'a jamais besoin d'acheter des grains des pays étrangers, quoiqu'on en emploie à faire de l'eau-de-vie une quantité prodigieuse, qui sort alors de sa véritable destination. La disette qui accable les contrées situées trop au nord, ou celles qui sont stériles, est balancée par la fertilité étonnante de celles que la nature a favorisées: après avoir fourni le double de ce qui est nécessaire pour la consommation intérieure, la Russie peut encore vendre aux étrangers une quantité de grains très - considérable. En 1793, l'exportation des productions de l'agriculture allait au delà de quinze millions de roubles:

cette somme peut être regardée comme un bénéfice, et serait presque doublée si on ajoutait les objets manufacturés ou préparés avant d'être exportés. Malgré tous ces avantages, qui ne peuvent être révoqués en doute, l'agriculture est bien éloignée d'avoir acquis en Russie toute la perfection dont elle est susceptible. Si l'on examine le nombre prodigieux d'individus qui s'occupent de l'économie rurale; si on réfléchit combien la nature a favorisé l'empire de Russie, en lui donnant une aussi grande latitude, on verra que, quelqu'important que soit le produit de l'agriculture, il n'est point proportionné à d'aussi grands avantages. On ne peut regarder l'agriculture comme florissante, que lorsque le plus grand nombre possible d'habitans s'en occupent, et lorsqu'on en retire tout le produit dont elle est susceptible. En Russie, cela n'existe que dans quelques lieux: il ne sera point déplacé de faire quelques observations sur les obstacles qui s'y opposent à l'économie rurale.

Dans chaque état, il existe certains rapports physiques et politiques, qui déterminent l'activité de ses habitans, et par conséquent

Sources:

les sources de sa richesse nationale. Un sol fertile sert d'encouragement à l'agriculture; les mines, à l'exploitation des métaux; et lé voisinage de la mer engage à se. livrer au commerce. Dans les lieux où ces différentes branches d'industrie ne suffisent pas pour occuper le peuple, il s'établit des fabriques et des manufactures. Presque dans tous les états civilisés, on réunit ces différentes resmais l'industrie du peuple porte toujours principalement sur les objets dans lesquels elle se trouve le plus favorisée par la nature; rien ne serait plus insensé que de vouloir diriger arbitrairement l'activité. L'empire de Russie est si favorisé par sa situation physique et la qualité de ses productions, que non-seulement ses habitans ne sont point gênés dans le genre de leurs travaux; mais même la nature est si riche et si variée, qu'ils peuvent se livrer à tous les genres d'industrie imaginables. Cependant l'agriculture est la base la plus sûre des richesses nationales, et la plus grande partie de la Russie présente au cultivateur toutes sortes d'avantages. Sans doute il serait imprudent de prescrire au peuple le genre

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