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soit relativement au commerce: dans tous les lieux où le sol et le climat favorisent cette branche de l'économie rurale, on voit de grands troupeaux de bêtes à cornes, et plusieurs peuples nomades tirent leur principale richesse de ces animaux utiles. La Petite-Russie, le gouvernement nouvellement acquis sur la Pologne, et surtout la partie de l'Ukraine qui appartenait autrefois à cette puissance, sont les lieux où les troupeaux sont les plus nombreux. Dans les gouvernemens de Kharkof, de Koursk, d'Orel, de Kazan, d'Oufa, de Saratof, etc. et dans quelques autres situés au nord, les bestiaux sont un objet d'exportation. Les Kirguises, les Kalmouks, les Bachkirs et quelques peuples tatars, fournissent de bestiaux une grande partie de l'empire. On fait partir ar→ nuellement de l'Ukraine plusieurs milliers de boeufs, non-seulement pour St Pétersbourg, Riga et Rével, mais même pour la Silésie et l'Allemagne. Dans plusieurs lieux favorisés de la nature, le soin des bestiaux occupe plus que l'agriculture, et les habitans préfèrent les boeufs aux chevaux, parce qu'ils se servent aussi des premiers pour le trait.

Dans la ci-devant Petite - Pologne, les pâturages sont d'une fertilité extraordinaire: souvent l'herbe croît d'une telle hauteur, qu'elle cache absolument les bêtes à cornes qui la pâturent. Il y a long-temps que les boeufs de la Podolie sont renommés dans les pays voisins: si, par une fraude souvent usitée dans le commerce, on ne vend pas d'autres boeufs sous ce nom, on doit s'étonner avec raison de la fécondité de cette province. Les Kosaques du Don s'occupent principalement du soin des bestiaux: leurs boeufs valent ceux de la Petite-Russie; ils trouvent un excellent pâturage dans les steppes fertiles et les herbages abondans, qui croissent sur les bords des rivières. La courte durée et la température de l'hiver facilitent l'éducation des bestiaux; aussi y a-t-il de simples Kosaques qui possèdent cinquante et jusqu'à deux cents pièces de bétail.

Il y a beaucoup de bestiaux dans le gouvernement d'Arkhangel: ceux du cercle de Kholmogory sont les plus renommés. Cet avantage est dû aux soins de l'impératrice Catherine II, qui a fait distribuer les vaches

de race hollandaise aux habitans de ce pays fertile en pâturages. Les veaux de Kholmogory sont surtout très-estimés, à cause de leur chair délicate. On en transporte souvent à St. Pétersbourg, où ils se vendent très - cher. On les engraisse pendant quarante semaines: un bon veau pese 680 et quelquefois 800 livres.

Plus de la moitié des gouvernemens nourrissent assez de bestiaux pour leur consommation intérieure, et en fournissent aux provinces qui en manquent, telles que St. Pétersbourg et Moscou: ces deux gouvernemens sont très peuplés, et la consommation des capitales est prodigieuse. On ne peut point élever de bestiaux dans celui de St. Pétersbourg: on n'emploie point les boeufs pour le trait, et les paysans préfèrent vendre leurs veaux plutôt que de les élever: cependant chaque paysan possède quelques vaches, qui sont d'un produit avantageux; c'est pour cette raison qu'on amène tous les ans à St. Pétersbourg des boeufs engraissés de l'Ukraine et des hordes kalmouques, par conséquent de plus de deux mille verstes: on y envoye aussi du boeuf salé et gelé; outre les veaux

qui viennent du gouvernement d'Astrakhan, on en tire beaucoup des rives du Volga. Comme ces animaux perdent une partie de leur graisse pendant un aussi long trajet, les propriétaires de terres en Livonie et en Estonie les prennent chez eux l'hiver pour les engraisser; ce qui est un grand avantage pour ces provinces. Un propriétaire qui fait distiller de l'eau-de-vie peut prendre chez lui jusqu'à trois cents boeufs; il gagne sur chacun depuis huit jusqu'à quatorze roubles, sans compter le profit que ses champs retirent du fumier.

Le gros bétail ne forme que la plus petite partie des troupeaux des peuples pasteurs; leur objet principal est d'élever des chevaux et des brebis. Les Kirguises ont de belles vaches sans cornes: il n'y a que les Kalmouks les plus pauvres qui élèvent des bêtes à cornes; ceux qui sont à leur aise n'ont ordinairement que des chevaux. Les troupeaux des Kalmouks passent tout l'hiver dans lés steppes, où ils réussissent très-bien. La principale richesse des Nogais consiste dans les bêtes à cornes; mais ce peuple paresseux est si pauvre, que celui qui possède

cinq cents boeufs passe pour un homme très-riche. En général, on n'élève un grand nombre de bêtes à cornes que dans les lieux où on les emploie au trait ou au transport.

Le soin que l'on prend des boeufs en Russie est absolument différent de la méthode usitée dans les autres pays de l'Europe: c'est surtout à ces animaux qu'il faut appliquer ce que nous avons dit plus haut des abus qui règnent dans cette partie de l'industrie productive. Nulle part on ne porte aussi loin la négligence à cet égard.

Aussitôt que la neige ne couvre plus les campagnes, les bêtes à cornes sont forcées de chercher leur nourriture dans des pâturages qui sont souvent maigres et éloignés: depuis ce moment, on ne leur distribue plus de fourrages dans l'étable, jusqu'à ce que l'hiver ait absolument fait disparaître la verdure. On leur en donne, à la vérité, dans cette saison, mais avec une si grande parcimonie, qu'ils paraissent perdre de leur taille, et quelquefois ne peuvent pas se lever sans le secours du berger: souvent de la paille sèche et de l'eau froide sont leur unique aliment. On traite un peu mieux les vaches qui ont

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