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de nobles résolution équivoque, parti mixte qui, ne satisfaisant personne, acheva d'entraver la marche des uns, et de précipiter celle des autres. Le ministre se flattait toutefois que son impéritie ne serait pas constatée. Il préparait un compte de l'arriéré dans lequel il attribuait à son prédécesseur les causes du déficit, et de plus il avait imaginé un nouveau système de finances pour lequel il comptait sur l'approbation du roi. Mais il éprouva dans le conseil même une forte opposition, et le projet de réunir des notables fut surtout désapprouvé par MM. de Breteuil et de Miromesnil. Cependant M. de Vergennes, qui avait conservé le portefeuille des affaires étrangères, s'étant laissé persuader, Louis XVI adopta, sans autre examen, ce plan qui n'eut pas les suites qu'on s'en promettait. La nation, inquiète et mécontente, jugeait que les réformes ne seraient jamais opérées que par elle-même. C'est ¡ dans les états-généraux qu'elle avait mis son espoir; elle vit avec surprise que les notables fussent seuls appelés, dans une circonstance si grave, à régler les intérêts de toutes les classes. Le contrôleur-général se croyait sûr de l'appui de la reine, parce qu'elle aimait sa conversation et l'agrément de ses manières. Il se flattait aussi d'obtenir de l'ascendant sur les notables intéressés à soutenir la cour. Enfin il avait une si bonne opinion de ses moyens, qu'il espérait persuader le peuple même par la suppression entière ou partielle de quelques impôts onéreux, et par des sacrifices

ses

qu'on exigerait du haut clergé. Il se présenta donc avec une sorte d'assurance dans l'assemblée dont l'ouverture eut lieu le 22 février 1787. Cette illusion se dissipa aussitôt. Ses premières opérations fiscales avaient discrédité plans ses idées ne furent point accueillies; les notables voulurent que tout fût expliqué, ils prétendirent tout voir par eux-mêmes. Réduit à des aveux, le ministre allégua que l'arriéré remontait au temps de l'abbé Terray, qu'à ces 40 millions anciens l'administration de Necker en avait joint 40 autres, et qu'il n'avait pu lui-même éviter que, depuis 1783, le déficit ne s'accrût encore de 35 millions. Necker devait répondre il le fit, et on l'exila; mais il emporta les regrets de la France, et l'estime qu'il obtint s'augmenta de l'idée qu'on se formait des malversations du nouveau contrôleur-général. Il était évident que celui-ci ne pourrait plus même fournir aux prodigalités de Versailles; il vit donc tous les partis se réunir pour l'accuser d'avoir porté le désordre dans l'ancienne comptabilité, afin de mettre ses propres comptes à l'abri. Il était du nombre des hommes qui, dans les affaires, méconnaissent le danger réel, mais souvent tardif, d'une conduite immorale; ainsi il compta pour peu de chose la mauvaise opinion qu'on s'était formée de sa personne, à l'époque même où l'on avait espéré beaucoup de ses moyens. Il lutta, durant quelques jours, et il réussit même à faire écarter Miromesnil, en faveur de Lamoignon, qui, se trouvant en opposition avec les parlemens,

pourrait le soutenir dans le cas où la magistrature se joindrait aux notables. Mais ce fut le dernier avantage qu'il remporta; il ne put éloigner le baron de Breteuil qui avait toute la confiance de la reine. Abandonné de cette princesse, et poursuivi par la haine du peuple, disgracié, dépouillé de la décoration de l'ordre du Saint-Esprit, dénoncé au parlement, et craignant d'être arrêté, il se réfugia en Angleterre, où il reçut, de Catherine II, un témoignage d'estime tout particulier. Il ne parut pas qu'il se fût retiré avec l'espoir ou l'intention de jouir du repos. Le parlement de Douai ayant rendu plainte contre lui, et d'autres cours l'ayant attaqué, il fit parvenir à Versailles un mémoire justificatif, où, présentant ses opérations précédentes, comme très-propres à opérer le rétablissement des finances, il priait le roi de déclarer que tout avait été fait de son consentement, ou par ses ordres. Une autre lettre, en 1789, eut pour objet de prémunir le roi contre le système de Necker, qu'on n'avait pu éviter de remettre à la tète des finances. Quelque temps après, Calonne se rendit en Flandre, pour se faire nommer député aux états-généraux. On ne le nomma pas, et il se mit à écrire contre la révolution. Dès que l'on émigra, il servit la cause des princes; il devint un de leurs agens les plus actifs et les plus dévoués. Il consacra à leur service la fortune considérable que la veuve de M. d'Harvelay vint lui offrir, à Londres, avec sa main. Il parcourut l'Allemagne,

l'Italie, la Russie, et lorsqu'il crut voir les espérances des Bourbons entièrement détruites, par l'inefficace intervention des monarques étrangers, il retourna en Angleterre, où parmi d'autres occupations, il composa quelques ouvrages politiques. Négligé du parti pour lequel il avait fait tant de démarches, et frappé, dit-on, de l'ingratitude des cours, il demanda, en 1802, au premier consul, la permission de rentrer en France. Il l'obtint; mais il jouit peu du bonheur de se retrouver dans sa patrie; il mourut en octobre, un mois après son arrivée. Sa femme végéta quelques années à Paris, dans un état voisin de l'indigence. Il avait eu, dans les derniers temps qui précédèrent les journées de 1789, une influence assez grande, pour qu'on lise volontiers ici son portrait, esquissé par l'auteur du Tableau de la révolution française. « Bienfaiteur et victime du » luxe de la cour, poursuivi par la » vertu de Turgot, par l'inflexible » sagesse de Necker; trompant tout » le monde, trompé par lui-mê»me, ajoutant toutes les illusions » du crédit à tous les hasards de la

»fortune, spéculateur de la fa>> veur, aventurier du ministère, >> audacieux, léger, fantasque, dis»sipateur, homme de cour dans »le cabinet, homme de plaisirs à » la cour, homme d'état dans un >> cercle, enjoué dans les affaires sérieuses, sans systèmes, sans » passions, sans principes, trai» tant l'état comme il avait fait son »patrimoine, abandonné aux suc»cès de l'esprit et à l'empire des » femmes : tel était l'homme sur »lequel reposaient la sécurité du

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roi et le salut de l'état. » Ce ministre a publié sur les finances et sur diverses questions politiques, plusieurs écrits où l'on trouve des documens utiles. Son style, généralement analogue à ce qu'on a vu de son caractère, est facile et quelquefois diffus; il est négligé, mais plein d'élégance. Il a publié successivement: Correspon

dance de Necker et de Calonne, 1787, in-4°; 2° Requête au roi, in-8°, Londres, 1787; 3° Réponse de Calonne à l'écrit de Necker, in-4°, Londres, 1788; 4° Lettre de Calonne au roi, 9 février 1789; 5 Seconde lettre de Calonne au roi, 5 avril 1789; 6° Note sur le mémoire, remis par Necker, au comité des subsistances, Londres, 1789; 7° De l'état de la France, présent et à venir, in-8°, 1790; 8° De l'état de la France, tel qu'il peut et qu'il doit être, Londres, 1790; 9° Observations sur les finances, in-4°, Londres, 1790; 10° Lettres d'un publiciste de France à un publiciste d'Allemagne, 1791; 11° Esquisse de l'état de la France, in-8°, 1791; 12° Tableau de l'Europe, en norembre 1795, etc., in-8°, Londres. (On prétend que l'auteur fut mal avec les princes, à cause de cet ouvrage, auquel répondit le conseiller-d'état, de Montyon.) 15 Des finances publiques de la France, in-8°, 1797; 14° Lettre à l'auteur des considérations sur les affaires publiques, in-8°, 1798. On attribue à Calonne un Traité sur la police, pour l'Angleterre; une Réponse à Montyon; enfin des Remarques sur l'histoire de la révolution de Russie, par Rulhières. On croit aussi qu'il a laissé,

particulièrement sur des objets d'art, différens manuscrits dont sa mort a empêché l'impression..

CALUSO (THOMAS VALPERGA DE CONTI DI MASINO), savant distingué et littérateur célèbre, né à Turin en 1735. Au sortir de l'enfance, il fut page du grand-maître de Malte, et après avoir achevé ses études à Rome au collége du Nazareno, il prit du service dans la marine de l'Ordre. Son goût pour les sciences lui ayant fait abandonner cette carrière à l'âge de 24 ans, il se rendit à Naples, où il remplit les fonctions du sacerdoce. De retour dans sa ville natale, il y fut membre du graudconseil de l'université, directeur de l'observatoire astronomique, enfin professeur de langue grecque et de langues orientales. Privé de cette place en 1814, il est mort le 1 avril 1815. Correspondant de l'institut de France, et membre de la société italienne, ainsi que de l'académie de Turin, il possédait les mathématiques dans leurs rapports avec l'astronomie ou la navigation, et avec la supputation des temps. Il porta beaucoup de lumière dans les difficultés de la philosophie des Grecs et des Latins. Il écrivit en hébreu et en égyptien les langues modernes ne lui étaient pas moins familières, et il appréciait les beautés les plus délicates des littératures française, espagnole et anglaise. Cette vaste érudition n'était pas le principal mérite de l'abbé Caluso; il pratiquait toutes les vertus de la vie privée. Il n'a pas fait un grand nombre de livres, et on n'aurait qu'une faible idée de son savoir, si l'on en ju

geait par les seuls fruits qui nous restent de ses travaux assidus. Il a laissé néanmoins, sur la poésie italienne, trois traités qui sont des modèles de critique. On a aussi de lui plusieurs pièces de vers en latin et en italien. Mais son plus important ouvrage est celui qu'il écrivit en français sur la philosophie; on y trouve une métaphysique pleine de justesse et même d'intérêt. Le premier homme célèbre qui lui rendit justice fut Alfieri; il se lia étroitement avec Caluso, qu'il se plaisait à appeler le nouveau Montaigne.

CALVET (JEAN-JACQUES). Quand la révolution commença, il était garde-du-corps. Député à l'assemblée législative, il fut sincèrement attaché à la constitution de 1791; cependant il poussa un peu loin l'indulgence pour ceux qui sc rendaient au-delà du Rhin. Au mois d'avril 1792, il s'éleva contre le crédit de six millions demandés par Dumouriez, alors ministre des affaires étrangères, pour ses dépenses secrètes. Le 29 mai suivant, il fut envoyé à la prison de l'Abbaye comme coupable d'invectives envers les députés qui avaient parlé de complots formés par la nouvelle garde du roi. Plus tard il s'efforça vainement d'empêcher les insurgés des faubourgs de défiler, le 20 juin, devant l'assemblée. Le 8 août il fallit être assassiné à l'issue de la séance, pour avoir mis obstacle au décret d'accusation proposé contre le général La Fayette. Après la journée du 10, il quitta l'assemblée. Il y avait fait partie des comités militaire et de surveillance, ce qui l'avait souvent

conduit à la tribune. Calvet dut son salut à l'obscurité dans laquelle il vécut depuis ce moment. Il ne reparut sur la scène politique qu'en 1813, lorsque le département de l'Arriége le choisit pour député au corps-législatif. Nommé de nouveau les années suivantes par le même département, il continua à siéger dans la chambre des députés jusqu'à sa mort, arrivée en 1820. On l'a vu assez constamment voter avec le ministère; cependant, en 1819, il s'est rangé parmi les défenseurs da la liberté de la presse et de la liberté individuelle.

CALVET, médecin à Avignon, antiquaire et numismate, a institué la ville d'Avignon son héritière universelle, et lui a légué la belle collection de médailles et d'antiques qu'une longue vie et un grand amour de la science lui avaient procuré les moyens de rassembler. Le testament de M. Calvet est singulier par les détails qu'il renferme sur le mode antique, selon lequel il prescrit à ses exécuteurs testamentaires de faire procéder à son inhumation. On voit avec plaisir et intérêt à Avignon, le musée Calvet, à l'entretien et à l'administration duquel il est pourvu au moyen des dotations établies par feu Calvet, décédé dans cette ville en 1806. La ville d'Avignon a soutenu un procès long et dispendieux contre un acquéreur d'un des biens donnés à la ville par Calvet. Ces mémoires ont été imprimés, soit à Avignon, soit à Nîmes, et renferment des particularités intéressantes sur le caractère du testateur.

CALZADA (SÉBASTIEN DE LA ).

II commandait une division de l'armée d'Espagne dans la province de Caraccas, et conjointement avec le général Cevallos, il assiégeait Valencia en 1814; mais ils se retirèrent tous deux dès qu'ils apprirent la victoire remportée à Bocachica, par Marino et Montillo sur Boves et Rosette. La même année, après l'affaire du 16 avril, où Marino fut battu, Calzada reprit l'offensive, et il réunit ses forces à celles du général en chef Cagigal. Cependant l'armée royaliste fut vaincue à Carabolo; mais Calzada fit sa retraite en bon ordre, et il marcha bientôt contre les insurgés, surlesquels ils remporta des avantages qui contribuèrent à la résolution que prit Marino de se renfermer dans Cumana. Calzada servait constamment la cause des royalistes, et lorsque Carthagène fut tombée entre leurs mains, il eut aussi un succès trèshonorable; il réduisit les provinces de Tunja et de Pamplona. Mais une querelle avec Morillo, en 1817, le décida tout à coup à passer du côté des indépendans avec 800 Créoles réunis sous son commandement. Était-ce là le seul motif de sa désertion?

CAMBACÉRÈS (JEAN-JACQUESREGIS), ex-duc de Parme,ex-prince et archi-chancelier de l'empire français, grand-cordon de la legion d'honneur et de presque tous les ordres de l'Europe, issu d'une ancienne famille de robe, est né à Montpellier le 18 octobre 1753. Destiné à entrer dans l'un des parlemens du royaume, les événemens de 1771 et des intérêts de famille déconcertèrent ce projet. Le jeune Cambacérès re

fusa des places dans les nouveaux tribunaux; il montra dans cette occasion assez de résistance pour que ses parens en fussent alarmés. Jusqu'au rétablissement de la magistrature, il s'occupa de l'étude des lois, y fit des progrès rapides, et acquit des connaissances qui lui méritèrent une considération précoce. En 1771, il fut reçu conseiller en la cour des comptes, aides et finances de Montpellier, sur la démission de son père, qui était en même temps maire de la ville. Les succès qu'il obtint dans sa compagnie achevèrent de lui concilier l'estime publique. Il avait embrassé les principes parlementaires, lorsque les parlemens étaient les seuls défenseurs des droits communs; dès que la révolution s'arma pour rétablir ces droits, il adopta les principes de la révolution. Sa conduite dans ces commencemens orageux le fit choisir par l'ordre de la noblesse pour rédiger les cahiers et pour remplir la seconde députation aux états - généraux que la sénéchaussée de Montpellier croyait avoir le droit d'envoyer d'après l'état de sa population et les exemples du passé. Cette députation n'ayant point été admise, Cambacérès exerça quelques fonctions administratives, et fut nommé, en 1791, président du tribunal criminel. Il mit en activité l'institution du jury dans le département de l'Hérault, remplit ses fonctions avec une telle exactitude, qu'aucun de ses jugemens ne fut cassé, et avec une telle impartialité, que malgré la défaveur attachée aux classes privilégiées, il fut nommé député à

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