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fusiller. Charette fut bon partisan et mauvais général. Incapable de conduire une grande armée, il ne montrait cependant quelques talens que lorsqu'il était indépendant et seul. Plein d'une sombre méfiance, il cachait ses incertitudes sous les apparences de la réserve, vivant au jour le jour, se livrant au hasard des circonstances, et ne sachant pas en profiter. Il avait acquis sur ses troupes cette espèce d'ascendant que donne une valeur brillante, qui semblait venir chez lui plutôt de l'insouciance de la vie que de l'accomplissement d'un devoir, plutôt d'un fatalisme aveugle que d'une résignation réfléchie. Inaltérable dans le danger et dans les revers quand tout semblait perdu, il relevait par sa constance et sa sérénité les courages les plus abattus, ne lâchant jamais pied que le dernier, et à la dernière extrémité. Son cœur était dur jusqu'à la cruauté. Tous les prisonniers qui tombaient entre ses mains, il les faisait fusiller. Charette périt du supplice qu'il avait fait subir à Joly et à Bernard de Marigny.

un empressement qu'excitaient à la fois la curiosité, la haine et la compassion. Charette, un mouchoir blanc négligemment attaché sous son chapeau, à la manière des créoles, marchait d'un pas ferme, portait ses regards de tous les côtés sans insolence et sans bassesse. Il était vêtu d'un habitveste, et d'un pantalon gris; un galon d'or étroit et dentelé ornait le collet de son habit; il a vait à la tête les marques récentes d'un coup de feu; son épaule droite était encore couverte de sang; un coup de sabre lui avait coupé trois doigts de la main gauche, et il portait de ce côté le bras en écharpe. Sa contenance était assurée et le plus grand calme régnait dans tous les traits de cet homme, dont l'âme et le corps semblaient devoir être en proie aux plus vives souffrances. Traduit à un conseil de guerre, désavoua point qu'il avait commandé et combattu pour la monarchie; mais il s'excusa d'avoir repris les armes après avoir signé la paix, en disant qu'averti que le député Gaudin voulait le faire arrêter contre la foi des traités, il avait été contraint de recourir à la force pour se soustraire à cette violence. Il répondit à toutes les questions avec sang-froid, sans aigreur, et fit, à plusieurs reprises, l'éloge des bons procédés et de la générosité du général Travot. Il entendit son arrêt sans émotion et comme un homme qui y était préparé. Il fut conduit, le 29 mars 1796, à 4 heures du soir, au lieu de son supplice, et donna lui-même le signal aux soldats chargés de le

il ne

CHARITTE (N., COMTE DE), né dans le Béarn, le 1er novembre 1733. Sa famille avait été aimée d'Henri IV. Entré dans la marine dès l'âge de 13 ans, il s'y distingua, et sous le comte de Grasse, il fit, en qualité de capitaine de haut-bord, la guerre de l'indépendance en Amérique. Son habileté et son intrépidité sauvèrent le vaisseau la Bourgogne, dans le combat où l'amiral français fut battu par Rodney. Les états de la province de ce nom lui

firent présent d'une riche épée; à l'occasion de sa belle conduite dans cette affaire, qui lui valut le grade de chef d'escadre. Chargé plus tard de la direction générale duport de Rochefort, il fit remarquer ses talens en administration, comme sur mer il avait fait admirer son courage. Ayant cessé de servir durant la révolution, il se retira dans la Touraine, où il possédait une terre, et y vécut paisiblement. En 1814, le roi lui conféra le grade de vice-amiral et lui accorda la grand'croix de l'ordre de Saint-Louis. Il mourut quelques jours après la seconde abdication de Napoléon.

CHARLEMAGNE (ARMAND), homme de lettres, né au Bourget près de Paris, auteur fécond et spirituel. M. Charlemagne a écrit dans plusieurs genres, et particulièrement pour le théâtre. Ses premières productions datent de 1790. Dans le nombre des comédies qu'il a fait paraître, on remarque les suivantes: L'Insouciant; De Crac à Paris; les Ecoliers; la Fille à marier; l'Homme de lettres et l'Homme d'affaires; le Souper des jacobins; les Voyageurs; les Descendans du Menteur; la Journée des dupes ou l'Envie de parvenir. Le style de ces différentes pièces est correct; elles ont eu dans leur nouveauté la vogue de l'à-propos et des circonstances; la Journée des dupes, en 5 actes et en vers, fut imprimée en 1816. M. Charlemagne a également publié : l'Enfant du hasard et du crime ou les Erreurs de l'opinion; Mémorial historique d'un homme retiré du monde, rédigé sur ses manus

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crits, roman en 4 vol. in-12; les trois B, ou Aventures d'un boiteux, d'un borgne et d'un bossu, autre roman en 4 volumes; le Bal du diable, conte; les Paroles et la Musique, vaudeville, etc. M. Charlemagne est membre de la société d'agriculture du département de la Seine. Il est auteur d'un Plan d'impositions pour les habitans des campagnes et villes taillables, 1790, in-8°; et d'une Instruction sur l'usage des moulins à bras, etc.

CHARLES XIII, roi de Suède, second fils d'Adolphe Frédéric, et neveu par sa mère de Frédéricle-Grand, est né le 7 octobre 1758. C'est un des rois dont il est le plus facile de parler; il y a du courage, du patriotisme et de la noblesse dans sa vie. Grand-amiral lorsqu'il n'était encore que prince de Sudermanie, il étudia la construction des vaisseaux, la théorie et la pratique de la marine, voyagea en Europe, reçut, des mains de son oncle Frédéric, l'Aigle-Noire, aida puissamment son frère à saisir le sceptre à la mort d'Adolphe-Frédéric, et fut nommé par lui grand-gouverneur de Stockholm. Bientôt il battit les Russes dans le golfe de Finlande, ramena sa flotte entière et triomphante, malgré la rigueur de la saison, et fut à la fois récompensé par la gloire, par les dans considérables que lui firent les états, et par la faveur que Gustave III lui prodiguait. Le roi mourut assassiné; le duc de Sudermanic fut aussitôt nommé régent; il ne suivit point les vues de Gustave qui se disposait à marcher contre la France républicaine,

quand il tomba sous la main d'Ankarlstroem. Le duc de Sudermanie donna au gouvernement une impulsion pacifique, et vit l'industrie, le commerce, les arts, fleurir sous son administration. Un musée, une école militaire, de nombreux magasins, furent créés; les ports se remplissaient de navires marchands nationaux et étrangers. A la majorité de Gustave IV, le régent se retira dans un de ses châteaux, d'où l'arracha bientôt la révolution qui renversa le nouveau roi. On le nomma d'abord administrateur - général du royaume; peu de mois après, il fut proclamé roi de Suède, sous le nom de Charles XIII, et sacré, en 1809, à Stockholm. La paix avec Napoléon suivit son avénement au trône; et bientôt les états songèrent à lui choisir un successeur. On venait de perdre le prince royal Charles d'Augustenberg; et le trône demeurait vacant après la mort de Charles XIII. Le choix des états et du monarque tomba sur un général français (voyez BERNADOTTE). On ne sait ce que veulent dire certains biographes, en parlant de l'illuminisme du roi de Suède. L'humanité d'un souverain serait-elle un délire, et l'amour pour le peuple une folie? Sans doute le souvenir de ces paroles, qu'il adressait au prince royal, Oscar, en 1815, ont dû étonner certains hommes habitués aux conversations de cour: « N'ou»>blie jamais, mon fils, que le >> bonheur des peuples est le » soutien le plus assuré des rois! » Respecte la dignité des hommes, » dans quelque rang que tu les

T. IV.

» trouves, etc... » Puissent Dicu et la raison illuminer de même tous ceux qui commandent aux peuples! Charles XIII mourut comme un sage, le 5 février 1818. Sa mémoire est restée en vénération parmi ses sujets, et la reconnaissance de son successeur a consacré son nom dans la postérité.

CHARLES XIV, voyez BER

NADOTTE.

CHARLES-AUGUSTE (PRINCEROYAL DE SUEDE), était de la maison de Holstein-SoenderbourgAugustenberg, famille collatérale de celle qui règne en Danemarck aujourd'hui. Il vit le trône qui lui était promis, et ne put y monter. Né en 1764, il fut désigné, après quelques campagnes en Allemagne et en Norwège, où il montra du talent et de la bravoure, pour successeur au trône de Charles XIII ( voyez CHARLES XIII). L'adoption du prince-royal ratifiée par les états, et sanctionnée par l'adhésion des représentans de la nation, remplissait à la fois les vues du roi, des grands et du peuple, qui aimaient le courage et estimaient les qualités de Charles-Auguste. Mais peu de temps après cette adoption, sa santé s'altéra; des doutes sur la nature de son mal se répandirent dans le public. Comme pour mettre fin aux discours qui faisaient naître ces soupçons, la mort vint le saisir d'une manière accidentelle et inattendue. Il tomba de cheval, et mourut à l'instant, le 18 mars 1810. Telle est l'absurdité des opinions du vulgaire, que la foule, témoin d'un accident si évidemment l'effet du ha

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sard, s'en prit de la mort de son idole à quelques nobles, qu'elle lapida. La comtesse Piper, longtemps en danger, fut obligée de s'enfermer dans un château-fort; son frère expira sous le bâton et les pierres d'une populace stupide, qui aurait dû se contenter du moins d'assommer le cheval du malheureux prince.

CHARLES-EMMANUEL IV, fils aîné de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne, est né le 24 mai 1751. Sa jeunesse fut confiée au savant et pieux cardinal Gerdil, qui ne s'est pas assez souvenu du mot de Laurent de Médicis Les peuples ne se gouvernent point avec des patenôtres (ipopoli non si governano co' patenottri). La religion exerça son influence sur la vie entière de Charles-Emmanuel, et ne le protégea pas contre les infortunes temporelles et les orages de la politique: malgré son amour pour la paix, et son désir de garder la neutralité dans les troubles de l'Europe, le mariage de ses deux sœurs avec le comte de Provence (S. M. Louis XVIII), et MONSIEUR (Comte d'Artois), et son propre mariage avec la sœur de Louis XVI, en l'unissant plus étroitement à la maison de Bourbon, l'associèrent aux désastres de cette auguste famille. Il n'était encore que prince-royal, quand son père, ayant donné aux princes français un asile dans son palais, se vit attaqué par la France, en 1792, perdit une grande partie de ses états, et fit la paix avec le général Bonaparte, après la bataille de Mondovi et la retraite des Autrichiens. Charles-Emmanuel IV, sur le trô

ne, après le second traité de paix (octobre 1796), était destiné à des épreuves plus pénibles encore; son règne fut court, passif, faible, incertain et malheureux. Quelques démarches furent faites par son gouvernement pour se concilier le directoire; des persécutions dont la violence était du moins intempestive, furent dirigées contre l'esprit de liberté qui se répandait en Piémont; le roi s'engageait en même temps à fournir au moins 10,000 hommes à la France, et à laisser à ses armées le passage libre à travers le Piémont: cet esprit de vertige annonçait un état désespéré. La révolte était partout, et quand Charles-Emmanuel prit les armes, la France les lui fit tomber des mains. Sa citadelle reçut garnison française en 1798; l'année suivante il se réfugia en Sardaigne, désavoua les démarches qu'on lui avait fait faire contre son propre intérêt, apprit bientôt la mort de la reine sa femme, et abdiqua, en 1802, une couronne dont il n'avait senti que le poids. Bien que la situation de ses états, et le malheur des temps, rendissent la position d'un roi de Sardaigne extrêmement difficile, il n'est point de poste où le courage, la force d'âme et la prévision d'un coup d'œil habile ne trouvent quelques moyens de salut. Mais malheureusement Charles-Emmanuel ne possédait aucune de ces qualités. Ce prince est mort à Rome le 6 octobre 1819.

CHARLES-LOUIS DE LORRAINE (ARCHIDUC D'AUTRICHE), est né le 15 septembre 1771. Quoique la fortune des armes françai

ses l'ait plus d'une fois accablé dans les campagnes où il a joué un rôle si important, l'Autriche n'a pas eu dans ces derniers temps de meilleur général. Il commença par servir sous Cobourg, en 1793; fut nommé gouverneur et capitaine-général des Pays-Bas, grand'croix de l'ordre de MarieThérèse, feld-maréchal, lieute nant-d'empire, et prit, après la mort de Clerfayt, le commandement de l'armée autrichienne sur le Rhin. Battu près de Radstadt, par Moreau, il sut opérer une jonction importante et habile; força Jourdan, qui venait de battre Wartensleben, de repasser le Rhin, et Moreau de faire cette belle retraite, si admirée de l'Europe: ainsi Vienne se trouva mise à couvert, et tout le résultat de cette campagne fut à l'avantage de l'archiduc. Cependant l'Autriche en retira peu de fruit; au lieu de pouvoir se porter sur l'Italie, l'archiduc fut obligé de demeurer en Allemagne, prit Kehl et Huningue, déploya devant ces deux villes un grand savoir militaire; et quand il reçut l'ordre d'aller combattre le général Bonaparte en Italie, il trouva des affaires désespérées, un capitaine invincible, une armée victorieuse qui venait de détruire quatre armées autrichiennes, et des adversaires tels que Masséna et Bernadotte battu au Tagliamento, il signa les préliminaires de la paix à Léoben. C'est là que Bonaparte laissa échapper ce mot si flatteur pour le prince Charles: L'Autriche m'a envoyé quatre armées de suite sans généraux, aujourd'hui elle m'envoie un ge

néral sans armée. Votre cabinet de Vienne est bien inepte. Cette phrase, qui s'adressait au général autrichien Merfeldt, était bien dure pour Wurmser, Beaulieu, Devins et Alvinsy; mais rendait une complète justice aux talens du prince Charles. En effet, c'est, après Clerfayt, le meilleur général autrichien de l'époque. En 1799, on le vit reparaître, à la tête des armées d'Autriche, et battre encore Jourdan, en Souabe, où il déploya une connaissance profonde de la tactique militaire. A Stockack, il se conduisit avec un rare courage, Masséna l'attendait en Suisse. Contre un si habile adversaire, il ne manqua point d'habileté; mais une manoeuvre, dont l'ordre partait de trop haut pour être discutée, et qu'il exécuta trop bien, découvrit l'aile droite des Russes, et décida le sort de la campagne. Souwarow et la cour s'en prirent à l'archiduc: bientôt dégoûté par quelques intrigues, et par l'incertitude des chances de la guerre, qui avaient plus d'une fois contrarié ses savantes combinaisons, il prétexta le dérangement de sa santé, se retira, fut chargé pendant quelque temps du gouvernement de la Bohême, et eut la triste consolation de voir les revers de l'armée se multiplier depuis sa retraite. On le rappela : il n'était plus temps. La bataille de Hohenlinden était donnée; les Français étaient à trente lieues de Vienne; il ne put rien opposer à un mal si pressant, et signa les préliminaires du traité de Lunéville. Ministre de la guerre, après ce traité, il déploya autant de sagesse que de modestie, réduisit à

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