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aisément par mer, puisque les Russes ont déjà navigué plusieurs fois sur les côtes de la mer glaciale. Pour augmenter le produit du caviar, il faudrait encore préparer d'autres espèces d'oeufs que ceux de l'esturgeon: on pourrait employer, avec le même succès, les oeufs jaunes des autres grands poissons, comme, par exemple, du brochet, du brochet-perche, de la carpe, de plusieurs autres espèces de poissons, que l'on trouve en grande quantité dans différentes rivières de la Russie méridionale. Les Grecs et les Arméniens qui habitent les bords de la mer noire, préfèrent le caviar jaune au noir.

En 1768, l'exportation de l'huile de poisson montait à 80,000 roubles; en 1796, elle allait au delà de 106,000 roubles. Cet article d'exportation pourrait augmenter considérablement, si on employait la graisse du bélouga de mer, et surtout si on mettait plus d'activité à la pêche de la baleine. En comparant les rapports des différens articles dont nous avons fait mention, la valeur de l'exportation du produit de la pêche était, en 1768, de 208,000 roubles; en 1796, elle était de plus de 756,000 roubles.

Il est hors de doute que cette augmentation de l'exportation, prouve une plus grande activité et les progrès de l'industrie; mais l'importation des poissons étrangers a suivi la même progression. Dans le seul port de St. Pétersbourg, on a introduit, en 1793, pour 246,000 roubles de productions de la pêche: les harengs seuls forment un article de 228,000 roubles, tandis qu'au contraire l'importation totale de 1768 ne montait qu'à 107,000 roubles. Le hareng étant un des articles les plus importans de l'importation de poisson des ports de la mer Baltique et de la mer blanche, il serait certainement trèsintéressant de s'occuper des moyens de diminuer une dépense aussi onéreuse qu'inutile. Si la pêche des harengs qui se fait sur les côtes de la Russie, et celle de l'omoul, dont nous avons fait mention à l'article de la mer glaciale, ne peut être augmentée au point de suffire à la consommation de l'empire, on peut les remplacer par plusieurs autres espèces de poissons, tels que le poisson d'or (clupea alosa, PALL.) et les cyprines, (cyprinus cultratus, PALL. cyprinus chalcoides, LINN.). Ces différens poissons ressemblent beaucoup

au hareng pour le goût, et on en trouve un grand nombre dans la mer noire, la mer d'Azof et la mer Caspienne.

L'alose, que l'on nomme à Tcherkask seldets; à Astrakhan, ieleznitsa; et dans d'autres lieux situés sur le Volga, ryba vissellaga, est très-commune dans la partie méridionale du Volga, depuis le confluent de l'Occa; on en trouve aussi beaucoup dans cette riviére, dans la Kama et près de l'embouchure du Don: on voit les aloses en foule dans ces rivières; mais elles ne sont pas aussi communes dans le Dnèpre.

Le couteau que les habitans des rives du Volga appellent tchekhon, et qui porte ailleurs le nom russe sabla, se prend dans les mêmes lieux que l'alose; on en trouve aussi quelquefois dans le golfe de Finlande. La chalcoide n'abandonne la mer Caspienne que pour remonter le Térek: on l'appelle alors girnaya riba; elle quitte aussi la mer noire pour entrer dans le Dnèpre, où elle est connue sous le nom de skabria: on trouve encore ce poisson sur les bords de la mer d'Azof; il l'emporte sur le hareng pour la délicatesse de sa chair. Une pêche mieux

réglée sur les côtes de la mer noire et de la mer d'Azof fournirait une foule d'autres poissons d'une grandeur médiocre, qui rendraient les harengs inutiles. La suppression de tous les monopoles, la diminution du prix du sel, et l'appui que le gouvernement accorde à chaque entreprise utile, ces encouragemens seraient suffisans pour déterminer les habitans à suivre les projets qu'on doit au zèle éclairé de l'académicien Guldenstaedt. L'exécution en est facile: ils réuniraient le double avantage d'être utiles aux particuliers, et d'éviter annuellement à l'état une dépense considérable.

Suivant les calculs de M. Herrmann, la valeur totale de tous les produits de la pêche peut monter annuellement à quinze millions de roubles. Sans garantir l'exactitude parfaite de ce calcul, on peut admettre avec beaucoup de vraisemblance qu'il n'est pas très-exagéré, si l'on considère l'étendue de cette branche d'industrie, le nombre et la variété de ses objets, et la consommation prodigieuse causée par les carêmes: pendant la moitié de l'année, le poisson est la seule nourriture de plus de 30 millions d'hommes.

Plus le besoin de cet aliment est nécessaire, plus il est important de rechercher les obstacles qui s'opposent à son produit et de découvrir les abus que la paresse ou les préjugés favorisent.

Le poisson fait la principale nourriture des habitans de la campagne: dans plusieurs endroits sa consommation excède celle de la viande, dont l'usage est très - borné dans l'empire, en comparaison des autres nations, tant par la manière de vivre du peuple, que par les rites de la religion grecque. Il est, par conséquent, de la plus grande importance d'extirper les préjugés nuisibles que conserve encore le peuple russe contre différentes espèces de poissons, qui sont sains et agréables au goût, et qui se trouvent en grande abondance. Tel est, par exemple, le poisson d'or, qui remonte le Volga en foule prodigieuse, depuis le commencement de mai jusqu'à la fin de l'été: le peuple a l'opinion mal fondée que l'usage de ce poisson rend insensé. Les Russes ne le mangent donc point et le rejettent, ou le vendent au plus vil prix aux Mordvines et aux Tchouvaches, qui réfutent tous les jours, par leur propre

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