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Chine. Cette dépendance au-dehors, ne limite point son pouvoir dans l'intérieur. Ses revenus se lèvent sur les différentes productions de la terre. La richesse des grands ne consiste que dans le grand nombre de leurs esclaves, et dans la jouissance des charges que le roi leur confère, et qui lui reviennent après leur mort. La garde qu'il entretient est nombreuse : elle lui est fournie par les provinces, dont les gouverneurs entretiennent une milice considé rable. De cette milice, font partie un certain nombre de religieux qu'envoyent tour à tour les velles : les religieux passent pour les meilleurs soldats du royaume, et sont principalement destinés à garder à ses dépens les châteaux et les forteresses. A soixante ans, ils sont exempts du service, et leurs enfans prennent leur place. Le nombre de personnes libres qui ne sont point enrôlées dans la milice, forme, avec les esclaves, la moitié de la population du pays.

Comme la Corée est presque toute environnée par la mer, on y entretient soigneusement une marine considé rable. Chaque ville fournit une galère équipée et pourvue de toutes choses. Chacune de ces galères, armée de petites pièces de canon, et contenant beaucoup de feux d'artifices, porte jusqu'à trois cents hommes, tant en soldats qu'en rameurs.

La justice criminelle est administrée avec la plus grande sévérité en Corée, et les peines y sont très-rigoureuses. Mais cette sévérité ne s'étend pas sur ceux qui ont des esclaves: leurs maîtres peuvent impunément les tuer pour les plus légers sujets. Ce qui balance un peu la rigueur de l'administration de la justice en matière criminelle, c'est que ni les gouverneurs particuliers des villes ou forteresses, ni les juges subalternes, ne peuvent condamner personne à mort sans la participation du gouverneur de la province, et que les prévenus de crimes contre l'Etat ne peuvent être jugés qu'on n'en ait préalablement instruit le roi.

La religion, qui n'est dans la Corée qu'une idolâtrie grossière, se pratique avec beaucoup d'indifférence. Le

dogme consiste uniquement dans la croyance d'un état futur, avec rémunération des bonnes actions et punition des crimes. Cette croyance est uniforme dans toute la Corée. Les moines sont multipliés dans ce pays à un excès prodigieux. Tel monastère en renferme jusqu'à six cents; telle ville en compte dans son ressort jusqu'à quatre mille: ce qui les multiplie à ce point, c'est la liberté qu'ont tous les Coréens de se faire moines, et la faculté qu'ils ont de quitter cet état quand bon leur semble. Ces moines ne sont guère plus considérés que les esclaves, tant à raison des tributs énormes qu'ils sont obligés de payer, qu'à cause des travaux qu'ils sont tenus de faire. Du mépris qu'on leur porte, il faut excepter leurs supérieurs, sur-tout lorsqu'ils s'adonnent aux sciences; car alors ils marchent sur la même ligne que les grands du royaume, et sont accueillis par-tout avec respect. Tous les alimens tirés du règne animal, et la conversation avec les femmes, sont sévèrement interdits à ces moines: s'ils violent ces réglemens, ils sont punis par la bastonnade et chassés de leurs cloîtres. Par une contradiction singulière, ces cloîtres, ordinairement situés dans les points de vue les plus pittoresques, et embellis par des jardins, deviennent des maisons de plaisir pour les nobles, qui vont s'y divertir avec des femmes publiques.

La Corée renferme aussi des monastères de religieuses, dont les uns sont destinés aux personnes de qualité, d'autres aux filles du commun. Celles qui s'y renfermoient, s'y consacroient à une chasteté perpétuelle : le roi régnant, du temps de Hamel, leur donna la liberté de se marier. Les nobles se distinguent du commun du peuple surtout par leurs habitations, qui, dans le genre d'architec ture du pays, sont magnifiques; tandis celles du gros de la nation sont misérables. Cette distinction est maintenue avec une telle rigueur, que les gens du peuple; non-seulement ne peuvent pas construire leurs maisons à leur fantaisie, mais qu'ils ne peuvent pas même les couvrir de tuiles sans permission, de sorte que la plupart ne

que

Te sont que de paille ou de roseaux : c'est ainsi que l'orgueil des nobles expose les villes à de fréquens incendies.

Chez les nobles, l'appartement des femmes est dans le fond de la maison, pour les soustraire aux regards: il s'en trouve beaucoup néanmoins parmi elles qui ont la liberté de se livrer à la société des hommes et de prendre part à leurs festins; mais elles sont assises à part et vis-à-vis de leurs maris.

Les marchands régalent leurs amis avec du tabac et de l'arac on en fait également beaucoup d'usage dans des espèces de cabarets où les habitans de la Corée vont voir des femmes publiques danser, chanter, jouer des instrumens. Dans l'été, ces divertissemens ont lieu sous des arbres fort touffus.

Ce peuple est fort hospitalier. Comme on ne connoît point dans le pays les auberges, le voyageur va s'asseoir où il est surpris par la nuit, près de la palissade de la première maison qu'il rencontre. Là, quoique ce ne soit pas le logis d'un grand, on lui apporte suffisamment de riz cuit et de viande préparée pour le souper. En sortant de ce lieu, il pourroit s'arrêter successivement dans plusieurs autres, où il recevroit un traitement aussi favorable.

Les habitans de la Corée ne peuvent se marier entre parens qu'au quatrième degré : Hamel ne nous a point appris ce qui peut moliver chez une telle nation, ces prohibitions canoniques: les mariages ne sont point préparés par les douces affections de l'amour, parce qu'ils se contractent dès l'âge de huit à dix ans. Dès qu'ils sont arrêtés, les jeunes filles entrent dans la maison de leurs beauxpères, et y restent jusqu'à ce qu'elles aient appris à gagner leur vie, si elles sont de la classe commune du peuple, ou à conduire un ménage, si elles sont d'une condition plus relevée. Quoiqu'une femme ait donné plusieurs enfaus à son mari, il peut la répudier quand il lui plait. La femme n'a pas le même privilége, à moins que le juge ne l'ordonne. Un homme peut entretenir autant de femmes qu'il en peut nourrir ; mais il ne peut avoir chez lui qu'une

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seule femme : il faut qu'il tienne les autres dans des maisons séparées de la sienne. Ceci reçoit pourtant une exception pour les nobles, qui peuvent avoir dans leur maison plusieurs femmes, en observant toutefois qu'il n'y en a toujours qu'une qui domine et qui a l'intendance de tout.

L'éducation des enfans est très-soignée chez les nobles: ils leur donnent de bonne heure des maîtres pour leur enseigner à lire et à écrire; et, comme les habitans de Formose, ils n'usent d'aucune contrainte dans l'enseignement. La tendresse presque excessive des pères pour leurs enfans, n'affoiblit point le respect que ceux-ci leur portent. Le grand ressort de l'éducation, est l'émulation qu'on inspire aux enfans, en leur mettant sous les yeux le mérite, de leurs ancêtres, qui les a conduits aux honneurs et à la fortune. Outre les études particulières, il y a dans chaque ville une espèce d'école publique, où les nobles rassemblent la jeunesse pour leur faire lire le tableau de l'état actuel du pays, et les arrêts de condamnation portés contre les grands pour leurs crimes.

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Tous les ans, il se tient dans deux ou trois villes de chaque province, des assemblées où les étudians se présentent pour obtenir des emplois, soit dans la plume, soit dans l'épée. Les gouverneurs des places y délèguent des examinateurs; et sur leur rapport, ils en écrivent au roi. Il se tient pareillement une assemblée à la cour, l'on examine la conduite de tous ceux qui occupent les places tous les grands s'y trouvent. C'est là aussi qu'on distribue les emplois à ceux qui en sont jugés dignes. On n'épargne rien pour cumuler en sa personne des emplois civils et militaires; et là, comme ailleurs, les présens et les festins sont mis en œuvre pour se concilier des suffrages. "a

NOTICES sur la péninsule de la Corée en Asie : (en allemand) Nachrichten von der Halb-Insel Korea in Asien. (Insérées dans la Connoissance de la Littérature et des Peuples, 1786, xe cah.)

S. II. Voyages communs à la Chine et à la Tartarie chinoise. Descriptions communes à ces deux con

trées.

AMBASSADE de la Compagnie hollandaise des Indes, au Khan des Tartares et à l'Empereur de la Chine , par Jean Niewhof: (en hollandais) Gesandshap der Neederlandische Oost-Indische Compagnie aen den Grooten Tartarischen Cham, den Keyzer van China, door Jan. Niewhof. Avec planches. Amsterdam, 1665, in-fol.

Cet ouvrage a été traduit en français, et a paru la même année sous le titre suivant :

AMBASSADE des Provinces-Unies au Grand-Kan de Tartarie et à l'Empereur de la Chine, faite par les sieurs Pierre de Goger et Jacob de Keyser, illustrée d'une très-exacte description des villes, bourgs, villages, ports de mer et autres lieux plus consi dérables de la Chine, enrichie d'un grand nombre de figures en taille-douce; le tout recueilli par M. Jean Niewhof, et mis en français par Jean Le Charpentier, historiographe. Leyde, Samblemears, 1665, in-fol.

Cette relation n'est pas plus estimable pour l'exactitude des faits et la fidélité des descriptions, que l'Ambassade du Japon dont j'ai donné la notice; mais les figures, les vues et les plans, qui sont un peu plus fidèles et qui sont encore mieux exécutés, donnent quelque prix à cet

ouvrage.

HISTOIRE de la conquête de la Chine par les Tartares, contenant plusieurs choses remarquables

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