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On comprend aisément que la fertilité de ces différens pays n'est point partout la même; mais nous ne pouvons entrer dans de plus grands détails, sans nous écarter des bornes étroites que nous nous sommes prescrites 25.

Dans la plupart des lieux susceptibles de culture, la nature prodigue ses dons au cultivateur russe de légers travaux et des instrumens imparfaits suffisent pour lui procurer une récolte aussi abondante que dans les lieux où l'on se livre à un travail pénible, et où l'industrie vient au secours du laboureur. Dans le fait, en considérant en général la manière dont on exerce l'agriculture en Russie, les procédés sont si simples et si destitués d'art, qu'ils n'ont pas besoin d'une description détaillée, pour que le lecteur s'en forme aisément une idée. Avant de les décrire, nous parlerons en peu de mots des instrumens de labourage dont on se sert principalement.

La charrue la plus usitée est l'araire, qu'on nomme en russe sokha: on s'en sert non-seulement dans la plupart des gouvernemens de la Grande Russie et de la Sibérie: mais

même encore dans les provinces allemandes qui avoisinent la mer Baltique 26. Elle est sans roues, et a deux coutres assez courts qui sont attachés à un bois fourchu; cette charrue est ordinairement attelée d'un seul cheval ou de deux boeufs: elle est d'une si grande légèreté, qu'un jeune homme de quinze ans peut la manier aisément; et, comme le cheval emploie très-peu de forces, on le conduit ordinairement sans tenir les rênes, ce qui laisse les deux mains libres au cultivateur. Cette charrue ne laboure la terre que d'un verchok, ou un pouce 2 d'Angleterre de profondeur, et l'on ne s'en sert que pour les champs en culture. On emploie le soc, koussoulia, pour couper les gazons et dans les terres que l'on défriche; cet instrument de labourage est plus fort que l'araire: il entre dans la terre d'un demi-verchok de plus; par conséquent il est plus propre à couper les petites racines. Dans quelques endroits, au lieu de coutres, on se sert d'un seul soc qui coupe les gazons, et on les lève ensuite avec l'araire: le laboureur a soin de les briser avec le pied, parce que la charrue

ne les retourne qu'à moitié. Quelque soit le sol, on peut toujours se servir de ces charrues, quand même il serait pierreux ou couvert de racines.

Depuis que l'on s'occupe théoriquement de l'économie rurale en Russie, ces sortes de charrues ont trouvé autant de censeurs que de partisans: les voix paraissent encore partagées sur leur utilité. On ne peut nier que cette charrue, labourant à une légère profondeur, ne retourne point les grosses mottes de terre et ne peut arracher toutes les racines des mauvaises herbes; mais cet inconvénient n'a lieu que dans les terres fortes et argilleuses, et l'araire a de grands avantages sur les autres charrues dans un terrain sablonneux. D'ailleurs elle est facile à construire: un seul cheval, même sans être trèsvigoureux, suffit pour que l'on puisse s'en servir; cet avantage est inappréciable pour les paysans pauvres, qui trouveraient diffi

cilement une autre charrue aussi convenable à tous les terrains, légère, commode, et d'un prix aussi modique.

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y a encore une seconde espèce de charrue assez pesante, dont on se sert dans la

Petite-Russie, ainsi que dans les gouverne mens adjacens, et qu'emploient aussi les Moldaves, les Tcherkhasses, les Géorgiens et les Perses; on la nomme en russe saban. Elle a beaucoup de rapport avec les charrues allemandes on y attelle deux ou quatre chevaux; si l'on emploie des boeufs, il en faut au moins quatre et même quelquefois huit. La forme de cette charrue est très-variée 27: il y en a une surtout qui est remarquable. Le coutre est couché obliquement: on place devant ce coutre un fer tranchant qui coupe les gazons; le soc de la charrue les enlève et les retourne ensuite.

Dans plusieurs lieux, surtout dans ceux où sont établis des colons étrangers, on se sert de la charrue allemande : celle du Mecklenbourg est la plus usitée; cependant presque tous les cultivateurs étrangers préférent. l'araire.

La herse est presque partout composée de courtes chevilles de bois, placées dans les intervalles de lattes qui sont liées avec de l'osier, Ce n'est qu'en Livonie qu'on prend la peine de la rendre un peu plus durable: y lie plusieurs billots par des charnières;

on

les chevilles sont placées dans des trous pratiqués dans ces billots: par conséquent elle peut être employée dans un terroir pierreux, sans être endommagée. La herse dont se servent les Lettons, les Estoniens et les Finnois, est encore plus simple: ce ne sont que quelques rameaux de pin, dont on émousse les branches. Cette herse a l'avantage d'être très-légère; on l'emploie dans les terres en culture, et surtout dans les lieux où il croît des broussailles, à cause que les dents sont élastiques. On ne se sert de la herse allemande à dents de fer que dans les lieux qu'habitent les colons, ou dans les terres qui sont cultivées avec grand soin par de riches propriétaires.

Il

y a peu de contrées où l'on fasse usage du cylindre, et l'on n'a pas remarqué que la récolte en soit moins abondante: cependant quelques paysans s'en servent.

Les instrumens que l'on emploie pour la récolte des bleds varient suivant les pays. Dans les provinces de la Grande-Russie, on se sert de la faucille, tandis que les paysans de l'Ukraine emploient la grande faux allemande. Les Lettons coupent tous leurs grains

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