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mes sont dégénérés, et que la religion est le seul moyen de rendre à l'âme sa première grandeur, de faire croître ses ailes de nouveau et de l'élever jusqu'aux régions éthérées d'où elle est tombée. Il faut d'abord devenir homme par les vertus civiles et sociales, et ressembler ensuite aux Dieux par cet amour de la souveraine beauté de l'ordre et de la perfection, qui nous fait aimer la vertu pour elle-même. Voilà le seul culte digne des immortels, et voilà toute ma doctrine.

Anaximandre se leva alors au milieu de l'assemblée; son âge, ses talens et sa réputation lui obtinrent un silence et une attention universelle. Pythagore, dit-il, détruit la religion par ses subtilités, son amour de l'ordre est une chimère. Consultons la nature, pénétrons dans les détours secrets du cœur humain, interrogeons les hommes de toutes les nations, nous trouverons que l'amour-propre est la source de toutes nos actions, de toutes nos passions, et même de toutes nos vertus. Pythagore se perd dans ses raisonnemens abstraits; je m'en tiens à la simple nature, et c'est là que je puise mes principes. Le sentiment de tous les cœurs consacre ma doctrine, et ce genre de preuve est le plus concis et le plus convaincant.

Aaximandre subtitue, répliquai-je, des passions irrégulières aux sentimens nobles; il ne césse de donner ce que les hommes font ordinairement, pour un modèle de ce qu'ils devraient faire ; mais la faiblesse de la nature aveuglée et débilitée encore par les passions, n'est pas la règle de la nature éclairée et fortifiée par la raison souveraine. Il affirme hardiment, mais il ne prouve rien ; cette méthode n'est pas la mienne : voici mes preuves, elles me parais

cessary first to become man by civil and social virtues, and then to resemble the Gods by that love of the sovereign beauty, order and perfection, which makes us love virtue for itself; this is the only worship worthy of the immortals, and this is all my doctrine.

Anaximander then rose up in the midst of the assembly; his age, talents and reputation gained him a silent and universal attention. Pythagoras, said he, destroys religion by his refinements; his love of ORDER is a chimera; let us consult nature, let us search into all the secret recesses of man's heart, let us interrogate men of all nations, we shall find that selflove is the source of all our actions all our passions, and even all our virtues: Pythagoras loses himself in his abstract reasonings; I keep to simple nature, and there I find my principles: the feeling and sentiment of all hearts authorises my doctrine, and this kind of proof is the shortest and most convincing.

Anaximander, answered I, substitutes irregular passions in the room of noble sentiments, he always represents what men ordinarily do, as the standard of what they ought to do; but the weakness of nature blinded and enfeebled by the passions, is not the rule of nature enlightened and fortified by the sovereing reason; he affirms boldly, but he proves nothing; this is not my method, my proofs are these, they seem to me clear and solid ; the

sent claires et solides. La volonté souveraine du grand Jupiter doit être la règle universelle de notre volonté ; il aime tous les êtres, plus ou moins, en raison de leur ressemblance avec lui; c'est le degré de cette ressemblance qui constitue la beauté, la vérité et la bonté de chaque intelligence. Le Père des Dieux et des hommes s'aime lui-même comme le souverain bien, et il aime tous les autres êtres comme ses émanations; et ceci devrait être notre règle. L'amour-propre, pour être régulier, doit être l'effet et non pas la cause de notre amour pour le.bien suprême; l'amour de l'infiniment grand devrait être la base de notre amour pour l'infiniment petit; l'amour pour l'original devrait être le motif de notre amour pour l'image. Tels sont la loi éternelle, l'ordre immuable et l'amour de la souveraine Beauté.

Anaximandre m'interrompit, et répondit avec un sourire dédaigneux : Pythagore vous trompe par des mots vides de sens, par des idées abstraites qui ne sont d'aucun usage dans la vie sociale, par des chimères qui ont pris naissance dans la cervelle creuse de sophistes oisifs qui s'épuisent en vaines spéculations : Quelle est cette lot éternelle? Quel est cet ordre qui lui est conforme ? Quel est cet amour de la souveraine Beauté, dont il éblouit sans cesse nos yeux? Que Pythagore s'explique avec clarté, et toutes ses charmantes idées s'en iront en fumée.

(1) La loi, répondis-je, est cette intelligence qui a tout produit, la raison souveraine du grand Jupiter, la divine Minerve qui s'élance continuellement de sa tête. L'ordre conforme

(1) Voyez Hier. Aur, carm. Pyth. p. 14.

sovereign

sovereign will of the great Jupiter ought to be the universal rule of our will; he loves all beings more or less, in proportion to their resemblance with him; it is the degree of this resemblance which constitutes the beauty truth and goodness of each intelligence. The Father of Gods and men loves himself as the sovereign good, and all other beings as his emanations; and this should be our rule: selflove, to be regular, must be the effect and not the cause of our love for the supreme good; the love of the infinitely great should be the ground of our love for the infinitely little; the love of the original, the motive of our love for the pictures. This is the eternal law, the immutable order, and the love of the sovereign beauty.

Anaximander interrupted me with a disdainful smile and answered; Pythagoras imposes upon you by words without meaning by abstracted ideas that are of no use in social life, by chimeras hatched in the empty brain of idle sophists who exhaust themselves in vain speculations; what is this eternal law? this order conformable to it? this love of the sovereign' beauty with which he continually dazzles our eyes? let him explain himself clearly, and all his fine spun notions will vanish into smoke.

(1) The law, replied I, is the intelligence which produced all things, the sovereign reason of the great Jupiter, the divine Minerva who incessantly springs from his head. The

(1) See Hier. on the golden verses of Pythag. p. 14.

,

à cette loi, est fondé sur les différens degrés de réalité que l'esprit qui a tout produit a donné à ses ouvrages, sur les rapports immuables et les différences essentielles qui existent entre eux. L'amour conforme à cet ordre, consiste à préférer ce qui est plus parfait à ce qui l'est moins, non-seulement dans tous les genres, mais aussi dans les espèces et les individus (1). Enfin la Beauté souveraine n'a aucune ressemblance parfaite avec rien de ce que nous voyons sur la terre ou dans les cieux; tout ce qui est beau et qui n'est pas elle, ne l'est qu'en participant à sa beauté: toutes les autres beautés peuvent augmenter, décroître, changer ou périr, mais celle-là est toujours la même dans tous les tems et dans tous les lieux. C'est en observant les différens degrés de la beauté mortelle, variable et bornée, et en portant nos idées au-delà de tous les objets de cette espèce, que nous parvenons enfin à cette Beauté suprême qui est simple, pure, uniforme, immuable, sans couleur, sans figure ou sans qualités humaines. Anaximandre prétend que cette doctrine est une idée chimérique et une vaine subtilité qui n'a point d'influence sur la vie sociale; mais tous les philosophes et tous les législateurs en ont pensé autrement. Hermès Orphée et Minos ont établi comme principe fondamental, que l'homme, par le seul amour du bien, de la justice et de la perfection, devait préférer l'avantage public à son intérêt particulier. Ce fut à cette loi que Codrus se crut obligé de sacrifier sa couronne et même sa vie ; son but en s'y conformant n'était pas de se rendre lui-même heureux ; il regar

(1) Voyez Plat. p. 211. ed. d'Et.

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