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le procès de la reine Marie-Antoinette; mais la postérité rendra justice à son courage. On n'oubliera pas non plus cette sorte de legs que lui fit celle qui avait cru servir son pays en terminant les jours de Marat. «Pour preuve de >> mon estime, lui écrivait-elle, je » vous laisse le soin d'acquitter »mes dettes.» Après la décision du jury à l'égard de Marie-Antoinette, M. Chauveau-Lagarde observa que cette déclaration é tant précise et la loi formelle, son ministère finissait. Quelques jours plus tard, il fut arrêté avec Tronçon-Ducoudray; mais après avoir subi un interrogatoire, ils recouvrèrent la liberté. Dans un temps plus paisible, il est vrai, M. Chauveau-Lagarde montra encore beaucoup de fermeté; c'était en 1797, dans l'affaire de Brottier et de La Villeheurnois, accusés de conspiration en faveur du frère de Louis XVI. Ils furent traités avec une indulgence à laquelle le talent de leur défenseur put contribuer à quelques égards. Il ne paraissait pas aimé de Bonaparte, dont pourtant il avait recherché la bienveillance; mais enfin on rendit justice à son mérité, et il entra au conseil-d'état, le 8 juillet 1806. En 1814, il porta la parole au nom de ce corps, à Louis XVIII, qui faisait son entrée à Paris. Il obtint la même année des lettres de noblesse. La défense du général Bonnaire a fait beaucoup d'honneur à M. Chauveau - Lagarde. Il ne s'est pas borné à établir dans son plaidoyer l'innocence de ce cominandant de la place de Condé, qui fut condamné à la déportation

en 1816, il l'a prouvée dans un précis historique de la vie de ce général. Dans cette même année 1816, il a fait aussi paraître une notice historique sur les procès de la reine et de Madame

Élisabeth.

CHAUVEL (PIERRE - ALEXANDRE-FRANÇOIS), né à Honfleur, département du Calvados, le 23 décembre 1766. Entré au service dès le 14 juillet 1781, il n'était, quand la révolution commença, que sergent-major des grenadiers. Le 19 avril 1792, il obtint le grade de sous-lieutenant, et fit en cette qualité les campagnes de 1792 et de 1793 aux armées du Nord et du Centre. Le 27 pluviôse an 2, il fut nommé lieutenant, et dès le lendemain capitaine. Blessé d'un coup de feu, le 8 messidor, à la bataille de Fleurus, il fut fait chef de bataillon le 28 du même mois. Envoyé à l'armée d'Allemagne, en l'an 4, il se distingua au passage du Rhin, le 14 messidor. Trois ans plus tard il cominandait, à l'armée Gallo-Batave, un bataillon du 49 de ligne, avec lequel, dans la journée de Berghen, après avoir fait prisonnier le général en chef Herman, ainsi que son état-major, il s'empara de 5 drapeaux russes, et de 4 pièces de canon. Il ne se distingua pas moins aux batailles de Castricum et de Nuremberg, et dans cette dernière occasion, fut l'objet des éloges particuliers d'Augereau et d'Andreossy. Nommé major du 64" régiment d'infanterie de ligue, le 30 frimaire an 12, il fit la campagne de 1805 en Autriche, et son courage mérita d'être cité même à Austerlitz

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Nommé colonel et officier de la légion-d'honneur, il fut envoyé à l'armée d'Espagne en 1808; se fit remarquer au passage du Tage, à la prise de Talaveira, à la bataille d'Ocana, et enfin aú combat meurtrier de Buen-Venida. Nommé général de brigade le 10 mars 1809, il fit les campagnes de Russie, de Saxe et de France; et sous le gouvernement royal, reçut la décoration de l'ordre de Saint-Louis, et le commandement du département de la Haute-Vienne.

CHAUVELIN (FRANÇOIS), membre de la chambre des députés, est fils du marquis de Chauvelin, lieutenant-général, ministre à Gènes, à Parme, ambassadeur à Turin, maître de la garderobe du roi, et qui fut l'un des hommes les plus spirituels et les plus généralement aimés de son temps. Son fils a accepté toute la succession. Cette famille, l'une des plus distinguées de la magistrature, a compté, sous l'avantdernier règne, un garde-dessceaux, des conseillers-d'état, des intendans renommés par leurs talens et leurs lumières; et cet abbé de Chauvelin, oncle du député, conseiller-clerc au parlement de Paris, à qui son zèle et son courageux patriotisme ont valu des lettres de cachet, et des années d'emprisonnement arbitraire. Le nom de cet abbé, dans l'histoire de cette époque, est inséparable de celui des jésuites, à l'expulsion desquels il prit plus de part qu'au cune autre personné en France. C'est un beau titre de famille à l'estime et à la reconnaissance publiques. M. de Chauvelin, élevé à

l'École militaire de Paris, était depuis très-peu d'années au service en 1789. Il occupait aussi à la cour la charge de maître de la garderobe qu'avait possédée son père. Au milieu de toutes les séductions de la première jeunesse, et d'une situation alors fort brillante, M. de Chauvelin fut vivement frappé du développement de toutes les idées de bien public et de liberté, qui préparèrent les événemens de cette époque et la convocation des états-généraux. Trop jeune pour en faire partie, il en suivit toutes les discussions avec un intérêt qui lui fit adopter un genre de vie sédentaire et des études sérieuses. Il fut nommé aide-de-camp de M. de Rochambeau, depuis maréchal de France, au moment où ce général fut envoyé, en 1791, à la frontière du Nord, pour y remplir les cadres dégarnis par l'émigration, et former une armée de défense: ce général honora son jeune aide-de-camp d'une confiance toute particulière. Nominé, au mois de février 1792, ministre plénipotentiaire à Londres, M. de Chauvelin se rendit à ce poste, après avoir remis au roi la charge dont il était revêtu près de sa personne. Parmi plusieurs agens que le ministère de France avait voulu accréditer en même temps que lui, M. de Chauvelin fut le seul reconnu ; et dans les rapports qu'il entretint seul avec le ministre anglais, il eut souvent l'occasion de développer un zèle éclairé, prudent, ferme, et favorable aux intérêts de son pays. Lié intimement avec les membres les plus distingués de la brillante opposi

tion de cette époque, il n'en garda pas moins, dans une position trèsdélicate et fort épineuse pour un homme d'une extrême jeunesse, toute la mesure conciliable avec ses devoirs, sans laisser jamais porter au caractère dont il était revêtu, aucune des atteintes auxquelles l'exposaient les violentes préventions des plus éminens personnages du pays. L'état de guerre où il se trouva à Londres, lui donna, dès lors, cette habitude des périls politiques qui l'ont rendu si recommandable à une époque bien récente. Revenu d'Angleterre, et douloureusement affligé des événemens, dont la violence avait enfin amené entre les deux pays une rupture que tous ses efforts avaient retardée depuis plusieurs mois, d'après le témoignage qui lui en a été plusieurs fois rendu dans les chambres du parlement, M. de Chauvelin recut, dès son arrivée à Paris, une nouvelle mission diplomatique pour Florence. Quand il obtint ce poste, les agens français y étaient exposés aux plus vives attaques; MM. de Sémonville et Maret venaient d'y succomber. Lord Hervey déclara au grand-duc de Toscane que si M. de Chauvelin ne repartait dans les vingt-quatre heures, il bombarderait Livourne; M. Chauveliu partit. Revenu en France, au mépris de tous les dangers de cette affreuse époque, il y. fut aussitôt incarcéré, subit onze mois de prison, et menacé sans cesse de l'échafaud, ne dut son salut qu'à la journée du 9 thermidor. Retiré depuis à la campagne, il y demeura pendant toute la durée du gouvernement direc

torial. Nommé par le sénat membre du tribunat, il y signala son indépendance et son dévouement à la cause qu'il avait embrassée en 1789, par une résistance ferme et raisonnée aux entreprises du gouvernement consulaire. Ses opinions contre l'établissement de la légion-d'honneur, qu'il qualifia d'ordre de chevalerie, et ses observations sur le budjet de l'an 11, le firent aussitôt désigner comme devant sortir du tribunat dans l'année suivante; il en fut dédommagé à l'instant par le choix libre des électeurs de l'arrondissement de Beaune, qui le nominèrent leur candidat pour le corps-législatif. Le chef du gouvernement, attentif à cet avis de l'opinion, nomma M. de Chauvelin préfet de la Lys, département belge, occupé alors par l'armée de l'expédition d'Angleterre que commandait le maréchal Davoust. C'est dans ce poste que M. de Chauvelin, se livrant avec l'application la plus suivie aux devoirs et aux travaux de l'administration, acquit, pendant huit années d'exercice, cette expérience des affaires et cette connaissance des hommes, dont il a depuis fait l'application sur un plus grand théâtre. Sa volonté, à la fois ferme et juste, triompha de beaucoup d'obstacles; et toutefois son autorité ne cessa jamais d'être populaire : aussi les résultats de ses travaux, les établissemens en tout genre qu'il forma et qui subsistent, ont laissé des traces et des souvenirs honorables de son administration. L'expédition anglaise sur Flessingue fut une nouvelle occasion pour M. de Chauvelin de développer

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cette rare activité qu'il a reçue de la nature. La plus généreuse énergie contre cette oppression étrangère signala son dévouement à la patrie. Une telle conduite ne pouvait échapper à Napoléon, qui appela M. de Chauvelin au conseild'état. Pendant deux années de présence à ce conseil, il eut l'occasion de faire valoir les connaissances et les principes qu'il avait recueillis pendant sa vie administrative; et c'est à lui que l'on dut, en sa qualité de rapporteur, le décret du 16 décembre 1811, sur l'organisation des ponts et chaussées; décret qui, depuis cette époque, a continué de régler les rapports et la marche de cette grande administration. En 1812, M. de Chauvelin fut envoyé en Catalogne avec le titre de conseiller-:l'état, intendant de deux départemens à former. Sa répugnance pour une pareille mission honora M. de Chauvelin et trahit son opinion sur l'occupation de l'Espagne; mais son caractère de vint bientôt la garantie des habitans, à qui il fit aimer et estimer l'adıninistration française, dont il devint le chef civil en qualité d'intendant-général de la Catalogne. Les événemens de 1814 mirent une lacune involontaire dans les services de M. de Chauvelin, mais ses concitoyens ne les avaient pas oubliés, et la première élection, faite en vertu de la loi du 5 février, l'appela à l'honorable mission de représenter le département de la Côte-d'Or, à la chambre des députés. Ici commencent, pour M. de Chauvelin, une carrière et une renommée, qui ont été inséparables depuis cinq années, et

cette faveur toute nationale, bénéfice inappréciable et propriété exclusive des gouvernemens représentatifs. Les éphémérides de la chambre pourraient seules rappeler ces improvisations brillantes, ces à-propos spirituels à la fois et énergiques, qui n'ont cessé depuis quatre sessions, souvent orageuses, de signaler ce que nous pourrons appeler les repos de l'orateur éloquent dont nous indiquons les travaux. Tous les succès de la présence d'esprit, vives apostrophes, reparties imprévues, saillies piquantes, attaques ingénieuses et souvent plaisantes, succèdent ou préludent aux opinions écrites qui ont classé M. de Chauvelin parmi les premiers orateurs de la chambre. Quand il parle de sa place, c'est Beaumarchais; à la tri- . bane, c'est Barnave ou Chapelier. Il y a peu de repos pour l'ennemi, quand M. de Chauvelin est en campagne; son attaque est toujours rapide en même temps que son ordre est profond. Il a le grand talent de bien connaître son terrain et de diriger ses forces à volonté, ou par masses, ou par fractions; et si la fortune de la guerre parlementaire lui prescrit la retraite, cette retraite a toujours l'air d'une attaque. Les opinions les plus remarquables de M. de Chauvelin, soat, dans la session de 1817, celle sur la liberté de la presse; dans la session de 1818, celles 1° sur le projet de loi relatif au recrutement de l'armée; 2 sur le projet de loi de finances (Cette opinion bien remarquable ne fut pas prononcée, en raison de la clôture de la discussion; mais elle fut imprimée, distribuée aux

deux chambres, vendue et épui sée bientôt dans Paris : elle fut aussi traduite en anglais; la sensation qu'elle produisit fut géné rale cette opinion parut fondamentale, et elle passa pour avoir singulièrement influé sur les améliorations qui ont pu être remarquées depuis dans la marche de nos finances.) 3° Sur la proposition de M. de Serre, relative au règlement de la chambre. Dans la session de 1819, 1° une opinion sur les salpêtres; une autre sur les poudres, non imprimées, mais rapportées au Moniteur. 2° Sur la proposition si remarquable de M. du Meylet (de l'Eure) pour les pétitions cette opinion ne fut point imprimée, mais elle fut écrite et rapportée au Moniteur. Elle peut être intéressante à consulter pour l'attaque qui y est portée au conseil d'état, comme institution. 3° Sur le projet de loi relatif au règlement des budjets des quatre années précédentes. Cette opinion ouvrit la discussion de ces comptes, en portant la première attaque à toutes les opérations du ministre Corvetto, dans les emprunts et dans les jeux de bourse. 4° Dans l'orageuse discussion que provoqua la loi de la presse proposée par M. de Serre, M. de Chauvelin fut toujours sur la brèche, et arracha quelques amendemens utiles. 5° Sur l'art. 21 du projet de loi des comptes, relatif à la cour des comptes. Cette opinion fut imprimée. 6° Sur les donataires des 4, 5, 6 classes. Ce fut dans la discussion relative à cette opinion, que le ministère, pour se soustraire aux interpellations vives dont il fut

l'objet, fit prendre le change par une attaque épisodique qu'il improvisa tout à coup contre le secret si fameux depuis, que M. Bignon avait annoncé à l'occasion du rappel des proscrits. Enfin, dans la session de 1820, où le vote de M. de Chauvelin fit à lui seul accorder la priorité à l'amendement de M. Camille-Jordan, sur la loi nou❤ velle des élections, cet orateur fut remarqué par deux opinions, où il a donné de nouvelles preuves d'un patriotisme éclairé, et d'un talent qui fit face à toutes les questions: dans l'une, il parla contre le projet de loi relatif à la publication des journaux et écrits périodiques; dans l'autre, relative au projet de loi sur le règlement définitif des comptes antérieurs à 1819, il proposa un amendement dont l'objet est l'établissement de la spécialité dans le vote des dépenses du budjet. Il est inutile de retracer ici la partie dramatique de cette session mémorable, qui vit naître et finir des troubles que l'histoire contemporaine aurait peine à qualifier. Les efforts extraordinaires et les travaux auxquels se livra l'orateur pour remplir dignement et à toute occurrence, son mandat de député, et son devoir de citoyen, portèrent à sa santé une atteinte que l'estime et la reconnaissance publiques signalèrent hautement à l'inquiétude de la nation. Cet intérêt passionné et bien légitime entouraît, au milieu des orages bizarrres dont la place Louis XV était devenue le théâtre, la chaise qui transportait l'orateur malade à l'assemblée

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