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n'étaient pas encombrées d'explications dites scientifiques, et qui ne servent qu'à montrer la finesse des hypothèses et des suppositions de l'auteur mises à la place des faits absents ou dénaturés, le chaos serait débrouillé déjà, les faits eussent pris leur place, et où il y a lacune historique on verrait une lacune et non des suppositions plus ou moins ingénieuses. La vérité seule éclaire, les hypothèses sont de purs jeux de l'esprit qui amusent les savants et laissent les autres parfaitement incrédules ou indifférents.

L'histoire d'Abraham écrite par Moïse, et circonscrite dans le temps où nous la plaçons, est la plus nette et la plus précise que nous possédions pour ce temps reculé: difficultés, contradictions, impossibilités, tout disparaît. L'histoire tient sur sa base.

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Enseignement classique.

QUELLE MORALE ON TROUVE

DANS LES

POÈMES D'HOMÈRE ET DE VIRGILE.

Dans notre cahier de mars (ci-dessus, p. 224), nous avons moutré ce que Platon et les plus distingués des auteurs païens et chrétiens pensaient de la funeste influence des poèmes d'Homère sur l'esprit des jeunes gens. Comine quelques personnes, trompées par les grands éloges qu'elles ont entendu adresser à Homère et à Virgile, peuvent se demander quelle peut être la mauvaise morale enseignée par ces auteurs, nous avons voulu les renseigner sur ce point, et pour cela, nous avons été assez heureux pour recevoir de Mgr Gaume une lettre qu'il avait composée pour son grand ouvrage de la Révolution, et qui n'y a pas été insérée.

Ce travail est sous forme de lettre adressée à une dame qui défendait la méthode païenne de l'enseignement classique contre une de ses amies, qui voulait la voir profondément modifiée.

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A. B.

Vous me demandez, Madame, en quoi peut consister la mauvaise influence des écrits d'Homère sur l'esprit des jeunes gens, et sur quoi peut être fondée votre amie Laurence, qui ne voudrait pas voir ses enfants imbus de la morale d'Homère et de Virgile. Surtout vous demandez grâce au moins pour Virgile. Vous avez raison, les enseignements de ces deux auteurs sont de la même nature. Il résulte de là que, si Homère est un bon précepteur de la jeunesse, Virgile a droit au même titre; au contraire, si, comme le soutient votre amie, Homère serait beaucoup mieux placé dans les bibliothèques publiques pour l'usage des hommes de loisir, que dans les colléges et les petits-séminaires, pour l'instruction de la jeunesse, il faut en dire autant de Virgile.

Cela posé, veuillez, Madame, ne pas perdre de vue les axiomes suivants admis de tout le monde, savoir :

1° Que, pour répondre à leur destination, les livres classiques doivent développer les facultés intellectuelles et morales de l'homme;

2° Quelles facultés intellectuelles et morales de l'homme se développent par la connaissance de la vérité; par les leçons et les exemples de vertus; par la contemplation assidue du vrai, du bon, du beau en toutes choses.

Voyons maintenant jusqu'à quel point Virgile et Homère sont propres à développer les facultés intellectuelles et morales de l'homme sur cela résumons brièvement leurs doctrines.

Enseignent-ils le vrai?

Sur Dieu.

En lisant Homère et Virgile, votre fils apprend que Jupiter est le maître des dieux. Ce qui ne l'empêche pas, de son propre aveu, d'être soumis au Destin; ce qui ne l'eût pas empêché, si la nymphe Thétis et le géant Briarée ne fussent venus à son secours d'être garrotté par les membres de sa famille, Junon sa femme, Neptune son frère et Minerve sa fille 1.

Il apprendra que ce Dieu suprême est un libertin, un parjure, un menteur; qu'il ignore ce qui se passe; qu'il a une femme; qu'il la bat; qu'il a des chevaux, une voiture, un fouet; qu'il va dîner en ville comme un bourgeois, et qu'il rit à se pâmer des crimes et des désordres des autres dieux, ses parents et ses enfants 2.

Quant aux autres Dieux, votre fils apprend qu'ils sont tous éternellement engendrés, et un peu plus loin, il lit la généalogie de chacun d'eux. Homère et Virgile les déclarent formellement immortels; et bientôt il rencontre Mars sur le champ de bataille, prêt à périr, Diane et Vénus blessées, et ayant la vie facile; il les voit tous soumis comme de simples mortels à la souffrance, sujets à tous nos besoins; enfin purement corporels, mais à cause de la différence d'aliments, doués d'une autre constitution physique.

Quant à leurs fonctions, ils jouent tous les rôles : ils sont pâtres, maçons, manœuvres, chasseurs, musiciens, magiciens, proxénètes, professeurs de vol; ils ont toutes les pas

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sions la fourberie, la rancune, la jalousie, l'intempérance, la colère, et par-dessus tont l'impudicité 1.

Je le demande, Madame, avec votre amie: dans quel pays permettrait-on à des auteurs de théâtre de donner aux personnages de leurs pièces, à des comédiens et à des comédiennes, les noms du roi, des princes et des princesses de la famille régnante? de faire dire ou représenter à ceux qui en seraient décorés des choses indignes de la majesté royale? On aurait beau savoir que ces personnages ne sont pas le vrai roi, les vrais princes, les vraies princesses. Le seul fait de voir le nom auguste du roi et des princes ainsi profané, ne serait-il pas un outrage et un scandale? Le peuple ne s'habituerait-il pas à mépriser ce nom digne de tous les respects? Ce qui est vrai du nom d'un roi, ne l'est-il pas à plus forte raison du nom de Dieu? Si Homère et Virgile avaient entrepris de le rendre odieux et ridicule, auraient-ils pu faire quelque chose de plus que ce qu'ils ont fait ?

Sur l'homme. A l'école de Virgile et d'Homère, votre fils apprend que l'âme réside dans le sang; qu'elle est une vaine image, une ombre qui, dès que la vie a abandonné les ossements, s'échappe et voltige comme une chauve-souris. Suivant Homère, cette ombre légère, après le trépas, gémit, revient jusqu'à ce que le corps ait reçu les honneurs de la sépulture. Lorsque les flammes du bûcher ont dévoré les chairs et les os, elle entre dans l'empire des morts, et Proserpine lui ôte la science et la pensée. Suivant Virgile, elle passe par des expiations, après lesquelles, l'eau du Léthé lui ôte le souvenir de sa première existence et lui fait naître le désir de se réunir à un nouveau corps. Est-elle spirituelle, ou ne l'estelle pas? Homère et Virgile disent à votre fils d'en douter 2.

Sur la Religion.— La religion Homérique et Virgilienne est une sorte de Fétichisme. Les Dieux ont les mêmes appétits que les hommes. Il leur faut des aliments, des boissons, des bains, des parfums. S'ils prennent en affection un héros, une ville, une nation, c'est que chez ce héros, dans cette ville, chez cette nation, jamais leur autel ne manque des

1 Enéid., II, IV, v; Iliade, 1, xiv; Odyss., 1, etc. etc. 2 Eneid., XII et vi; Iliade, XXIII; Odyssée, XI, etc.

mets qui leur conviennent: ils ne dédaignent pas de s'asseoir aux festins des mortels et ils restent à table jusqu'à douze jours consécutifs 1.

La Sanction de la morale Homérique et Virgilienne c'est la crainte des dieux et des peines futures. Pour apprécier cette morale, il est indispensable de connaître la morale des Dieux et la nature des peines qu'ils réservent aux coupables. Votre fils apprend d'abord que la morale de la belle antiquité n'a rien de commun avec celle du Décalogue. Les Dieux sont, avant tout, personnels, vindicatifs, intéressés, avides de plaisirs et nullement scrupuleux sur les moyens. Neptune et Junon poursuivent l'une les Troyens, l'autre Ulysse, d'une haine implacable pour une injure personnelle. Mercure pour récompenser Autolycos de ses nombreux sacrifices lui apprend l'art de tromper et de voler. Jupiter étale avec complaisance à Junon elle-même ses nombreux adultères; Thétis conseille à son fils de se livrer aux caresses d'une amante; Vénus inspire à Didon une passion honteuse; de concert avec Junon elle fournit tous les moyens de la satisfaire; Mercure, pour posséder Polymède, s'introduit secrètement dans sa chambre virginale; Neptune séduit Tyro en empruntant les traits d'un fleuve. L'homicide ne leur est pas absolument odieux, tuer un homme n'est pas une action mauvaise en elle-même; ce qui est impardonnable, c'est de le tuer malgré leurs ordres 2.

Quant aux châtiments futurs, à peine s'il en est question dans Homère. Virgile ne renferme dans le Tartare que quelques scélérats exceptionnels. Le dogme de la métempsycose qu'il professe très-clairement met fin aux supplices. Les hommes ne sont punis, ni pour s'être suicidés ni pour s'être livrés aux plus honteux désordres de mœurs. Epicaste qui s'est pendue, Didon qui s'est suicidée, ne subissent aucun châtiment. En tout cas, après quelques épreuves ceux qui sont coupables de ce dernier des crimes entrent aux ChampsÉlysées, où ils se divertissent pendant mille ans, après quoi les âmes reviennent sur la terre ".

1 Eneid., II; Iliade, IV, XIV; Odyssée, I, v, etc.

2 Iliade, 1, 11, XIV, XVI. XXIV; Odyssée, I, XI, XIII; Enéïd., I, II, IV, etc. 3 Odyss., XI; Eneid., VI.

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